Chanvre légal, cannabis interdit
Posté: 18 Nov 2005, 08:28
Article paru dans l'Est Républicain en page Région Franche-Comté
Chanvre légal, cannabis interdit
Défenseur d'un partisan de la dépénalisation du cannabis, Me
Francis Caballero renvoie la cour d'appel de Besançon à une encombrante
application du droit.
BESANÇON. _ Quel arrêt la cour d'appel de Besançon
rendra-t-elle, le 13 décembre prochain, dans l'affaire de drogue qui
l'oppose à Jean-Christophe Memery, condamné le 13 avril dernier, par le
tribunal correctionnel de Lons à un an avec sursis et 5 ans de mise à
l'épreuve pour détention de substances de plantes classées comme
stupéfiants, soit du cannabis. Le prévenu, 33 ans, demeurant dans le village
jurassien de Fontainebrux, milite pour la dépénalisation du canabis et se
défend avec ardeur à l'audience. En outre, son avocat parisien, Me Francis
Caballero, grand spécialiste du droit de la drogue, a renvoyé hier les
magistrats à une bien embarrassante application du droit.
Jean-Christophe Memery et sa compagne sont poursuivis à double
titre. D'une part, pour avoir, selon l'accusation, prescrit l'usage de
cannabis en vendant des objets expliquant sa culture et en donnant des
conseils, dans leur boutique associative de Lons, à l'enseigne de « Mille et
un jardins ». D'autre part pour avoir cultivé à leur domicile 17 plants de
cannabis destinés à leur consommation personnelle.
« Je ne conteste pas les faits, je vise à obtenir la
dépénalisation, j'assume et revendique, je milite pour des solutions
alternatives et parle de désobéissance civile au regard de la démesure
pénale en la matière », souligne le prévenu à la barre. Pas question
d'entrer en pareil débat pour le président Perron : « Si vous voulez changer
la loi, allez voir votre député. Les scientifiques de l'INSERM ont mis en
évidence les dangers du cannabis sur les adolescents ».
Jean-Christophe Memery rétorque : « Je défends des idées. Je
n'ai rien fait d'illicite. A la boutique aujourd'hui fermée, on vendait des
livres et des objets faits à partir de chanvre licite contenant moins de 0,3
% de THC qui est le principe actif du cannabis. Je suis convaincu des vertus
thérapeutiques du chanvre ».
« Législation délirante »
D'emblée, le défenseur, Me Francis Caballero, assène une leçon
de droit : « Le parquet a correctionnalisé l'affaire en parlant de détention
et non de production de cannabis. Or, mon client a planté et récolté une
graine considérée comme stupéfiant. La production de cannabis est une
infraction de nature criminelle relevant de la compétence exclusive d'une
cour d'assises spécialisée et passible de 20 ans de réclusion et 7,5 M€
d'amende ».
Et l'avocat a demandé une requalification des faits de détention
en production illicite et à la cour de se déclarer incompétente en se
fondant sur le principe de la plus haute acception pénale. « Produire est un
crime, tous les petits planteurs sont donc passibles de la cour d'assises.
C'est béton, la correctionnalisation est illégale. Cela montre que la
législation applicable au cannabis est délirante, disproportionnée et est un
échec majeur ».
A propos de la boutique, Me Caballero demande la relaxe et
rappelle : « La culture du chanvre à moins de 0,3 % de THC, exposé au salon
de l'agriculture et soutenu par l'Europe, est licite. Bières, savons et
vêtements vendus dans la boutique, étaient fabriqués à partir de ces
graines. On reproche à mon client un délit intellectuel ».
Et l'avocat a démonté l'accusation en donnant lecture des
témoignages qui en faisaient le fondement même. En effet, pas une des
auditions des clients de la boutique y compris celle d'une policière s'étant
présentée aussi comme cliente, ne met en cause Jean-Christophe Memery. Pas
une fois, il n'apparaît comme poussant à la consommation ou la recommandant.
Un client confie même qu'il a refusé de parler du cannabis illicite.
L'avocate générale Martin-Lécuyer a refusé d'entrer dans le
débat : « La drogue, il n'y a pas de quantité autorisée comme pour l'alcool,
c'est interdit ». Tout en demandant du temps pour répondre aux arguments de
Me Caballero, elle a réclamé la confirmation du jugement de première
instance.
Yves ANDRIKIAN
Le prévenu Jean-Christophe Memery et son avocat parisien, Me
Francis Caballero, qui plaide depuis des années pour la légalisation du
cannabis Photo Arnaud CASTAGNÉ
© L'Est Républicain - 16.11.2005
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Article paru dans l'Est Républicain en page Région Franche-Comté
Ficelle
Il y a le chanvre licite, élevé en culture agricole, qui entre dans la composition de textiles, matériaux de construction, produits cosmétiques, huile de salade, bouquins ou... billets de banque.
Et le chanvre illicite, dit « indien » ou cannabis, dont la plantation, la détention et la consommation restent prohibées sur le territoire français.
La distinction paraît limpide. Mais voilà qu'un éminent spécialiste de la question, avocat de son métier, introduit une nuance supplémentaire. Hier, il a embrumé la chambre correctionnelle de la cour d'appel en faisant savoir que l'artisanale production de cannabis reprochée à son client n'en était pas moins « criminelle » au regard de la législation en vigueur. Et relevait, à ce titre, de la compétence d'une cour d'assises.
Enfoncer un prévenu pour obtenir sa relaxe, la démonstration valait surtout par l'absurde. Les magistrats, sensibles à cette fibre juridique, en concluront que le chanvre permet de tirer de nombreuses ficelles.
Jean-Pierre MULOT
© L'Est Républicain - 16.11.2005
Chanvre légal, cannabis interdit
Défenseur d'un partisan de la dépénalisation du cannabis, Me
Francis Caballero renvoie la cour d'appel de Besançon à une encombrante
application du droit.
BESANÇON. _ Quel arrêt la cour d'appel de Besançon
rendra-t-elle, le 13 décembre prochain, dans l'affaire de drogue qui
l'oppose à Jean-Christophe Memery, condamné le 13 avril dernier, par le
tribunal correctionnel de Lons à un an avec sursis et 5 ans de mise à
l'épreuve pour détention de substances de plantes classées comme
stupéfiants, soit du cannabis. Le prévenu, 33 ans, demeurant dans le village
jurassien de Fontainebrux, milite pour la dépénalisation du canabis et se
défend avec ardeur à l'audience. En outre, son avocat parisien, Me Francis
Caballero, grand spécialiste du droit de la drogue, a renvoyé hier les
magistrats à une bien embarrassante application du droit.
Jean-Christophe Memery et sa compagne sont poursuivis à double
titre. D'une part, pour avoir, selon l'accusation, prescrit l'usage de
cannabis en vendant des objets expliquant sa culture et en donnant des
conseils, dans leur boutique associative de Lons, à l'enseigne de « Mille et
un jardins ». D'autre part pour avoir cultivé à leur domicile 17 plants de
cannabis destinés à leur consommation personnelle.
« Je ne conteste pas les faits, je vise à obtenir la
dépénalisation, j'assume et revendique, je milite pour des solutions
alternatives et parle de désobéissance civile au regard de la démesure
pénale en la matière », souligne le prévenu à la barre. Pas question
d'entrer en pareil débat pour le président Perron : « Si vous voulez changer
la loi, allez voir votre député. Les scientifiques de l'INSERM ont mis en
évidence les dangers du cannabis sur les adolescents ».
Jean-Christophe Memery rétorque : « Je défends des idées. Je
n'ai rien fait d'illicite. A la boutique aujourd'hui fermée, on vendait des
livres et des objets faits à partir de chanvre licite contenant moins de 0,3
% de THC qui est le principe actif du cannabis. Je suis convaincu des vertus
thérapeutiques du chanvre ».
« Législation délirante »
D'emblée, le défenseur, Me Francis Caballero, assène une leçon
de droit : « Le parquet a correctionnalisé l'affaire en parlant de détention
et non de production de cannabis. Or, mon client a planté et récolté une
graine considérée comme stupéfiant. La production de cannabis est une
infraction de nature criminelle relevant de la compétence exclusive d'une
cour d'assises spécialisée et passible de 20 ans de réclusion et 7,5 M€
d'amende ».
Et l'avocat a demandé une requalification des faits de détention
en production illicite et à la cour de se déclarer incompétente en se
fondant sur le principe de la plus haute acception pénale. « Produire est un
crime, tous les petits planteurs sont donc passibles de la cour d'assises.
C'est béton, la correctionnalisation est illégale. Cela montre que la
législation applicable au cannabis est délirante, disproportionnée et est un
échec majeur ».
A propos de la boutique, Me Caballero demande la relaxe et
rappelle : « La culture du chanvre à moins de 0,3 % de THC, exposé au salon
de l'agriculture et soutenu par l'Europe, est licite. Bières, savons et
vêtements vendus dans la boutique, étaient fabriqués à partir de ces
graines. On reproche à mon client un délit intellectuel ».
Et l'avocat a démonté l'accusation en donnant lecture des
témoignages qui en faisaient le fondement même. En effet, pas une des
auditions des clients de la boutique y compris celle d'une policière s'étant
présentée aussi comme cliente, ne met en cause Jean-Christophe Memery. Pas
une fois, il n'apparaît comme poussant à la consommation ou la recommandant.
Un client confie même qu'il a refusé de parler du cannabis illicite.
L'avocate générale Martin-Lécuyer a refusé d'entrer dans le
débat : « La drogue, il n'y a pas de quantité autorisée comme pour l'alcool,
c'est interdit ». Tout en demandant du temps pour répondre aux arguments de
Me Caballero, elle a réclamé la confirmation du jugement de première
instance.
Yves ANDRIKIAN
Le prévenu Jean-Christophe Memery et son avocat parisien, Me
Francis Caballero, qui plaide depuis des années pour la légalisation du
cannabis Photo Arnaud CASTAGNÉ
© L'Est Républicain - 16.11.2005
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Article paru dans l'Est Républicain en page Région Franche-Comté
Ficelle
Il y a le chanvre licite, élevé en culture agricole, qui entre dans la composition de textiles, matériaux de construction, produits cosmétiques, huile de salade, bouquins ou... billets de banque.
Et le chanvre illicite, dit « indien » ou cannabis, dont la plantation, la détention et la consommation restent prohibées sur le territoire français.
La distinction paraît limpide. Mais voilà qu'un éminent spécialiste de la question, avocat de son métier, introduit une nuance supplémentaire. Hier, il a embrumé la chambre correctionnelle de la cour d'appel en faisant savoir que l'artisanale production de cannabis reprochée à son client n'en était pas moins « criminelle » au regard de la législation en vigueur. Et relevait, à ce titre, de la compétence d'une cour d'assises.
Enfoncer un prévenu pour obtenir sa relaxe, la démonstration valait surtout par l'absurde. Les magistrats, sensibles à cette fibre juridique, en concluront que le chanvre permet de tirer de nombreuses ficelles.
Jean-Pierre MULOT
© L'Est Républicain - 16.11.2005