Le mythe d'une société sans drogues dénoncé par une magistra
Posté: 24 Fév 2005, 05:24
Le mythe d'une société sans drogues dénoncé par une magistrate
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 951,0.html
Le mythe d'une société sans drogues dénoncé par une magistrate
LE MONDE | 21.02.05 | 14h58
Pour l'ex-présidente de la Mission de lutte contre la toxicomanie, il faut
"s'adapter à la diversité des comportements".
Parce qu'elle évoque les figures de la marginalité et de l'interdit, parce
qu'elle fait peur autant qu'elle fascine, la question des drogues a
longtemps suscité les discours manichéens et les solutions toutes faites.
Dans Les Drogues, un petit opuscule accessible à tous, Nicole Maestracci
tente de dépasser les clivages idéologiques qui polluent souvent le débat
public en la matière.
Livrant une synthèse très pédagogique des données connues sur les produits,
leurs usages et les risques qui leur sont associés, la magistrate, qui a
présidé la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la
toxicomanie (MILDT) entre 1998 à 2002, plaide pour une politique
pragmatique et transparente des pouvoirs publics, qui ne méconnaîtrait pas
la complexité des phénomènes de consommation.
Loin des slogans de "guerre à la drogue" ou d'éradication d'un "fléau à
combattre", Nicole Maestracci affirme sa conviction : il faut tourner le
dos au mythe d'une société sans drogues, encore trop facilement agité dans
certains discours politiques. "Ne faut-il pas admettre que la recherche de
drogues est, comme la recherche du bonheur ou la prescience de la mort,
consubstantielle à l'homme ?, s'interroge-t-elle. Admettre cette évidence
n'est pas baisser les bras, c'est au contraire définir la marge de man¦uvre
de l'action à conduire : réduire les dommages physiques ou sociaux liés à
la consommation de drogues."
Ce programme d'action, Mme Maestracci l'avait elle-même décliné à la tête
de la MILDT en mettant en ¦uvre une politique dite d'"approche globale" des
drogues : il s'agissait de traiter sur un plan unique toutes les substances
psycho-actives (alcool, cannabis, cocaïne, ecstasy, héroïne, tabac,
médicaments, substances dopantes) en abordant les produits selon leur mode
d'action et la dépendance qu'ils entraînent, et non plus en fonction de
leur caractère licite ou illicite.
"SIMPLISTES ET BINAIRES"
Cette approche, fondée sur les comportements plutôt que sur les produits, a
conduit les politiques publiques à moduler leur action selon les modes de
consommation, distinguant entre l'usage, l'abus (ou usage nocif) et la
dépendance.
Fortement combattue par le gouvernement Raffarin lors de son arrivée aux
affaires, cette orientation n'a finalement pas été remise en cause par les
pouvoirs publics, même si le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, a
récemment choisi de focaliser sur un produit, le cannabis, en lançant une
campagne d'information sur ses "méfaits" (Le Monde du 3 février).
Pour Nicole Maestracci cependant, "les grandes campagnes de communication
ne font pas en elles-mêmes prévention" car "elles sont trop générales pour
s'adapter à la diversité des comportements". Elle rappelle que dans le
passé, ces slogans (comme "La drogue, c'est de la merde", 1986) n'ont eu
une efficacité que très relative. "Les messages simplistes et binaires
fondés sur la peur ou une dramatisation excessive n'ont pas été efficaces
car, en plaçant tous les comportements de consommation sur le même plan,
ils contredisaient l'expérience de la plupart des personnes et n'étaient
donc pas crédibles."
A ces campagnes systématiques, l'auteur préfère l'élaboration d'un "socle
commun de connaissances sur les drogues, transversal aux générations, aux
milieux sociaux et aux cultures professionnelles", et renouvelé
régulièrement, afin de créer "un bruit de fond indispensable pour susciter
une adhésion de la population aux mesures de prévention proposées".
En ce sens, l'ouvrage de Mme Maestracci s'apparente à un plaidoyer pour la
politique qu'elle a menée, notamment au travers de la diffusion à plus de 6
millions d'exemplaires, du livret Drogues : savoir plus, risquer moins.
Cette démarche de santé publique, qui ne cache rien de la vérité des
drogues pour mieux en limiter les dangers, est pour l'auteur un préalable
absolu : "Ce n'est qu'à ce prix que la question des drogues sortira de
l'âge des croisades et deviendra une question individuelle et collective
comme les autres", conclut-elle.
Cécile Prieur
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 951,0.html
Le mythe d'une société sans drogues dénoncé par une magistrate
LE MONDE | 21.02.05 | 14h58
Pour l'ex-présidente de la Mission de lutte contre la toxicomanie, il faut
"s'adapter à la diversité des comportements".
Parce qu'elle évoque les figures de la marginalité et de l'interdit, parce
qu'elle fait peur autant qu'elle fascine, la question des drogues a
longtemps suscité les discours manichéens et les solutions toutes faites.
Dans Les Drogues, un petit opuscule accessible à tous, Nicole Maestracci
tente de dépasser les clivages idéologiques qui polluent souvent le débat
public en la matière.
Livrant une synthèse très pédagogique des données connues sur les produits,
leurs usages et les risques qui leur sont associés, la magistrate, qui a
présidé la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la
toxicomanie (MILDT) entre 1998 à 2002, plaide pour une politique
pragmatique et transparente des pouvoirs publics, qui ne méconnaîtrait pas
la complexité des phénomènes de consommation.
Loin des slogans de "guerre à la drogue" ou d'éradication d'un "fléau à
combattre", Nicole Maestracci affirme sa conviction : il faut tourner le
dos au mythe d'une société sans drogues, encore trop facilement agité dans
certains discours politiques. "Ne faut-il pas admettre que la recherche de
drogues est, comme la recherche du bonheur ou la prescience de la mort,
consubstantielle à l'homme ?, s'interroge-t-elle. Admettre cette évidence
n'est pas baisser les bras, c'est au contraire définir la marge de man¦uvre
de l'action à conduire : réduire les dommages physiques ou sociaux liés à
la consommation de drogues."
Ce programme d'action, Mme Maestracci l'avait elle-même décliné à la tête
de la MILDT en mettant en ¦uvre une politique dite d'"approche globale" des
drogues : il s'agissait de traiter sur un plan unique toutes les substances
psycho-actives (alcool, cannabis, cocaïne, ecstasy, héroïne, tabac,
médicaments, substances dopantes) en abordant les produits selon leur mode
d'action et la dépendance qu'ils entraînent, et non plus en fonction de
leur caractère licite ou illicite.
"SIMPLISTES ET BINAIRES"
Cette approche, fondée sur les comportements plutôt que sur les produits, a
conduit les politiques publiques à moduler leur action selon les modes de
consommation, distinguant entre l'usage, l'abus (ou usage nocif) et la
dépendance.
Fortement combattue par le gouvernement Raffarin lors de son arrivée aux
affaires, cette orientation n'a finalement pas été remise en cause par les
pouvoirs publics, même si le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, a
récemment choisi de focaliser sur un produit, le cannabis, en lançant une
campagne d'information sur ses "méfaits" (Le Monde du 3 février).
Pour Nicole Maestracci cependant, "les grandes campagnes de communication
ne font pas en elles-mêmes prévention" car "elles sont trop générales pour
s'adapter à la diversité des comportements". Elle rappelle que dans le
passé, ces slogans (comme "La drogue, c'est de la merde", 1986) n'ont eu
une efficacité que très relative. "Les messages simplistes et binaires
fondés sur la peur ou une dramatisation excessive n'ont pas été efficaces
car, en plaçant tous les comportements de consommation sur le même plan,
ils contredisaient l'expérience de la plupart des personnes et n'étaient
donc pas crédibles."
A ces campagnes systématiques, l'auteur préfère l'élaboration d'un "socle
commun de connaissances sur les drogues, transversal aux générations, aux
milieux sociaux et aux cultures professionnelles", et renouvelé
régulièrement, afin de créer "un bruit de fond indispensable pour susciter
une adhésion de la population aux mesures de prévention proposées".
En ce sens, l'ouvrage de Mme Maestracci s'apparente à un plaidoyer pour la
politique qu'elle a menée, notamment au travers de la diffusion à plus de 6
millions d'exemplaires, du livret Drogues : savoir plus, risquer moins.
Cette démarche de santé publique, qui ne cache rien de la vérité des
drogues pour mieux en limiter les dangers, est pour l'auteur un préalable
absolu : "Ce n'est qu'à ce prix que la question des drogues sortira de
l'âge des croisades et deviendra une question individuelle et collective
comme les autres", conclut-elle.
Cécile Prieur