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Plaidoyer pour une rue du Cannabis

MessagePosté: 21 Jan 2013, 03:54
par Anonymous
Aux Pays-Bas, Maastricht accumule les titres de gloire. Pour renforcer sa sécurité, elle veut créer une « rue de la drogue ». Le bourgmestre se justifie.


C omme d'autres localités de l'Euregio, Maastricht vit déjà à l'heure carnavalesque. Dans le hall de l'hôtel de ville, plusieurs bannières rappellent que les festivités du « Vasteloavend », le trépidant carnaval local, sont imminentes. Au beau milieu de ces traditionnelles bannières multicolores, une imposante banderole rouge frappée de lettres blanches attire l'attention. On peut y lire « Maastricht beste stad van Nederland 2004 ». La cité limbourgeoise a en effet décroché ce titre octroyé fin décembre par les quatre chaînes publiques de télé lors d'une émission en direct.

Les soixante communes les plus peuplées des Pays-Bas entraient en lice pour la conquête de cette distinction attribuée en fonction de plusieurs critères (qualité de la vie, sécurité, emplacements de parking, possibilités de shopping, activités culturelles...). Et la victoire de Maastricht s'est doublée d'un succès personnel pour son bourgmestre Gerd Leers (lire nos « Repères » ci-contre) qui, lors de la même émission, a obtenu l'« Oscar » du meilleur bourgmestre des Pays-Bas. Un bonheur ne venant jamais seul, Maastricht s'est aussi vu décerner par le quotidien « De Telegraaph » le titre de ville néerlandaise la plus agréable pour faire du shopping.

Quelques semaines plus tôt, Gerd Leers avait déjà fait parler de lui et il avait même suscité un tollé chez ses « confrères » belges de Visé, Bassenge et Fourons. En novembre il a, en effet, lancé l'idée d'une délocalisation d'une partie des coffee-shops (où haschisch et marijuana sont en vente libre) du centre vers la périphérie, à proximité immédiate de la frontière belge.


« Les voisins en profiteront »

ENTRETIEN

Gerd Leers, pourquoi tenez-vous tant à délocaliser certains coffee-shops ?
Maastricht s'est hissée au rang de deuxième destination touristique des Pays-Bas (Amsterdam reste évidemment en première position). Nous recevons entre 15 et 18 millions de visiteurs par an. On estime que dix pour cent de ces touristes viennent à Maastricht uniquement pour consommer ou acheter de la drogue. Et ce commerce brasse énormément d'argent puisqu'on considère qu'en moyenne un coffee-shop réalise un chiffre d'affaires de 100.000 euros par semaine. Hélas, beaucoup de ces consommateurs ne se bornent pas à fréquenter les seize coffee-shops du centre ville où ils ne peuvent pas acheter plus de cinq grammes par personne. Ils s'approvisionnent également chez d'autres fournisseurs qui n'ont pas pignon sur rue, et, là, ils peuvent aussi se procurer des drogues dures. Un tel trafic est évidemment propice à l'augmentation de la délinquance. En 2004, pour la région du Sud-Limbourg, on a dénombré 25 meurtres. C'est un record.

Pourtant, parmi les critères entrant en ligne de compte pour l'attribution du titre de meilleure ville des Pays-Bas, Maastricht se classait en deuxième position en ce qui concerne la sécurité. Ce transfert des coffee-shops s'impose-t-il vraiment ?
Dans ce concours, nous figurons effectivement en deuxième position derrière Groningue en ce qui concerne la sécurité, mais nous avons constaté ces derniers mois que le sentiment d'insécurité augmente chez beaucoup de Maastrichtois et de plus en plus de gens détiennent des armes comme des couteaux, des battes de base-ball, des sprays lacrymogènes... C'est un constat inquiétant. Notre ville jouit d'une réputation enviable et le traité européen historique qui y a été signé en 1992 a encore accru notre notoriété. Il ne faudrait pas que cet afflux de visiteurs se transforme en cadeau empoisonné pour notre population.

Vous préconisez de délocaliser seulement la moitié des 16 coffee-shops. Certains resteraient donc au centre. Pourquoi ?
Nous voulons que les Maastrichtois puissent se procurer de quoi satisfaire leur consommation personnelle de « hasch ». Aux Pays-Bas, on considère qu'un coffee-shop doit desservir 20.000 personnes. Pour une population totale de 125.000 habitants, nous comptons donc maintenir la moitié des coffee-shops au centre-ville.

Ce sont donc les non-Maastrichtois qui seront « invités » à s'approvisionner dans les coffee-shops transférés en périphérie ?

La grande majorité des « touristes de la drogue » viennent de Belgique, d'Allemagne et de France et ils débarquent chez nous uniquement pour se procurer leurs produits. En les orientant vers les établissements qui seront implantés en périphérie, nous pourrions ainsi mieux contrôler leurs agissements puisque nous envisageons notamment d'installer des caméras de surveillance dans cette zone.

Créer un « boulevard du cannabis » à la frontière n'est-ce pas égoïstement une manière de refiler le problème à vos voisins ?

Je pense au contraire que les localités voisines en profiteront et constateront une amélioration de la sécurité chez eux puisque les agissements des « touristes de la drogue » seront mieux surveillés.

Vous savez déjà à quel endroit ces coffee-shops seraient déplacés ?

Nous pensons à plusieurs emplacements, mais nous en discuterons avec les localités voisines avant toute décision. Je compte rencontrer mes collègues de Visé, Liège, Bassenge, Riemst, mais aussi ceux des localités néerlandaises de Eijsden et Meersen. Je prendrai les premiers contacts dès que le carnaval sera fini

DANIEL CONRAADS - 03.02.2005, 06:00