La guerre à la drogue perd ses bons petits soldats

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La guerre à la drogue perd ses bons petits soldats

Messagepar Petitgris » 25 Nov 2004, 09:25

La guerre à la drogue perd ses bons petits soldats

Stupéfiants. La tolérance zéro, impulsée par les Etats-Unis, est de plus en plus critiquée. Certains policiers de haut rang proposent même une légalisation totale.

Par Arnaud AUBRON

jeudi 25 novembre 2004 (Liberation - 06:00)




Le 2 décembre 1993, Pablo Escobar est abattu par la police colombienne. Aux Etats-Unis, premiers destinataires de la cocaïne, journaux et télévisions font du responsable de la traque, le procureur général Gustavo de Greiff, un héros national. L'état de grâce sera de courte durée. En mars 1994, à l'issue d'une campagne orchestrée par un influent sénateur démocrate du nom de John Kerry, le héros se voit refuser l'accès aux Etats-Unis : de Greiff aurait touché de l'argent de rivaux d'Escobar. Il est forcé à la démission. Pour lui, c'est ailleurs qu'il faut chercher les raisons de son éviction : peu avant la mort du trafiquant, au cours d'une conférence à Baltimore, le Colombien avait expliqué que, quel que soit le nombre d'Escobar arrêtés, les profits générés par la cocaïne attireraient toujours des remplaçants : «Alors je leur ai dit que la légalisation des drogues, c'est-à-dire la régulation de la production et du commerce combinée à des campagnes d'éducation antidrogues et d'assistance médicale aux toxicomanes, pourrait être une meilleure politique pour lutter contre les cartels et la corruption.»

«Excités». Dans la «guerre à la drogue» que l'Amérique impose au monde depuis plus de trente ans, ce genre d'affirmation peut valoir la cour martiale. Surtout si elle émane d'un officier supérieur. Pourtant, les désertions se multiplient. Juges, procureurs, policiers... Ex ou encore en fonction, ils sont de plus en plus nombreux à oser prendre la parole contre la tolérance zéro. Leur antienne : puisque la guerre à la drogue est un échec, osons d'autres voies. «Ce qui est nouveau, ce n'est pas que cette guerre est un échec, c'est qui le dit», résumait récemment un avocat américain. «Au début des années 90, lorsque j'ai pris position dans ce débat, le Premier ministre John Major m'a presque traité de fou», se souvient, sourire dans le regard, l'ancien secrétaire général d'Interpol, Raymond Kendall, 71 ans. Après la police coloniale en Ouganda, celui-ci intègre les renseignements généraux britanniques en 1962, puis Interpol en 1971. «Quand j'étais jeune, les drogues, le chômage et le sida n'existaient pas. Aussi, au début de ma carrière, j'avais face aux drogues une réponse classique de policier : enfermez-les tous.» Aujourd'hui, il est toujours «contre la légalisation, parce que l'interdit permet de forcer les récalcitrants à suivre un traitement...» Mais il dit aussi que les problèmes de toxicomanie doivent être traités par les services sociaux, «pas par la police», ou qu' «on ne peut pas interdire à un médecin de prescrire de l'héroïne, si c'est dans une optique de sevrage». Alors l'ancien «premier flic du monde» a rejoint un réseau d'ONG militant pour une réforme du droit international des drogues. «Quand ces gens sont venus me voir, ils me choquaient presque, je les prenais pour des excités. Il faut dire qu'à mon époque des associations comme Amnesty International étaient considérées comme subversives.»

Ces défections au sommet ont délié les langues à la base. Aux Etats-Unis, cinq policiers ont décidé, en 2002, de créer l'association Leap (Law Enforcement Against Prohibition, «les forces de l'ordre contre la prohibition»). Elle compte 2 000 membres, dont beaucoup estiment que seule une légalisation totale de toutes les drogues pourrait permettre d'enrayer leur inexorable expansion. «Nous donnons aux policiers une occasion de sortir du placard, de réaliser qu'en s'opposant à la tolérance zéro ils ne sont peut-être pas minoritaires», explique Jack Cole, directeur de Leap. «Très peu de membres des services antidrogues américains expriment en privé un quelconque soutien à la guerre à la drogue. C'est pour eux de la rhétorique qui sert de paravent à des intérêts politiques et économiques plus vastes», ajoute le Britannique Tony White, ancien haut responsable de la lutte antidrogues à l'ONU.

Retraité de 66 ans, Jack Cole a passé quatorze ans comme agent infiltré des stups du New Jersey. «Ma carrière a consisté à devenir l'ami des gens, leur confident, avant de les trahir. Mais au début, je croyais que je devais sauver les gens du fléau de la drogue.» Puis, très vite, il réalise que cette guerre est une sale guerre, qui a corrompu la police de son pays. «Quand on a l'impression d'être en train de sauver l'humanité, on se moque de mentir ou de tricher pour cela. Mais en réalité, lorsque vous arrêtez un dealer, vous ne faites que libérer la place pour le suivant.» Alors pourquoi ne pas avoir abandonné ? «J'étais accro à l'adrénaline, à l'excitation de la chasse. En plus, j'étais considéré comme un héros. Je regrette aujourd'hui, mais si je ne l'avais pas fait, je ne serais pas aussi bien placé pour en parler.» Des regrets, le juge Cassel en a exprimé lui aussi, vendredi. Ce magistrat de Salt Lake City venait de condamner un jeune homme de 25 ans à cinquante-cinq ans de prison pour avoir vendu un peu de hasch alors qu'il portait une arme. La loi de l'Utah est stricte : un minimum de cinquante-cinq ans est automatiquement appliqué. «Je n'ai pas le choix», a déclaré le juge au condamné (1), avant de qualifier sa propre décision d'«injuste, cruelle et irrationnelle». «Les Etats-Unis représentent 4,2 % de la population mondiale mais 22,6 % de la population carcérale, rappelle Jack Cole. C'est une guerre contre nos enfants, contre nous-mêmes.»

Liberté de parole. Sur la ligne de front, certains réclament donc une trêve. Et sont parfois entendus. En juillet 2001, Brian Paddick, chef de la police de Lambeth (sud de Londres), tente une expérience pilote : les usagers de cannabis ne sont plus arrêtés mais reçoivent un avertissement. L'expérience est un succès. En janvier 2004, ce système a été officiellement étendu à tout le Royaume-Uni. Il faut dire que la haute hiérarchie policière britannique jouit d'une liberté de parole dont elle n'hésite pas à se servir. En décembre 2001, l'association des chefs de police réclamait la mise en place de programmes de distribution gratuite d'héroïne. Idem en Suisse, où le président de la Confédération des commandants de police cantonale et la Fédération suisse des fonctionnaires de police ont pris publiquement position, ce printemps, pour soutenir un projet de loi prévoyant, entre autres, la légalisation du cannabis ou la fourniture d'héroïne aux anciens toxicomanes. Il sera finalement rejeté.

La France dans tout cela ? En 1987, le procureur Georges Apap dénonce publiquement la politique ultrarépressive du garde des Sceaux Albin Chalandon. Qui réclame des sanctions. Depuis, silence dans les rangs.



(1)The New York Times du 17 novembre.
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La guerre à la drogue perd ses bons petits soldats

Messagepar Anonymous » 15 Déc 2004, 16:10

L'Europe revoit sa stratégie

Par Arnaud AUBRON

jeudi 25 novembre 2004 (Liberation - 06:00)

La «guerre à la drogue» pourrait être mise à rude épreuve aujourd'hui. A Bruxelles tout d'abord, où la commission des libertés civiles du Parlement européen doit se prononcer sur la stratégie antidrogues 2005-2012 de l'Union, qui sera adoptée par le Conseil le 17 décembre. Très critique envers la politique actuelle, le texte soumis aux députés pourrait à terme, espèrent les antiprohibitionnistes, servir de base à une remise en cause des politiques de tolérance zéro qu'imposent les Etats-Unis via l'ONU. Parallèlement, aujourd'hui et demain à Paris, politiques et hauts responsables de la lutte antidrogues (dont Raymond Kendall) participent à l'important symposium international «Politique des drogues : innovations locales et challenges globaux», organisé par SOS Drogue International et le Conseil de Senlis (organe de réflexion sur la politique des drogues), sous le patronage de la région Ile-de-France.

Tous les détails sur http://www.liberation.fr
Anonymous
 

La guerre à la drogue perd ses bons petits soldats

Messagepar Anonymous » 15 Déc 2004, 16:10

«Les drogues font beaucoup plus de mal en restant clandestines» (Libération) (03/12/04 00:51)

«Les drogues font beaucoup plus de mal en restant clandestines»

Jim P. Gray est juge dans le comté d'Orange (Californie). Il a été candidat
malheureux au Sénat des Etats-Unis le 2 novembre. http://judgegray2004.com

Par A.Au

jeudi 25 novembre 2004 (Liberation.fr - 16:44)

Quand avez-vous été pour la première fois impliqué dans la guerre à la drogue?
J'ai d'abord été procureur puis avocat dans la marine. Je suis ensuite
devenu procureur à Los Angeles puis juge dans le comté d'Orange. Je me suis
d'abord considéré comme un soldat de la «guerre à la drogue», mais en fait
j'acceptais cette idée de guerre sans trop y réfléchir.

Qu'est-ce qui vous fait changer d'avis?
C'est d'assister au fil des jours à toutes les poursuites douteuses dans
mon propre tribunal. Nous ne faisions que de l'abattage, sans aider qui que
soit ou sans régler quoi que ce soit. Et personne ne parlait de ça. Alors,
comme j'étais un juge conservateur dans un comté conservateur, que je
n'avais usé d'aucune sorte de drogues illicites mais que j'avais observé le
système judiciaire dont j'étais moi-même un rouage, j'ai décidé que je
faisais partie des mieux placés pour engager une discussion honnête sur le
sujet.

Quelle a été la réaction de vos collègues?
Ils ont majoritairement approuvé, ou ont gardé le silence. Notre shérif et
notre procureur on fait part de leur indignation, et un juge ou deux ont
émis des critiques publiques. Mais la plupart des membres du«système» ont
gardé le silence. Quoi qu'il en soit, depuis que j'ai pour la première fois
abordé ce problème en 1992, des gens de plus en plus nombreux m'ont confié
que notre politique actuelle ne marchait tout simplement pas et devait être
réévaluée. Mais la plupart des juges ne s'expriment pas en public sur ce
sujet.

Certains avancent qu'il y a déjà assez de problèmes avec le tabac et
l'alcool pour ne pas en rajouterŠ
Au moins, avec le tabac et l'alcool, nous n'avons plus de problèmes de
gangsters ou de crimes commis par les usagers pour pouvoir se procurer des
produits dont les prix ont été artificiellement gonflés. Plus de problèmes
d'impuretés ou de concentration inconnue. Quand on considère les drogues
illicites, les problèmes liés à l'argent dépassent largement le problème
des drogues elles-mêmes.

Pourquoi les Américains s'accrochent-ils à une stratégie si répressive?
Les Américains voient dans l'abus de drogues un «test de moralité». Si les
gens ratent ce test, nous les mettons en prison. Les Européens, et de plus
en plus les Canadiens, sont plus sophistiqués dans leur approche. Ils
réalisent que nous avons à faire à des questions médicales. Pourquoi alors
devrions-nous rendre ces pratiques clandestines? De plus, si l'on considère
la disponibilité actuelle des drogues illicites (nous ne pouvons même pas
les empêcher de rentrer dans nos prisons, alors comment pouvons-nous
raisonnablement espérer les bannir de nos rues, de nos villes et
villages?), elles font beaucoup plus de mal en restant clandestines.
Résultat, les pays européens considèrent de plus en plus les problèmes
d'usage de drogues comme une question médicale et se concentrent sur la
responsabilité individuelle: si quelqu'un conduit une voiture sous
l'influence d'une drogue illicite, c'est un problème judiciaire parce que
cette action affecte la sécurité des autres.

Qui profite réellement de la guerre à la drogue ?
Lors de ma récente campagne pour le Sénat, on m'a souvent posé cette
question. Les bénéficiaires sont pour moi au nombre de cinq. 1) Les gros
trafiquants qui tirent chaque année des milliards de dollars de ce
commerce, et ce hors taxe. 2) Les employés du gouvernement qui sont payés
grâce à nos impôts pour combattre ces trafiquants. 3) Les politiciens qui
sont élus et réélus grâce à un discours musclé sur les drogues - pas
intelligent, musclé. 4) Les employés du secteur privé qui profitent de la
hausse de la criminalité, comme ceux qui construisent les prisons et y
travaillent ou ceux qui fabriquent ou vendent des systèmes d'alarme.5) Les
terroristes du monde entier, puisqu'ils se financent presque tous grâce au
trafic de drogues. Ce qui fait de la prohibition des drogues la poule aux
¦ufs d'or du terrorisme.

Regrettez-vous d'avoir pris part à cette guerre ?
Non. J'ai fait ce que je pensais être juste à l'époque. Et je respecte
toujours la loi. Mais je n'ai pas à le faire en silence. J'ai écrit un
livre sur le sujet («Pourquoi notre législation sur les drogues a échoué et
que pouvons-nous y changer. Une mise en cause judiciaire de la guerre à la
drogue» - Temple University, 2001). Si mon livre permet d'approfondir la
discussion sur ce sujet crucial, j'aurais le sentiment d'avoir aidé à
changer cette politique sans espoir.

© Libération
Anonymous
 

La guerre à la drogue perd ses bons petits soldats

Messagepar Anonymous » 21 Jan 2013, 03:52

«La fin de la prohibition aidera l'ensemble de la société» (Libération) (03/12/04 00:51)

«La fin de la prohibition aidera l'ensemble de la société»

Richard Watkins travaille dans une prison d'Etat à Huntsville au Texas.

Par A.Au.

jeudi 25 novembre 2004 (Liberation.fr - 16:32)

Vétéran du Vietnam, Richard Watkins a été porté disparu pendant l'offensive
du Têt. Il travaille actuellement à la direction de «Holiday Unit», (Unité
vacances - sic -) une prison d'Etat à Huntsville (dont 7.000 de 25.000
habitants travaillent pour le système carcéral) au Texas. Il est également
un membre influent de l'église méthodiste locale.

Quand avez-vous pour la première fois été confronté à la guerre à la drogue?
C'était, je crois, à la fin des années 60 ou au début des années 70. Un
type avait pris une peine de trente ans de prison pour un joint. Je n'ai
jamais oublié que c'est notre système qui avait permis une telle
aberration. Pour ma part, j'ai toujours pensé que ce dont ces gens avaient
besoin, c'était d'être aidés, pas enfermés. La répression est une impasse.
Le traitement, lui, signifie une chance de rester impliqué dans la
communauté, de continuer à travailler. Lorsque la prohibition de l'alcool a
pris fin, la plupart des problèmes qui y étaient liés ont disparu: la
prohibition ne marche pas. Sa fin aidera l'ensemble de la société.

Comment ont réagi vos collègues lorsque vous avez publiquement pris parti?
Je me bats contre le système depuis vingt ans. On a essayé de me faire
taire, mais on n'a jamais réussi. Ici, la philosophie moyenne est plutôt:
enfermez-les tous et jetez les clés. Aussi, je ne vois pas qui serait assez
fou, à part moi, pour prendre publiquement position contre la guerre à la
drogue au Texas. De toute façon, je n'ai jamais de conversations à ce sujet
avec mes collègues. Je dois dire que je suis assez différent d'eux. Pas
meilleur, mais différent. Moi, j'ai été recruté en 1984 pour remédier aux
aberrations du système carcéral.

Pourquoi l'Amérique est-elle si attachée à sa guerre à la drogue?
Cette nation a été programmée. Elle ne réagit qu'émotionnellement. Nixon
était un criminel. Il n'a lancé sa «guerre à la drogue», en 1968, que pour
jouer sur l'émotion des gens. Cette guerre est une plaisanterie, ce n'est
pas réaliste. Comment peut-on espérer empêcher les gens de produire de la
coca quand on sait ce qu'ils peuvent en tirer? Mais les Américains n'ont
aucune idée de ce que sont les vrais problèmes de leur pays. Prenez le film
de Michael Moore, «Fahrenheit 9/11», tout ce qu'il dit est vrai mais les
gens n'en ont aucune idée. La vérité ne touche pas cette nation.

Regrettez-vous d'avoir été impliqué dans cette guerre?
Je n'ai jamais eu le sentiment d'être plus utile aux autres que depuis que
je travaille ici. Si c'était à refaire, je referais exactement la même
chose. Je pense avoir été utile aux prisonniers qui ont été sous ma
responsabilité. J'ai eu moins de succès avec le personnel de la prison.
Anonymous
 


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