LE FAIT DU JOUR. PIERCINGS ET AUTRES ARTICLES À L'EFFIGIE DE LA PLANTE PROHIBÉE ONT VALU À UNE COMMERÇANTE DE COMPARAÎTRE HIER AU TRIBUNAL.
Des objets «provocants» à l'usage du cannabis
Entre les doigts de l'avocat, un piercing en forme de feuille de cannabis. «Le seul qui a échappé à la saisie», dit Me Philippe Pressecq, qui l'a remis hier matin au tribunal. La boutique d'articles de fantaisie de sa cliente, rue Camboulives à Albi, présentait aussi des clous d'oreilles, des briquets, des porte-monnaies, etc, ornés du même motif. Cette commerçante vendait en outre des bangs, ressemblant à une théière en verre et pouvant servir à consommer du cannabis. Des posters montraient Bob Marley un gros joint à la bouche; image reprise sur du papier à rouler grand format permettant d'en confectionner.
Autant d'objets qui ont valu à Liliane, 48 ans, de comparaître hier matin pour «provocation à l'usage de stupéfiants».
Le 3 février 2004, les policiers voient «un mineur sortir du magasin d'Albi avec un bang dans une poche». Le 25 février, Liliane est interpellée et placée en garde-à-vue pendant 24 heures à Castres. Quand ça lui «tombe dessus», la prévenue tombe des nues. Liliane «ne voyait pas illégales» ces marchandises exposées dans ses vitrines et pas du tout cachées. «Je n'étais pas du tout dans la consommation», dit la dame qui n'a «jamais touché» aux drogues. Elle affirme ne pas «s'être posée la question» de l'usage du bang, «décoratif en forme de lampe». La présidente a du mal à la croire. Claude Palermo-Chevillard décèle «beaucoup d'inconscience et de légèreté» dans l'attitude de la marchande qui «ne se sent pas responsable».
«ON EN VOIT PARTOUT»
Le procureur de la République, Jean-Christophe Muller, abonde dans ce sens. Ce commerce fournissait «tout le matériel destiné à fumer résine ou herbe», autrement dit «le parfait nécessaire du consommateur de stupéfiant». Liliane est devenue, «peut-être sans le vouloir, complémentaire» des dealers. Hésitant entre «ignorance ou mauvaise foi de sa part», il juge «choquante son insouciance. Pour elle, les affaires sont les affaires.» Le procureur requiert «une peine de prison avec sursis, une forte amende, la confiscation et la destruction des pièces» incriminées.
«Je me suis rendu cet été sur la côte méditerranéenne. Des bangs ou des piercings en forme de feuille de cannabis, on en voit partout», réplique son défenseur. «Des boutiques similaires existent à Montauban, Toulouse, Carcassonne, Béziers et ne sont pas poursuivies.» Me Pressecq admet qu'un bang «qui peut évidemment service à autre chose qu'à décorer, flirte avec l'interdit». Mais mettre à l'index un poster de Bob Marley , «c'est chercher la provocation très loin. Difficile de trouver une photo de l'artiste sans joint, ou bien il faut interdire ses disques. Elle est en couverture d'un livre vendu en librairie à Albi. Liliane est maintenant la seule vendeuse de colifichets de France sans rayon reggae. Arrêtons d'interdire tout et n'importe quoi», plaide l'avocat. Ces objets ne constituaient «qu'une petite partie du stock». Liliane a arrêté de les vendre. En juillet, elle a fermé son antenne d'Albi. «Le problème est terminé . Le trouble a disparu», dit l'avocat, demandant «une peine particulièrement modérée pour cette femme à la vie droite et régulière», dont le casier judiciaire est vierge.
Mis en délibéré, le jugement sera rendu le 9 décembre.