France
Les viticulteurs se défendent : «Ce n'est pas une drogue !»
Bordeaux : Axel Grouly
[14 octobre 2004]
«Les raisins de la colère ! C'est une belle image non ? L'effondrement des cours nous met dans une situation très difficile, catastrophique même. On ne sait pas ce qu'on va devenir et il serait temps que les politiques nous donnent un coup de main, s'exclame cet exploitant de l'entre-deux-mers, installé près de Créon. Qu'on arrête de confondre notre production avec des alcools durs ! Ce n'est pas comparable !»
Depuis un an, les viticulteurs girondins tirent la sonnette d'alarme. Ils n'avaient pas hésité, au début de l'été, à descendre dans les rues de Bordeaux pour crier leur inquiétude. Des rassemblements inhabituels qui ne s'étaient pas produits depuis des années. Confrontés à une surproduction mondiale, à une stagnation voire à une baisse de la consommation, ces professionnels dénoncent notamment les dispositions de la loi Evin et les restrictions prévues par ce texte en matière de publicité. «Toutes les campagnes antialcooliques ne font état que des buveurs de vin que l'on marginalise ! On ne parle pas des alcools forts qui sont bus principalement le week-end et la nuit, souligne Philippe Blanchet, secrétaire général de la FDSEA de la Gironde. Nous voulons avoir le droit de communiquer sur notre produit sans passer pour des empoisonneurs. Quelqu'un qui n'en boit pas en grosse quantité ne prend pas de risque avec le vin, ni pour sa santé ni pour celle d'autrui. Ce n'est pas une drogue, c'est un produit sain quand il est consommé correctement.»
Les partisans de la publicité sur le vin rappellent régulièrement les enjeux économiques de l'activité viticole : «Plus de 60 000 emplois directs» dans le bordelais précise Xavier Carreau qui est aussi le président de Vin et Société, l'association à l'origine de la rencontre avec le premier ministre en février dernier, et qui regroupe l'ensemble des organisations professionnelles de vignerons et négociants. L'aménagement technique de la loi Evin que nous réclamons ne remet pas en question le texte sur le fond. C'est loin d'être un démantèlement comme l'affirment nos détracteurs. Nous voulons juste obtenir le droit de montrer un jeune vigneron ou oenologue, par exemple, délivrant un message qualitatif avec un slogan comme «buvons moins, buvons meilleur.»
Des arguments qui font bondir les opposants à cet amendement, pour qui un assouplissement serait en contradiction totale avec les efforts des pouvoirs publics pour lutter contre l'alcoolisme. «Le message, c'est buvez plus... mais toujours avec modération !» a ainsi protesté, il y a quelques jours, lors d'une conférence de presse organisée à l'Assemblée nationale, le professeur Michel Reynaud, chef de service à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif et vice-président de la Fédération française d'addictologie. Quant à l'ancien ministre socialiste de la santé, Claude Evin, il a estimé que «les viticulteurs sont le cheval de Troie d'autres intérêts, ceux des alcooliers industriels et des professionnels de la publicité qui ont envie de développer un marché très important !»
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