aujourd'hui dans "le matin" journal pourtant pas reputé
pro lega.
La morale est sauve
ÉDITO
ANNE DOUSSE
14 juin 2004
Retour à la case départ. Ce sont dix ans de travaux pour rien. Car en refusant hier d'entrer en matière sur la révision de la loi sur les stupéfiants pour la seconde fois, la majorité du National a enterré cette réforme. Devant les difficultés, elle a préféré fuir ses responsabilités et fermer les yeux sur ce phénomène de société. Elle a manqué de courage. Il est en effet plus facile d'interdire que de trouver des solutions pragmatiques. Car cette décision ne changera pas la réalité du terrain. Quelle belle dose d'hypocrisie, mais voilà, la morale est sauve.
L'opposition s'est cristallisée autour de la dépénalisation de la consommation du cannabis. Or cette guerre idéologique a pour conséquence de priver de base légale le modèle des quatre piliers, dont le principe a pourtant été accepté à trois reprises par les citoyens. Une politique qui a prouvé sa valeur et qui est citée en exemple à l'étranger. Elle a permis la réinsertion de nombreux drogués, leur évitant la délinquance ou le sida. Avec ce non, on peut aussi craindre que les moyens en faveur de la prévention ne soient restreints, en période d'économies, et que la prochaine étape des opposants soit la remise en cause de la prescription contrôlée d'héroïne. Ce qui est grave. Les parlementaires ont fait preuve de grande légèreté.
Certes, personne ne cherche à banaliser la drogue. Comment tolérer que des enfants se shootent avant d'aller à l'école ou que des personnes subissent la tyrannie des stupéfiants? Mais il est illusoire de croire que c'est avec un arsenal répressif que la Suisse sortira de l'impasse. Toute pédagogie qui se réfugie derrière une norme pénale est vouée à l'échec. Hier, la majorité des députés a refusé le dialogue et la création de solutions d'avenir pour la politique de la drogue. Dommage. Car ce n'est pas de cette manière que l'on protège la jeunesse.