[Article] Opération Anticannabis au Lycée
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Opération anticannabis musclée dans un lycée
Un magistrat, 22 gendarmes et des chiens ont débarqué dans une classe.
Si l'effet recherché était d'impressionner, il a été atteint. Les élèves du lycée horticole et agricole de Sainte-Gemmes-sur-Loire (Maine-et-Loire), en proche périphérie d'Angers, ont eu la surprise de voir débarquer, jeudi 5 février à 8 h 15, le substitut du procureur de la République, Jean-Sébastien Bladier, chargé des dossiers de stupéfiants, escorté de 22 gendarmes et de chiens formés à la recherche de drogues.
Un reportage sur l'opération menée dans cet établissement, accueillant des lycéens ainsi que des étudiants en BTS et en classes préparatoires aux grandes écoles, a été diffusé le lendemain matin sur Europe 1. Les échanges, recueillis par le correspondant à Nantes de la radio, sont tendus.
Cela commence par la mise en garde d'un maître-chien : "Restez calmes. Vous ne bougez pas, sinon le chien pourrait percevoir en vous de l'animosité, et ça... il n'aime pas."Puis vient la première prise : 2 g de cannabis dans le portefeuille d'un élève. "Cela fout tout en l'air. J'crois que je vais me faire virer", s'inquiète le jeune. "Est-ce que vous trouvez naturel d'avoir consommé du cannabis à 13 ans ?", lui lance M. Bladier sur un ton glaçant. Manifestement énervé, le magistrat assène : "Aujourd'hui, vous êtes consommateur. Si demain vous êtes trafiquant, c'est dix ans d'emprisonnement que vous encourrez et ça ne me posera pas de problème de requérir ça contre vous." Il poursuit : "Maintenant, monsieur, votre nom sera dans les tablettes de la justice. On applique la loi. La loi dit que le cannabis est interdit. Le cannabis est interdit. Point, c'est tout. Si cela ne vous plaît pas, vous écrivez à votre député pour que ça change. C'est lui qui fait la loi et moi, je l'applique... sans états d'âme."
Un lycéen s'indigne de voir les gendarmes faire les "cow-boys dans la classe". La réplique du magistrat est cinglante : "Je n'ai pas à vous rendre de comptes sur la manière dont je mène mes opérations." Bilan : treize usagers de drogue identifiés, dont trois ont été placés en garde à vue. Ils ont été remis en liberté dans l'après-midi après un rappel à la loi et la semonce d'un rendez-vous obligatoire chez un psychologue.
"D'ABORD LA PRÉVENTION"
Dans l'entourage du procureur de la République d'Angers, on indique qu'il s'agit d'opérations menées régulièrement - trois ou quatre ont été effectuées en moins d'un an -, comme d'autres parquets le font. "On ne va pas à la pêche, précise un magistrat. Nous intervenons toujours à la demande d'un chef d'établissement et notre intervention possède davantage un but préventif que répressif."
Le proviseur du lycée de Sainte-Gemmes-sur-Loire est au diapason. "La loi s'applique dans l'établissement. Le lycée n'est pas une zone de non-droit", affirme Robert Chazelle, pour justifier l'intervention des forces de l'ordre. "On travaille régulièrement avec la police, ajoute le proviseur. Mais la politique globale de l'établissement, c'est d'abord de travailler sur la prévention."
L'épisode a provoqué une vive réaction de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) au niveau national, qui s'est déclarée "révulsée" de constater l'intervention fréquente "ces derniers temps" des forces de l'ordre dans les établissements. "Les intrusions à fin d'enquête, menées avec force déploiement d'effectifs et de chiens renifleurs, sont intolérables", souligne la FCPE dans un communiqué publié vendredi 6 février. "L'impuissance éducative" conduit à appeler "police-secours", relève la Fédération, qui dénonce la réduction du nombre d'adultes dans les établissements et le développement des politiques sécuritaires.
Paul Benkimoun et Luc Bronner
Un magistrat, 22 gendarmes et des chiens ont débarqué dans une classe.
Si l'effet recherché était d'impressionner, il a été atteint. Les élèves du lycée horticole et agricole de Sainte-Gemmes-sur-Loire (Maine-et-Loire), en proche périphérie d'Angers, ont eu la surprise de voir débarquer, jeudi 5 février à 8 h 15, le substitut du procureur de la République, Jean-Sébastien Bladier, chargé des dossiers de stupéfiants, escorté de 22 gendarmes et de chiens formés à la recherche de drogues.
Un reportage sur l'opération menée dans cet établissement, accueillant des lycéens ainsi que des étudiants en BTS et en classes préparatoires aux grandes écoles, a été diffusé le lendemain matin sur Europe 1. Les échanges, recueillis par le correspondant à Nantes de la radio, sont tendus.
Cela commence par la mise en garde d'un maître-chien : "Restez calmes. Vous ne bougez pas, sinon le chien pourrait percevoir en vous de l'animosité, et ça... il n'aime pas."Puis vient la première prise : 2 g de cannabis dans le portefeuille d'un élève. "Cela fout tout en l'air. J'crois que je vais me faire virer", s'inquiète le jeune. "Est-ce que vous trouvez naturel d'avoir consommé du cannabis à 13 ans ?", lui lance M. Bladier sur un ton glaçant. Manifestement énervé, le magistrat assène : "Aujourd'hui, vous êtes consommateur. Si demain vous êtes trafiquant, c'est dix ans d'emprisonnement que vous encourrez et ça ne me posera pas de problème de requérir ça contre vous." Il poursuit : "Maintenant, monsieur, votre nom sera dans les tablettes de la justice. On applique la loi. La loi dit que le cannabis est interdit. Le cannabis est interdit. Point, c'est tout. Si cela ne vous plaît pas, vous écrivez à votre député pour que ça change. C'est lui qui fait la loi et moi, je l'applique... sans états d'âme."
Un lycéen s'indigne de voir les gendarmes faire les "cow-boys dans la classe". La réplique du magistrat est cinglante : "Je n'ai pas à vous rendre de comptes sur la manière dont je mène mes opérations." Bilan : treize usagers de drogue identifiés, dont trois ont été placés en garde à vue. Ils ont été remis en liberté dans l'après-midi après un rappel à la loi et la semonce d'un rendez-vous obligatoire chez un psychologue.
"D'ABORD LA PRÉVENTION"
Dans l'entourage du procureur de la République d'Angers, on indique qu'il s'agit d'opérations menées régulièrement - trois ou quatre ont été effectuées en moins d'un an -, comme d'autres parquets le font. "On ne va pas à la pêche, précise un magistrat. Nous intervenons toujours à la demande d'un chef d'établissement et notre intervention possède davantage un but préventif que répressif."
Le proviseur du lycée de Sainte-Gemmes-sur-Loire est au diapason. "La loi s'applique dans l'établissement. Le lycée n'est pas une zone de non-droit", affirme Robert Chazelle, pour justifier l'intervention des forces de l'ordre. "On travaille régulièrement avec la police, ajoute le proviseur. Mais la politique globale de l'établissement, c'est d'abord de travailler sur la prévention."
L'épisode a provoqué une vive réaction de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) au niveau national, qui s'est déclarée "révulsée" de constater l'intervention fréquente "ces derniers temps" des forces de l'ordre dans les établissements. "Les intrusions à fin d'enquête, menées avec force déploiement d'effectifs et de chiens renifleurs, sont intolérables", souligne la FCPE dans un communiqué publié vendredi 6 février. "L'impuissance éducative" conduit à appeler "police-secours", relève la Fédération, qui dénonce la réduction du nombre d'adultes dans les établissements et le développement des politiques sécuritaires.
Paul Benkimoun et Luc Bronner