Libération : Vendée: des teufeurs condamnés au violon
Vendée: des teufeurs condamnés au violon
La mairie de La Roche-sur-Yon critique une lourde décision de justice.
Par Nicolas de LA CASINIERE
mercredi 03 septembre 2003
Un mois et demi à quatre mois de prison ferme, sans compter des mois avec
sursis pour des jeunes de 19 à 23 ans sans antécédents judiciaires. La
Roche-sur-Yon envoyé spécial
u tribunal, la présence policière est sans précédent. Même la BAC (brigade
anticriminalité) a été réquisitionnée. A la barre, six teufeurs, arrêtés au
cours de la soirée techno, organisée le 23 août par une association dans la
salle municipale des Oudairies. A l'issue de l'audience, les peines tombent.
Lour des. Un mois et demi à quatre mois de prison ferme, sans compter des
mois avec sursis pour ces jeunes de 19 à 23 ans sans antécédents
judiciaires. Effroi dans le box. Crises de nerfs, larmes, protestations. Un
des prévenus se co gne la tête contre la porte de la cellule du palais de
justice, l'au tre contre la barre des avocats, une avocate s'évanouit. Me An
ne Laporte com pare le tribunal à un «échafaud». «On met en prison des
jeunes qui ne sont même pas des dealers», s'insurge Me Florence Pelé. A la
même audience, des vendeurs de shit écopent de simples pei nes avec sursis.
A l'origine de l'affaire, une soirée techno qui a amplement mobilisé les
services de police de La Roche-sur-Yon. Ceux-ci redoutent le même scénario
que celui de la rave en milieu ouvert à Carhaix en Bretagne qui a tourné à
l'émeute en juillet. Pour cette soirée du 23 août, les renseignements
généraux annoncent jusqu'à 25 000 teufeurs, alors que les organisateurs
tablent sur moins de 5 000. Les officiels et services de l'Etat prédisent
qu'il faudra contrôler les voitures, saisir les sonos dans les coffres.
«Redorer les chiffres.» Le dispositif est démesuré, la ville bouclée par les
gendarmes, la police et la douane renforcées par deux compagnies de CRS.
Certains spectateurs sont fouillés huit fois avant d'accéder à la salle.
«Les contrôles se traduisent par 120 procès verbaux pour un joint ou 1
gramme de hasch, soit 120 affaires résolues pour redorer les chiffres de la
délinquance dans une ville qui a subi les remontrances de Nicolas Sarkozy
pour ses mauvais résultats», note Yann Hélary, deuxième adjoint (Verts) à la
mairie de La Roche-sur-Yon, qui a suivi la préparation et la soirée de bout
en bout. «Le concert a été exemplaire, ajoute-t-il. Aucun débordement, et
les riverains n'ont pas été gênés. Nous avons l'impression qu'on a piégé la
jeunesse qui n'aspire dans son ensemble qu'à écouter la musique qu'elle
aime.»
Neuf teufeurs sont gardés à vue pendant le week-end, six sont jugés dès le
lundi en comparution immédiate. Les doses saisies : 55 cachets d'ecstasy
pour l'un, 85 buvards de LSD, 410 g de shit, un peu d'herbe pour les autres.
Les seuls témoins cités sont des policiers. Deux des prévenus ont été
interpellés par les agents de sécurité interne à la soirée. Ils disent avoir
acheté de l'ecstasy à des tarifs défiant toute con currence : 1 euro le
cachet. «Plutôt étran ge, note Yann Hélary. Ça sent le piège.»
Diffamation. Depuis l'audience, le juge Didier Gallot ne décolère pas :
outré d'être accusé d'avoir administré une justice à la solde du garde des
sceaux, il prépare une citation directe en diffamation contre le maire
socialiste de La Roche-sur-Yon (Vendée). «On peut me dire que je suis réac,
excessif, ou qu'on s'est trompé, mais là j'ai vu rouge, qu'on me dise aux
ordres. C'est grotesque», confie le juge. Les politiques s'en mêlent aussi.
Philippe de Villiers dénonce «la dérive laxiste» de Jacques Auxiette, le
maire, qui a saisi le garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur. Ce
dernier demande une commission d'enquête pour éclaircir le rôle des forces
de l'ordre et les sanctions judiciaires, et dénonce une «dérive sécuritaire
qui jette le discrédit sur une manifestation qui s'est déroulée sans
encombre»
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