Communiqué du CIRC (à faire tourner)
Posté: 03 Juil 2003, 14:12
La droite pinard contre les pétards
Cela tient presque de la caricature : un jour le premier ministre annonce qu’il va confier à la Mission interministérielle de lutte conte la drogue et la toxicomanie (MILDT) le soin de rédiger un projet de loi visant à mieux sanctionner les usagers de drogues interdites par l’Etat, essentiellement les fumeurs de joints, de manière plus systématique. Le lendemain, ce même premier ministre inaugurait le salon des alcools et spiritueux Vinexpo à Bordeaux, en compagnie du maître de l’UMP et maire de cette cité, Alain Juppé, incarnant ainsi parfaitement "la droite pinard contre les fumeurs de pétards".
Une doctrine du deux poids deux mesures, du double langage, où l’alcool d’un côté est considéré comme "un fléau" quand il s’agit de justifier en dernier recours la prohibition du cannabis, sur le thème maladroit du "il ne faut pas rajouter un autre fléau"*, et de l’autre une valeur nationale, et économique, méritant toute l’attention et l’aide du gouvernement**.
Si c’est une bonne chose que les propositions de la commission d’enquête sénatoriale sur les drogues illicites aient eu droit au mépris poli du gouvernement, le Collectif d’information et de recherche cannabique (CIRC) reste néanmoins révulsé par les objectifs poursuivis : il faut "modifier les sanctions pour que la loi soit appliquée, comprise et applicable immédiatement", déclare tout de go le directeur de la MILDT, Didier Jayle, après avoir reçu ses ordres de Matignon, qu’il attendait avec impatience, avouera-t-il.
Il reste cependant incompréhensible que l’on décide toujours de sanctionner, et sévèrement, les consommateurs d’une substance bien moins dangereuse que celle qu’est venu soutenir sans vergogne le premier ministre la veille à Bordeaux. Ce qui sera toujours compris – et c’est la seule chose à comprendre –, c’est ce caractère foncièrement injuste du dogme qui guide cette démarche, visant, d’un côté, à sanctionner systématiquement les consommateurs de cannabis, et d’autres substances illicites, prétendument au nom de la "santé publique", et, de l’autre, cette mansuétude qui va jusqu’à soutenir activement l’alcoolisme national**. On est, bien entendu, d’accord pour leur laisser leur pinard, mais au moins qu’ils nous laissent nos pétards !
Pour tenter de masquer ces incohérences, on invoque donc sans arrêt la "santé publique" comme une divinité païenne devant laquelle il faut se prosterner, et fermer les yeux, qui réclamerait qu’on immole des victimes expiatoires en signe d’adoration. D’abord à propos de la loi de 1970 à sa promulgation : "La loi de 70 est une loi de santé publique qui permettait aux toxicomanes, essentiellement des héroïnomanes à l'époque, d’avoir accès aux soins de manière anonyme et gratuite", explique doctement le directeur de la MILDT. Ce que la loi a amené, c’est seulement la contrainte et les sanctions pénales, car, naturellement, les soins existaient déjà avant. C’est donc une présentation trompeuse de cette vieille loi, symptomatique des objectifs réels et non avoués, fort éloignés de la santé publique.
Et encore une fois pour le projet qu’il va préparer : prévention et répression, "les deux sont importants, l’esprit de la loi c’est la santé publique", justifie avec zèle Didier Jayle. Mais seule la prévention appartient à la santé publique ! Et l’expérience a déjà montré et démontré que la répression a toujours été désastreuse en termes de santé publique (et de libertés et de sécurité publiques aussi). La santé publique est une fois de plus utilisée comme prétexte fallacieux pour organiser le contrôle social par un quadrillage policier, la chasse aux jeunes, et aux autres, avec la lutte contre la drogue comme prétexte facile et donnant tous les droits à la force publique. Future loi dont la MILDT et son directeur, Didier Jayle, seront les maîtres d'œuvre, à la fois concepteurs, exécutants, juges et parties au service d’une idéologie revancharde et réactionnaire.
Le CIRC rejoint néanmoins les pouvoirs publics quand ils déclarent qu’il y a "consensus" pour considérer que la prison est une mauvaise chose pour les consommateurs de drogues illicites – enfin ! Mais le CIRC tient à rappeler que ce consensus s’arrête là, et n’existe pas quant à la "contraventionnalisation", ou alors seulement dans les milieux prohibitionnistes, de la gauche caviar et Ricard à la droite pinard ou cigare.
CIRC PARIS
* Le mot " ajouter " ou " rajouter " supposerait qu’il n’y a pas, grâce à la prohibition, de consommation de cannabis en France, ou du moins que celle-ci serait très marginale. Or tous reconnaissent qu’il s’agit d’une consommation de masse, malgré l’extrême sévérité des sanctions prévues, et souvent appliquées. La légalisation n ‘a donc pas pour but ou conséquence de " rajouter " un " fléau " à ceux déjà existants, alcool, tabac, médicaments psychotropes prescrits en masse, mais d’aborder cette consommation déjà présente avec la même humanité, en évitant de marginaliser et d’exclure socialement les personnes concernées par des lois ineptes et iniques. A croire qu’on tente de disculper la nation de ses faiblesses traditionnelles en étant impitoyable avec les modernes et contemporaines, comme un bouc émissaire qu’on sacrifierait pour laver sa conscience.
** L’argent public aide par exemple la Collégiale des vins de Bordeaux à financer des agences de communication pour donner le goût de boire aux jeunes, comme le font la plupart des grands alcooliers. Dépenses s’ajoutant à l'argent public déjà englouti dans la répression des fumeurs de cannabis (et autres consommateurs de drogues interdites par l’Etat), alors que des économies sont exigées de tous.
Cela tient presque de la caricature : un jour le premier ministre annonce qu’il va confier à la Mission interministérielle de lutte conte la drogue et la toxicomanie (MILDT) le soin de rédiger un projet de loi visant à mieux sanctionner les usagers de drogues interdites par l’Etat, essentiellement les fumeurs de joints, de manière plus systématique. Le lendemain, ce même premier ministre inaugurait le salon des alcools et spiritueux Vinexpo à Bordeaux, en compagnie du maître de l’UMP et maire de cette cité, Alain Juppé, incarnant ainsi parfaitement "la droite pinard contre les fumeurs de pétards".
Une doctrine du deux poids deux mesures, du double langage, où l’alcool d’un côté est considéré comme "un fléau" quand il s’agit de justifier en dernier recours la prohibition du cannabis, sur le thème maladroit du "il ne faut pas rajouter un autre fléau"*, et de l’autre une valeur nationale, et économique, méritant toute l’attention et l’aide du gouvernement**.
Si c’est une bonne chose que les propositions de la commission d’enquête sénatoriale sur les drogues illicites aient eu droit au mépris poli du gouvernement, le Collectif d’information et de recherche cannabique (CIRC) reste néanmoins révulsé par les objectifs poursuivis : il faut "modifier les sanctions pour que la loi soit appliquée, comprise et applicable immédiatement", déclare tout de go le directeur de la MILDT, Didier Jayle, après avoir reçu ses ordres de Matignon, qu’il attendait avec impatience, avouera-t-il.
Il reste cependant incompréhensible que l’on décide toujours de sanctionner, et sévèrement, les consommateurs d’une substance bien moins dangereuse que celle qu’est venu soutenir sans vergogne le premier ministre la veille à Bordeaux. Ce qui sera toujours compris – et c’est la seule chose à comprendre –, c’est ce caractère foncièrement injuste du dogme qui guide cette démarche, visant, d’un côté, à sanctionner systématiquement les consommateurs de cannabis, et d’autres substances illicites, prétendument au nom de la "santé publique", et, de l’autre, cette mansuétude qui va jusqu’à soutenir activement l’alcoolisme national**. On est, bien entendu, d’accord pour leur laisser leur pinard, mais au moins qu’ils nous laissent nos pétards !
Pour tenter de masquer ces incohérences, on invoque donc sans arrêt la "santé publique" comme une divinité païenne devant laquelle il faut se prosterner, et fermer les yeux, qui réclamerait qu’on immole des victimes expiatoires en signe d’adoration. D’abord à propos de la loi de 1970 à sa promulgation : "La loi de 70 est une loi de santé publique qui permettait aux toxicomanes, essentiellement des héroïnomanes à l'époque, d’avoir accès aux soins de manière anonyme et gratuite", explique doctement le directeur de la MILDT. Ce que la loi a amené, c’est seulement la contrainte et les sanctions pénales, car, naturellement, les soins existaient déjà avant. C’est donc une présentation trompeuse de cette vieille loi, symptomatique des objectifs réels et non avoués, fort éloignés de la santé publique.
Et encore une fois pour le projet qu’il va préparer : prévention et répression, "les deux sont importants, l’esprit de la loi c’est la santé publique", justifie avec zèle Didier Jayle. Mais seule la prévention appartient à la santé publique ! Et l’expérience a déjà montré et démontré que la répression a toujours été désastreuse en termes de santé publique (et de libertés et de sécurité publiques aussi). La santé publique est une fois de plus utilisée comme prétexte fallacieux pour organiser le contrôle social par un quadrillage policier, la chasse aux jeunes, et aux autres, avec la lutte contre la drogue comme prétexte facile et donnant tous les droits à la force publique. Future loi dont la MILDT et son directeur, Didier Jayle, seront les maîtres d'œuvre, à la fois concepteurs, exécutants, juges et parties au service d’une idéologie revancharde et réactionnaire.
Le CIRC rejoint néanmoins les pouvoirs publics quand ils déclarent qu’il y a "consensus" pour considérer que la prison est une mauvaise chose pour les consommateurs de drogues illicites – enfin ! Mais le CIRC tient à rappeler que ce consensus s’arrête là, et n’existe pas quant à la "contraventionnalisation", ou alors seulement dans les milieux prohibitionnistes, de la gauche caviar et Ricard à la droite pinard ou cigare.
CIRC PARIS
* Le mot " ajouter " ou " rajouter " supposerait qu’il n’y a pas, grâce à la prohibition, de consommation de cannabis en France, ou du moins que celle-ci serait très marginale. Or tous reconnaissent qu’il s’agit d’une consommation de masse, malgré l’extrême sévérité des sanctions prévues, et souvent appliquées. La légalisation n ‘a donc pas pour but ou conséquence de " rajouter " un " fléau " à ceux déjà existants, alcool, tabac, médicaments psychotropes prescrits en masse, mais d’aborder cette consommation déjà présente avec la même humanité, en évitant de marginaliser et d’exclure socialement les personnes concernées par des lois ineptes et iniques. A croire qu’on tente de disculper la nation de ses faiblesses traditionnelles en étant impitoyable avec les modernes et contemporaines, comme un bouc émissaire qu’on sacrifierait pour laver sa conscience.
** L’argent public aide par exemple la Collégiale des vins de Bordeaux à financer des agences de communication pour donner le goût de boire aux jeunes, comme le font la plupart des grands alcooliers. Dépenses s’ajoutant à l'argent public déjà englouti dans la répression des fumeurs de cannabis (et autres consommateurs de drogues interdites par l’Etat), alors que des économies sont exigées de tous.