La france se drogue
Posté: 08 Juin 2003, 18:20
Une commission d'enquête sénatoriale lance un "signal d'alarme" face à la consommation grandissante de cannabis chez les jeunes
LE MONDE | 04.06.03 | 12h59
"la france se drogue !" Par ce "signal d'alarme", le Sénat a choisi d'interpeller l'opinion et les pouvoirs publics sur la réalité de la consommation des stupéfiants en France. Au terme de six mois d'investigation, la commission d'enquête sénatoriale sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites a rendu public, mercredi 4 juin, un rapport à la tonalité conservatrice. Rejetant une "idéologie permissive" et "les discours complaisants à l'égard de la drogue", elle exprime le souhait de "garantir à nos enfants le droit de vivre libres dans une société sans drogue".
Présidée par Nelly Olin (UMP-Val-d'Oise), la commission, qui insiste surtout sur l'explosion de la consommation de cannabis et sur sa "dangerosité", veut "contenir le fléau puis tenter de le faire refluer". Dans cette optique, elle préconise de "réaffirmer l'interdit d'usage de stupéfiants", mais "dans des conditions telles qu'il soit compris, accepté et respecté". Rejoignant ainsi le gouvernement, qui estime la loi en vigueur "vieillie" et "plus adaptée", selon les mots de Nicolas Sarkozy (Le Monde du 25 avril), les sénateurs proposent de supprimer la peine d'emprisonnement qui sanctionne l'usage simple pour lui substituer une amende de 1 500 euros au maximum.
La commission juge le tableau actuel de l'usage de stupéfiants en France "très préoccupant". Si l'usage d'héroïne s'est stabilisé, les consommations de cocaïne et de drogues de synthèse augmentent régulièrement. Celle du cannabis a explosé dans les années 1990, notamment chez les adolescents : en 1999, 59 % des garçons et 43 % des filles de 18 ans ont déclaré avoir déjà fumé un joint, contre respectivement 34 % et 17 % en 1993. Et si, pour ces jeunes, l'usage est "essentiellement expérimental ou occasionnel, une proportion non négligeable s'adonne à des consommations répétées" : en 2000, plus de 16 % des garçons de 19 ans ont ainsi reconnu un usage intensif (plus de vingt fois par mois) et plus d'un sur trois, régulier.
CHANGER LA LOI DE 1970
La situation inquiète d'autant plus les sénateurs qu'ils jugent le cannabis comme "un produit de plus en plus dangereux". Souhaitant mettre fin "au mythe des drogues douces", la commission s'inquiète de l'apparition sur le marché de variétés de plus en plus puissantes, comme la "skunk" et le "pollen", en provenance des Pays-Bas, qui contiendraient des concentrations en principe d'actif de l'ordre de 20 % à 25 % contre 5 % à 8 % pour le cannabis marocain "classique". La commission souligne ainsi "la toxicité" du cannabis et insiste sur les "effets désocialisants de la substance" : s'appuyant sur une expertise de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les sénateurs parlent d'un "état de démotivation des consommateurs réguliers" et de "syndromes amotivationnels sévères (...) chez les grands consommateurs".
Face à cette situation, le dispositif de lutte contre les drogues leur paraît "vieilli et insuffisant". La loi du 31 décembre 1970, qui sanctionne l'usage simple de stupéfiants d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende, "n'est plus adaptée à la situation actuelle et aux nouvelles consommations, et est d'ailleurs largement inappliquée"aboutissant à "une dépénalisation de fait".
Il faut donc "réaffirmer l'importance de la loi", estiment les sénateurs, qui plaident pour que "toute interpellation d'usager se traduise par un procès-verbal, même simplifié, afin de permettre une réponse judiciaire systématique". Pour autant, ils reconnaissent, à l'instar de la quasi-totalité des intervenants en toxicomanie et du ministre de l'intérieur, que "punir d'un an d'emprisonnement un usager de drogue occasionnel n'ayant commis aucun autre délit paraît disproportionné". La commission préconise donc "de prévoir une contravention en cas de première infraction".
Ce n'est qu'en "cas de récidive ou de refus de soins ou d'orientation" que le délit assorti d'une peine d'emprisonnement d'un an serait maintenu. Cette peine devrait selon eux être purgée dans des "centres fermés de traitement de la toxicomanie sur le modèle des centres fermés pour jeunes délinquants". "Il s'agit d'éviter les mauvais côtés de la prison et en particulier la promiscuité avec les autres délinquants, précise le rapporteur de la commission, Bernard Plaisait (UMP-Paris). Ces centres seront équipés pour permettre une prise en charge thérapeutique la meilleure possible."
Enfin, les sénateurs insistent sur la nécessité de mettre en place une "prévention totale" pour "empêcher de nouvelles personnes de tomber dans la drogue et aider à en sortir celles qui sont sous sa dépendance". Critiquant la politique de réduction de risques mise en place dans les années 1990, qui permet un accompagnement sanitaire du toxicomane, la commission estime "nécessaire de remettre l'accent sur l'objectif du sevrage en renforçant l'offre de soins dans ce domaine". Enfin, elle préconise de renforcer l'information des parents, et veut adresser aux enfants des messages éducatifs "si possible dès l'école primaire, et même dès l'école maternelle".
Cécile Prieur
LE MONDE | 04.06.03 | 12h59
"la france se drogue !" Par ce "signal d'alarme", le Sénat a choisi d'interpeller l'opinion et les pouvoirs publics sur la réalité de la consommation des stupéfiants en France. Au terme de six mois d'investigation, la commission d'enquête sénatoriale sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites a rendu public, mercredi 4 juin, un rapport à la tonalité conservatrice. Rejetant une "idéologie permissive" et "les discours complaisants à l'égard de la drogue", elle exprime le souhait de "garantir à nos enfants le droit de vivre libres dans une société sans drogue".
Présidée par Nelly Olin (UMP-Val-d'Oise), la commission, qui insiste surtout sur l'explosion de la consommation de cannabis et sur sa "dangerosité", veut "contenir le fléau puis tenter de le faire refluer". Dans cette optique, elle préconise de "réaffirmer l'interdit d'usage de stupéfiants", mais "dans des conditions telles qu'il soit compris, accepté et respecté". Rejoignant ainsi le gouvernement, qui estime la loi en vigueur "vieillie" et "plus adaptée", selon les mots de Nicolas Sarkozy (Le Monde du 25 avril), les sénateurs proposent de supprimer la peine d'emprisonnement qui sanctionne l'usage simple pour lui substituer une amende de 1 500 euros au maximum.
La commission juge le tableau actuel de l'usage de stupéfiants en France "très préoccupant". Si l'usage d'héroïne s'est stabilisé, les consommations de cocaïne et de drogues de synthèse augmentent régulièrement. Celle du cannabis a explosé dans les années 1990, notamment chez les adolescents : en 1999, 59 % des garçons et 43 % des filles de 18 ans ont déclaré avoir déjà fumé un joint, contre respectivement 34 % et 17 % en 1993. Et si, pour ces jeunes, l'usage est "essentiellement expérimental ou occasionnel, une proportion non négligeable s'adonne à des consommations répétées" : en 2000, plus de 16 % des garçons de 19 ans ont ainsi reconnu un usage intensif (plus de vingt fois par mois) et plus d'un sur trois, régulier.
CHANGER LA LOI DE 1970
La situation inquiète d'autant plus les sénateurs qu'ils jugent le cannabis comme "un produit de plus en plus dangereux". Souhaitant mettre fin "au mythe des drogues douces", la commission s'inquiète de l'apparition sur le marché de variétés de plus en plus puissantes, comme la "skunk" et le "pollen", en provenance des Pays-Bas, qui contiendraient des concentrations en principe d'actif de l'ordre de 20 % à 25 % contre 5 % à 8 % pour le cannabis marocain "classique". La commission souligne ainsi "la toxicité" du cannabis et insiste sur les "effets désocialisants de la substance" : s'appuyant sur une expertise de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les sénateurs parlent d'un "état de démotivation des consommateurs réguliers" et de "syndromes amotivationnels sévères (...) chez les grands consommateurs".
Face à cette situation, le dispositif de lutte contre les drogues leur paraît "vieilli et insuffisant". La loi du 31 décembre 1970, qui sanctionne l'usage simple de stupéfiants d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende, "n'est plus adaptée à la situation actuelle et aux nouvelles consommations, et est d'ailleurs largement inappliquée"aboutissant à "une dépénalisation de fait".
Il faut donc "réaffirmer l'importance de la loi", estiment les sénateurs, qui plaident pour que "toute interpellation d'usager se traduise par un procès-verbal, même simplifié, afin de permettre une réponse judiciaire systématique". Pour autant, ils reconnaissent, à l'instar de la quasi-totalité des intervenants en toxicomanie et du ministre de l'intérieur, que "punir d'un an d'emprisonnement un usager de drogue occasionnel n'ayant commis aucun autre délit paraît disproportionné". La commission préconise donc "de prévoir une contravention en cas de première infraction".
Ce n'est qu'en "cas de récidive ou de refus de soins ou d'orientation" que le délit assorti d'une peine d'emprisonnement d'un an serait maintenu. Cette peine devrait selon eux être purgée dans des "centres fermés de traitement de la toxicomanie sur le modèle des centres fermés pour jeunes délinquants". "Il s'agit d'éviter les mauvais côtés de la prison et en particulier la promiscuité avec les autres délinquants, précise le rapporteur de la commission, Bernard Plaisait (UMP-Paris). Ces centres seront équipés pour permettre une prise en charge thérapeutique la meilleure possible."
Enfin, les sénateurs insistent sur la nécessité de mettre en place une "prévention totale" pour "empêcher de nouvelles personnes de tomber dans la drogue et aider à en sortir celles qui sont sous sa dépendance". Critiquant la politique de réduction de risques mise en place dans les années 1990, qui permet un accompagnement sanitaire du toxicomane, la commission estime "nécessaire de remettre l'accent sur l'objectif du sevrage en renforçant l'offre de soins dans ce domaine". Enfin, elle préconise de renforcer l'information des parents, et veut adresser aux enfants des messages éducatifs "si possible dès l'école primaire, et même dès l'école maternelle".
Cécile Prieur