Source: https://www.euractiv.fr/section/sante-m ... ports-ban/
La Cour de Justice de l’UE favorable au commerce d’huile dérivée du chanvre
L’interdiction des importations d’huiles de cannabidiol (CBD) entre États membres serait contraire à la législation européenne, car aucune preuve scientifique n’établit que les produits à base de chanvre provoquent des effets psychotropes.
L’avocat général à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Evgeni Tanchev, a soumis une résolution non contraignante selon laquelle l’importation de cannabidiol (CBD) ne pouvait être interdite au sein de l’UE, conformément au principe de libre circulation des marchandises de l’UE.
Le CBD est un composant chimique extrait des plants de chanvre et qui contient moins de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC), la molécule active du cannabis.
L’affaire porte sur la vente en France de « KanaVape », une cigarette électronique qui utilise de l’huile de CBD importée de République tchèque, où a été cultivé le chanvre biologique.
En 2017, les fabricants des cartouches de KanaVape avaient été condamnés par le tribunal correctionnel de Marseille à 18 mois de prison et à 10 000 € d’amende pour trafic de stupéfiants.
En réponse à cet arrêt, le conseiller de la CJUE a contesté la semaine dernière le cadre réglementaire français qui interdit la commercialisation de produits dérivés du chanvre, y compris ceux qui contiennent du CBD.
Il défend que cette interdiction des importations de cannabidiol extrait de la plante ne respecte pas le principe de précaution, car le gouvernement français n’a pas clairement identifié les effets nocifs, notamment psychotropes, liés à l’utilisation de l’huile de CBD dans les e-cigarettes.
Evgeni Tanchev souligne aussi que le CBD, contrairement au THC, ne peut être classé dans la catégorie des stupéfiants comme le veut la loi française — une interprétation confirmée par la Convention unique de l’ONU sur les stupéfiants de 1961, qui ne considère pas le cannabidiol comme tel.
La CJUE, la plus haute juridiction de l’UE, n’est pas tenue de respecter l’avis du conseiller légal, mais tend à suivre ses recommandations de manière générale. La Cour basée à Luxembourg doit rendre son jugement final en septembre 2020.
Des élus européens veulent faciliter l'accès au cannabis médicinal
L’eurodéputé maltaise Miriam Dalli défend un cadre législatif européen plus solide sur le cannabis médicinal. Une perspective qui pourrait aussi favoriser les investisseurs du secteur.
La décision de l’instance européenne représente une victoire symbolique pour l’industrie du CBD, dont le marché européen risque de croître de 400 % d’ici à 2023, selon un rapport du cabinet d’analyse Brightfield Group.
Le codirecteur de KanaVape, Antonin Cohen, soutient que la durée de la procédure, qui s’est déroulée sur plus de 5 ans, et la saisine de la CJUE témoignent du flou juridique actuel et de la nécessité d’établir un cadre clair pour la production et l’utilisation du CBD en France et en Europe.
Selon les avocats de la société française, l’approbation de la CJUE aura un impact significatif sur l’industrie du cannabidiol en Europe, car la France se verrait non seulement obligée d’adapter sa législation, mais d’autres régulateurs nationaux pourraient également être contraints de réexaminer leurs propres restrictions liées aux produits dérivés du chanvre.
ACTIVE, l’association commerciale paneuropéenne des entreprises de cannabinoïdes et de terpènes, assure que le fait de ne pas considérer le cannabidiol comme une drogue marque une autre étape importante.
« Au cours des cinq dernières années, les consommateurs [de CBD] et les entrepreneurs [du domaine] ont été traités comme des criminels par l’État français », a déclaré la directrice d’ACTIVE, Laurène Tran, à Euractiv.
Pour elle, l’avis de la Cour européenne donne l’occasion aux industries française et européenne de poursuivre leurs efforts vers la professionnalisation du secteur. « Nous ne faisons que commencer », souligne-t-elle.
Mais l’avis de la CJUE pourrait aller au-delà des cigarettes électroniques, soutient Sita Schubert, secrétaire générale de l’European Medicinal Cannabis Association (EUMCA) fondée il y a peu. Cette décision, explique-t-elle, implique clairement une harmonisation du marché pour y introduire les produits dérivés du cannabidiol.
Par exemple, des valeurs seuil pourraient être établies pour définir si un produit contenant du CBD peut être considéré comme un bien de consommation ou s’il doit être réservé aux patients. C’est déjà le cas pour d’autres produits, comme les vitamines, prescrites comme des médicaments au-delà d’un certain dosage.
L’accès au cannabis médicinal devra quant à lui « être facilité par une législation uniforme et une approche réglementaire adoptée aux niveaux européen et national », conclut Sita Schubert.