Source : https://www.lexpress.fr/actualite/socie ... 28148.html
La chancellerie souhaite donner un coup d'arrêt à la poussée de ces commerces qui vendent des produits à base de cannabidiol.
"Je ne me reconnais pas dans l'appellation coffee shop, ça évoque trop Amsterdam." Dans le commerce de Thomas Traoré, niché dans le XVIIIe arrondissement de Paris, on ne trouvait pas de feuilles à rouler mais de la marmelade, de l'huile, des compléments alimentaires... Des produits à base de cannabidiol, un composant dérivé du cannabis. "La moitié de mes clients venaient pour des raisons médicales" explique-t-il à L'Express. On prête à la substance des vertus anti douleur.
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Lorsqu'il ouvre son établissement, le 13 juin 2018, Thomas Traoré pense avoir en mains tous les feux verts juridiques et administratifs. Un mois plus tard, la police judiciaire débarque et l'entrepreneur est placé en garde à vue, avant d'être mis en examen le 13 juillet dernierpour "acquisition, transport, détention, offre ou cession de stupéfiants" et "provocation à l'usage de stupéfiants". Un retournement dont il ne s'est toujours pas remis : "Je m'attendais à un contrôle mais pas à finir en garde à vue. Ils sont arrivés vers 11 heures, ils ont saisi les produits. Ils m'ont gardé le temps de tester leur teneur pendant soixante heures et je me retrouve interdit de gérance."
Une quinzaine de commerces fermés
Au cours des derniers mois, une centaine de commerces similaires auraient ouvert en France, selon les estimations de l'association Norml (National Organization for the Reform of Marijuana Laws) qui milite pour la dépénalisation du cannabis. Mais depuis juin, une quinzaine d'entre eux auraient subi la même déconvenue. Une hécatombe après la floraison.
Pour comprendre, il faut remonter à 2011, quand la Suisse assouplit sa législation sur les stupéfiants en autorisant la vente de produit dont la teneur en THC (tétrahydrocannabinol), une molécule psychotrope, est inférieure à 1 %. Un appel d'air qui, au fil des ans, favorise le commerce, la recherche et le développement et incite bientôt les producteurs helvètes à conquérir de nouveaux marchés.
Profitant de cette impulsion, une enseigne se lance à Besançon, en octobre 2017, et crée le buzz. Le succès est tel qu'elle fait des émules. Certains commerces communiquent sur l'aspect "bien être", d'autres jouent la provocation en agitant l'idée d'un cannabis "légal".
Cet effet de mode incite les pouvoirs publics à réagir sous la forme d'une note, émise le 12 juin 2018, et rédigée par une mission interministérielle, la MILDECA (Mission interministérielle contre les drogues et les conduites addictives). Sans véritable valeur juridique, le document rappelle que si la culture du chanvre est autorisée, la plante utilisée doit contenir moins de 0,20 % de THC. Et le produit qui en est issu : 0 %. La confusion entre la teneur de la plante et celle du produit a pu entretenir l'ambiguïté.
Flou juridique
"Pendant des mois, la chaîne judiciaire n'a pas bougé, puis les enquêteurs se sont basés sur cette note pour déclencher la répression, affirme Ingrid Metton, avocate de trois commerçants mis en examen. Et maintenant, on dit aux gérants : 'Vous auriez dû le savoir !' C'est gravissime."
Les situations varient cependant d'un département à l'autre. "La loi n'est pas appliquée de façon uniforme, poursuit Maitre Ingrid Metton. Cela dépend des parquets".