A Toulouse, dope, foi et vendetta

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A Toulouse, dope, foi et vendetta

Messagepar jack1 » 15 Jan 2018, 13:42

Source: http://www.lemonde.fr/police-justice/ar ... 53578.html

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A Toulouse, dope, foi et vendetta
Au c¦ur du quartier de la Reynerie, les
règlements de compte liés au trafic de
stupéfiants se multiplient. Une « hybridation »
entre banditisme et religion s'opère, rendant
certains dossiers particulièrement sensibles.
Le Monde | 10.01.2018 à 06h39 * Mis à jour le 10.01.2018 à 14h43 |
Par Elise Vincent

L'été était presque sage au pied du béton gris de
la cité de la Reynerie, ce 3 juillet au soir. Les
« choufs » (guetteurs) tenaient leur poste dans
ce quartier toulousain, utopie ratée des années
1960 bâtie autour de barres de logements en forme
de tripodes géants. Chacun était prêt, comme
toujours, à parer aux mauvais coups. Mais le
règlement de comptes qui a eu lieu, vers
21 heures, dans ce grand ensemble situé à moins
de quinze minutes en métro du Capitole et devenu
en cinquante ans le poumon noir du trafic local
de stupéfiants, a surpris même les plus prudents.
A la Reynerie, jusque-là, à défaut d'emploi, il y
avait Dieu ou l'argent, la foi ou la drogue,
jamais le dévoiement des symboles du premier pour
régler les conflits du second. En se présentant
ce soir-là au quartier en tenue religieuse, les
tueurs ont donc trompé leur monde. Il avait
pourtant l'air étrange, ce père en djellaba,
accompagné d'une épouse avec sa poussette, mal
fagotée dans son niqab. Certains ont bien
remarqué les mollets trop charnus de la dame, et
ses épaules trop larges sous son voile. Mais le
temps de glousser derrière les fenêtres, cet
homme déguisé en femme a sorti un fusil d'assaut
de la poussette et déclenché une mitraille d'une
violence inouïe.

Le duo d'assassins avait une cible : Djamel
Tahri, 27 ans, méfiant au possible sous ses airs
de grand rigolard, cadet d'une fratrie accusée
d'avoir la mainmise sur tout le deal de son
bâtiment. Pour l'abattre, ses ennemis n'ont pas
hésité à tirer dans le tas : une trentaine de
balles au total, dont plusieurs ont atteint des
appartements, perforé des véhicules, et blessé
six passants, dont deux gravement. Le jeune
Tahri, touché à neuf reprises, a rendu son
dernier soupir devant la caisse d'allocations
familiales.

Statistiques cruelles

Les témoins ont d'abord cru à un attentat. Mais
très vite, le diagnostic est tombé : règlement de
comptes. Le énième d'une série aux statistiques
cruelles : plus de dix morts en six ans,
seulement sept mises en examen, aucune poursuite
pour assassinat, rien d'autre que des chefs
d'inculpation pour « association de malfaiteurs »
ou « détention d'arme ». Traduction pénale :
risque maigre de condamnation, aucun prévenu en
détention provisoire, juste des jeunes loups en
liberté sous contrôle judiciaire. Autant dire le
spectre inquiétant, aux yeux des autorités
toulousaines, d'une contagion à la mode
marseillaise.

Avec ce drame, les enquêteurs espéraient au moins
avoir l'occasion de mettre la main sur des
coupables. Sous le coup de l'émotion, les langues
des habitants se sont momentanément déliées, ce
qui a permis aux policiers d'apprendre que le
tireur en niqab et son « époux » n'étaient pas
seuls. Le commando, positionné dans le quartier
bien avant la tuerie, comptait, selon les
témoignages, jusqu'à une dizaine de personnes,
connues de « tout le monde » à la Reynerie : au
moins quatre hommes à scooter, deux autres pour
tuer, un pour donner le « go ». Une mise à mort à
ciel ouvert, en somme.

Mais les 10 000 habitants de la cité ont vite
replongé dans le silence. Chacun s'est abstenu de
la moindre déposition sur procès-verbal. Ceux qui
y ont été obligés - pour des questions
d'assurance concernant les dégâts humains et
matériels - ont pris soin de laisser entendre
qu'ils n'avaient rien dit, « parce que, de toute
façon, ils ne savaient rien ». Même un vieil
Algérien qui avait failli y rester, touché par
une balle dans le dos, a préféré s'éclipser au
pays. « Douanier » de métier, il était
officiellement « en vacances » en France. Quand
la mère de Djamel Tahri a dévalé, suffocante, les
escaliers après les rafales, « un petit » du
quartier ramassait déjà les douilles.

Pas de trêve pendant les vacances

Et puis, la vie a repris à la Reynerie, de part
et d'autre de l'artère principale, la rue de
Kiev, un axe désert comme un champ de bataille,
réinventé en frontière entre les barres décaties
baptisées de noms d'illustres compositeurs
(Satie, d'Indy, Gluck�). Les habitants pouvaient
espérer que les vacances d'été soient porteuses
d'une trêve, mais après Djamel Tahri, une autre
exécution est survenue dès le 7 août. Des
individus encagoulés ont déboulé en voiture et
ont tiré sur un groupe de quatre hommes au beau
milieu d'un parking, à proximité de la rue de
Kiev, avant de se volatiliser dans la nuit
toulousaine. Dans leur sillage, un mort : un
homme de 29 ans touché par treize balles. Les
caméras de vidéosurveillance ne fonctionnaient
pas, détruites ou en panne.

La victime ? Le fils aîné des Bouzegou, une
famille de Poulenc cette fois, barre voisine
d'Auriacombe, fief de la fratrie Tahri ; deux
tripodes si proches l'un de l'autre que chacun
peut épier ses rivaux derrière ses rideaux.
L'enquête confiée au service régional de police
judiciaire de Toulouse s'avère complexe, mais une
certitude émerge : dans cette affaire-là, plus
que dans les règlements de comptes précédents,
une « hybridation » entre banditisme et religion
a opéré, symptomatique du glissement constaté
dans d'autres cités françaises, où l'idée de
tromper « l'Etat kouffar » (mécréant) est de plus
en plus légitimée.

La victime du parking se prénommait Redouane.
C'était l'aîné des trois frères Bouzegou. Il est
tombé sous les fenêtres de ses parents. Les
balles auraient pu être destinées à son cadet,
Yassir, 27 ans, un dur à cuire rescapé de cette
même fusillade, condamné à de la prison ferme
pour divers vols aggravés et soupçonné d'être
mêlé à plusieurs autres tueries récentes à
Toulouse. Aux yeux des services de renseignement,
Redouane lui-même avait un parcours trouble. En
novembre 2015, lors des attentats du Bataclan et
du Stade de France, il avait été parmi les
premiers du quartier à écoper d'une perquisition
administrative.

Jusqu'à 500 000 euros mensuels par immeuble

Dans ce dossier, la frontière entre trafics et
islam apparaît d'autant plus floue que le père
Bouzegou, un Marocain de 57 ans, est une figure
locale. Gestionnaire depuis 2012, d'une gargote,
Les Saveurs de Marrakech, au c¦ur du quartier du
Mirail, où il emploie, dit-il, un de ses fils,
Yassir, pour 1 100 euros mensuels, Ahmed Bouzegou
est surtout, depuis 2014, un haut responsable de
la mosquée dite du « Château ». Ce lieu de culte,
très éloigné des tentations radicales de son fils
assassiné, est affilié de longue date à l'islam
consulaire marocain, et donc géré par le Maroc,
qui a pour tradition de surveiller de près ses
fidèles.

POLICIERS ET MAGISTRATS ONT ÉTÉ ESTOMAQUÉS DE LA
STRATÉGIE MARKETING DE CERTAINS CHEFS DE RÉSEAU :
HERBE LIVRÉE DANS DES SACHETS « GRIFFÉS », CARTES
DE FIDÉLITÉ, ETC.

Les fonctions du père Bouzegou et ses liens avec
ce pays où la production de cannabis alimente de
puissants réseaux ont-ils pu, d'une manière ou
d'une autre, empêcher la police et la justice
françaises de s'intéresser à temps à la dérive
des deux fils ? Dans un contexte où les autorités
françaises se concentraient sur l'antiterrorisme,
cette mosquée faisait figure de rempart face à la
montée de la radicalisation. Or aujourd'hui, le
trafic de drogue explose à Toulouse. Une forte
hausse, à la mesure de la croissance de la
population toulousaine (+ 8 000 habitants
en 2017), le tout sur fond de poussée de la
consommation de cocaïne, et, plus discrètement,
de celle d'héroïne.

Qui aurait parié que, dans cette Reynerie au
revenu médian annuel de 8 400 euros - 60 % de
moins que l'agglomération toulousaine -, il
serait en effet possible un jour, grâce à la
drogue, de dégager jusqu'à 500 000 euros mensuels
par immeuble, au rythme de 300 à 700 clients
quotidiens ? Qu'aidés par l'implantation du métro
et la proximité de la fac du Mirail, des
« choufs » viendraient de toute l'agglomération,
voire du Gers ou de l'Ariège voisins,
« travailler » à la cité à raison de 150 euros la
vacation de huit heures ? Un supermarché de la
dope en plein air, où des flèches indiquent
comment rejoindre les points de deal et où il
faut faire la queue dans les cages d'escaliers.

« On a tué un lion »

Après la mort de Djamel Tahri et de Redouane
Bouzegou, le trafic ne s'est en rien assagi.
Policiers et magistrats ont été estomaqués de la
stratégie marketing de certains chefs de réseau :
paquets de feuilles à rouler couleur noir et or
offerts pour chaque dose achetée, herbe livrée
dans des sachets « griffés », cartes de fidélité,
etc. Au bâtiment Varèse, il a même été assuré, en
novembre, quelques heures durant, une
géolocalisation sur Google Maps. En tapant « plan
weed », n'importe quel Toulousain en quête
d'herbe pouvait tomber sur leur adresse, photo à
l'appui.
Autant de preuves d'une puissante mainmise en
coulisse. A la Reynerie, tant que la justice ne
tranche pas, les victimes des règlements de
comptes sont perçues comme des « hommes
d'honneur » - des garçons « respectés », dit-on
ici -, protégés des soupçons du deal par la
prière et la valeur sacrée de la présomption
d'innocence. Pas d'église, comme en Sicile, pour
absoudre, mais l'islam mêlé indifféremment à la
dope et à la violence dans un parfum de Cosa
Nostra. « Si je n'avais pas la religion, je ne
pourrais pas rester », souffle, effondré, le père
de Redouane Bouzegou.

Pour défendre la mémoire de celui qu'il appelle
son « fils préféré », cet homme mince au visage
sec a accepté de recevoir Le Monde entouré des
siens dans le T5 du défunt. Les fenêtres donnent
sur une vaste pelouse censée accueillir un jour
une deuxième mosquée dans la cité voisine de
Bagatelle. Redouane Bouzegou comptait s'installer
dans cet appartement refait à neuf avec son
épouse de 27 ans et leurs trois enfants âgés de
6 mois à 8 ans. « C'était un lion, on a tué un
lion », regrette son père en contemplant ce qu'il
considère comme la meilleure preuve de la probité
de son fils : ses médailles de ju-jitsu, un sport
dont il était un pratiquant confirmé.

« Trompe-la-mort » s'active sur Snapchat

Les services de renseignement avaient l'¦il sur
ce club d'arts martiaux soupçonné d'être un foyer
de radicalisation. Mais pour la famille, les
balles ayant tué leur fils étaient destinées à
d'autres. A commencer, peut-être, par Yassir, ce
frère défendu du bout des lèvres. Ou alors à un
certain Abdelkrim Koulel, 26 ans, alias
« Trompe-la-mort », maintes fois visé, souvent
blessé, toujours vivant. Présent la fameuse nuit
du 7 août sur la rue de Kiev, ce dernier a bien
eu droit à son lot de balles, mais il en a
réchappé et s'en est même vanté, à grand renfort
de doigts d'honneur, sur Snapchat, depuis son lit
d'hôpital.

« MOI, J'OPTIMISE LES MOYENS MIS À MA DISPOSITION »
JEAN-MICHEL LOPEZ, DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

Au jeu du casier judiciaire, Redouane Bouzegou
avait le privilège de la page blanche. Après
avoir lâché le lycée Airbus avant le bac, il
s'était engagé, entre 2008 et 2011, au 1er
régiment du train des parachutistes de l'armée de
terre. Ensuite, il avait été vigile dans le
métro, puis, de 2013 à 2015, médiateur pour une
association municipale, dissoute pour cause
d'accointances avec des jeunes mêlés au trafic.
Un simple « licenciement économique », d'après
ses proches. Depuis, il cherchait un travail. La
sécurité le tentait. Il devait démarrer une
formation et s'était même inscrit en fac de
droit. Bref, un homme « respecté et respectable ».

C'est ainsi, à la Reynerie : le trafic de drogue
n'est jamais évoqué frontalement. Il faut
l'entrevoir dans les non-dits, le saisir derrière
les larmes étouffées des femmes sur leur grand
canapé à l'orientale. Soraya (pseudonyme), 43 ans
et six enfants, habitante de la cité depuis trois
décennies, le confie avec ses mots dans les
locaux de l'association Parle avec elle, qui
offre café et écoute aux mères et épouses dans un
appartement des barres. « Ça deale, ça deale,
mais on ne nous ennuie pas », clame cette jolie
brune en bottines noires, alors qu'une de ses
filles a failli prendre une balle le 3 juillet.

« On a préféré s'aider entre nous »

Pendant que Soraya accepte de témoigner dans une
pièce à l'abri des regards, une voisine en
peignoir sanglote au bord de l'évier dans la
cuisine à côté. « Le juge » vient de la menacer
de « la mettre en prison si elle continue à
couvrir ses fils ». De la même manière, quand une
cellule psychologique a été mise en place par la
mairie après la fusillade du 3 juillet, Soraya a
refusé, comme beaucoup, d'y mettre les pieds.
« On a préféré s'aider entre nous »,
lâche-t-elle, pudiquement. Son mari aimerait
partir, mais paradoxalement, elle se sent plus
« protégée » ici qu'ailleurs.

Djamel Tahri, exécuté par le faux couple en niqab
et djellaba, était à ce titre un des nombreux
garçons protecteurs et « généreux » du quartier.
Toujours « aidant » pour ses voisins. Un vrai
« papa », selon sa s¦ur, Samira, 31 ans, qui a
accepté, elle aussi, au côté de sa mère, de
recevoir Le Monde. Depuis la tuerie, le perroquet
fantasque de son frère piaille toujours à
intervalles réguliers dans l'entrée de
l'appartement. L'appareil de musculation sur
lequel Djamel pouvait s'entraîner tout en gardant
l'¦il sur le terre-plein devant l'immeuble trône
encore dans sa chambre. Mais dans ce duplex
typique de la Reynerie, mère et fille se terrent
désormais, rideaux tirés, dans l'attente d'un
relogement.

Assise bien droite sur une chaise au milieu du
salon, madone meurtrie habillée ce jour-là d'un
large hijab blanc à fleurs noires qui la recouvre
jusqu'à la taille et dont ne sortent que ces
mains nerveuses, Samira défend la mémoire de son
frère : « Djamel a bien fait quelques sous au
départ, comme tout le monde, mais depuis trois
ans, il s'était rangé. Donc soit il était malin
et la police ne faisait pas son travail, soit il
ne faisait rien et la police faisait très bien
son boulot. » A l'instar de Redouane Bouzegou,
rien dans le CV de son aîné ne permettait, il est
vrai, de le rattacher à du trafic de stupéfiants.
Au pire s'y trouvaient des délits routiers, de la
détention d'armes et des faits de violence.

La « vague du repentir »

Malgré son job de serveur dans une pizzeria,
Djamel Tahri « tendait la main à tous les
nécessiteux, aux mères qui n'arrivaient pas à
faire les courses ou à payer leur loyer. Tous
l'appelaient quand il y avait un manque de
respect », a tenu à compléter sa s¦ur dans un
texto envoyé après l'entretien. Dans cette
fratrie de huit où a toujours manqué un père,
Djamel avait à sa manière, selon elle, endossé le
rôle de patriarche : « Toutes les décisions
passaient par lui », a insisté la jeune femme,
dépeignant sa propre vie comme celle d'une
célibataire pieuse, indifférente à l'agitation
extérieure, concentrée sur l'entretien du logis
et, désormais, sur l'éducation de son neveu,
orphelin de père à 4 ans.

RÉCEMMENT, UN « CHOUF » A TRAVERSÉ LA COUR DU
COLLÈGE EN PLEINE RÉCRÉATION POUR RÉCUPÉRER UNE
LIVRAISON DE DROGUE DÉPOSÉE SUR LE TOIT

Depuis quelques années, Djamel avait même été
rattrapé, d'après elle, par la « vague du
repentir ». Un discret engouement dans le
quartier pour la « voie droite » de l'islam,
survenu après le choc, en 2011, du premier mort
de la Reynerie dans un règlement de comptes. Il
s'appelait Samir Chorfi, il avait 23 ans. Neuf
balles de Glock lui avaient traversé le corps
dans une affaire où commençait déjà à poindre la
difficulté à mettre des mots sur la réalité du
business. « Simple différend de mariage »,
avaient défendu mordicus ses proches. Dette de
10 000 euros sur fond de trafic de drogue, avait
rétorqué l'accusation.

Que faire, dans ces conditions, pour lutter
contre cette hécatombe ? « Moi, j'optimise les
moyens mis à ma disposition », balaye le
directeur départemental de la sécurité publique,
Jean-Michel Lopez. Dans son bilan, les
trafiquants, grâce au travail policier, n'ont pas
la vie si simple : « Ils sont obligés d'avoir des
parades, des "choufs", des "pré-choufs", des
appartements relais, des cadenas aux portes, des
faux points de deal� » La ville, elle, a fait
exploser son compteur de policiers municipaux -
de 150 à 300 d'ici à 2020. Elle a pris en charge
la gestion de la fourrière et récupéré le
visionnage des caméras de vidéosurveillance. Mais
le souci demeure : ses agents n'ont aucun pouvoir
d'enquête, donc aucune compétence judiciaire pour
démanteler les réseaux.

Une livraison sur le toit du collège

Il n'y a qu'au parquet de Toulouse qu'on met
vraiment les pieds dans le plat, en prenant pour
base le taux de délinquance sur la voie
publique : « C'est simple, il est de 84 pour
mille habitants à Marseille et de 104 à Toulouse,
mais nous sommes moitié moins, pour autant de
déferrements� Soit 22 magistrats contre 41 »,
pointe le procureur de la République, Pierre-Yves
Couilleau. A l'heure où l'exécutif doit annoncer
sa réforme de la « police de sécurité du
quotidien » et de la procédure pénale, beaucoup
espèrent donc, dans cette ville symbole où
Nicolas Sarkozy avait mis fin, en 2003, à la
« police de proximité », qu'il ne s'agira pas
juste d'habillages. « Il faut surtout renforcer
la coordination et la disponibilité des forces de
l'ordre », souligne-t-on à la préfecture de
Haute-Garonne.

Pendant que la cité de la Reynerie se tait, les
bailleurs décrivent l'enfer des couloirs qu'il
faudrait, dans l'absolu, repeindre tous les
jours, le personnel d'entretien qui s'est aménagé
des abris pour éviter d'être pris entre deux feux
lors des descentes de police. Le principal du
collège de la Reynerie, lui, se désespère du
point de deal situé juste du côté de l'entrée des
professeurs, ou de ces gamins débarquant les yeux
cernés après les interpellations matinales.
Récemment, un « chouf » a même traversé la cour
en pleine récréation pour récupérer une livraison
de drogue déposée sur le toit. Le département
s'est résolu à fermer l'établissement d'ici deux
ans. Même les deux mosquées de la cité sont
voisines de points deal, et il est courant de
voir lieutenants et « nourrices » descendre des
coursives des bâtiments pour aller prier.

Dans ce Far West, les provocations fusent au-delà
de la mort. Après le décès de Redouane Bouzegou,
certains de ses assassins présumés ont filé au
Maroc. De là-bas, ils se sont filmés sur les
réseaux sociaux dans des villas avec piscine à
1 000 euros la semaine. Son père raconte qu'il
était possible, en étant connecté aux bonnes
personnes, de les voir rigoler en hurlant :
« Honneur, on a eu "Cheveux" ! » Un surnom dont
la victime avait écopé après avoir longtemps
porté une longue tignasse et une barbe, façon
salafiste. « C'était la mode de la coupe à
l'italienne », préfère dire l'une de ses s¦urs.

Des « jalousies » de la part des Parisiens

Ce sentiment d'impunité est perceptible jusque
dans les salles d'audience du palais de justice
de Toulouse. Mi-décembre, le tribunal
correctionnel a tenté d'y juger une dizaine de
personnes de la Reynerie impliquées dans un
dossier de stupéfiants. Mais il n'a jamais pu
obtenir d'autres réponses à ses questions que des
« peut-être », des « je suppose » et des
« j'avais prêté mon téléphone ». Le « boss »
présumé du réseau - dit « Le botch », en occitan
- comparaissait libre après un vice de procédure.
Sur le même banc se tenait une ravissante
professeure stagiaire d'un lycée professionnel,
surprise avec 21 000 euros à son domicile.

LA VILLE DE TOULOUSE RÊVE TOUJOURS DE CONJURER LE
SORT AVEC DAVANTAGE DE MIXITÉ ET LA CONSTRUCTION,
D'ICI À 2021, D'UNE BASE NAUTIQUE SUR LES RIVES
DU LAC VOISIN

Faire justice soi-même, quitte à avoir recours à
une forme de mise en scène, c'est donc ce qu'a
choisi le père de Redouane Bouzegou après son
décès. Le 12 août, au milieu de la grande place
Abbal, vaste esplanade sous les balcons des
tripodes, soutenu par un petit public, il a
brandi un code pénal tout en jurant qu'il
donnerait à la police les noms des meurtriers.
« En cinq jours, je les avais », assure-t-il
aujourd'hui, égrenant les patronymes de ceux
qu'il suspecte, des « guetteurs » aux
commanditaires.

Pour la police, ces violences surviennent dans un
contexte de convoitises grandissantes sur le
marché toulousain, notamment de barons de la
drogue parisiens. Ce que certains, à la Reynerie,
qualifient par euphémisme de « jalousies ».
Celles, par exemple, qu'a pu alimenter l'Audi A1
de la s¦ur de Djamel, « légalement acquise », se
défend-elle, fiches de paye à l'appui, grâce à
son salaire de secrétaire. Ou celles qu'a pu
provoquer le salon d'esthétique de l'épouse de
Redouane. Une boutique située au c¦ur du
quartier, achetée il y a quatre ans, via un
« emprunt familial », assure-t-elle.

Funérailles dignes des « parrains »

Le prosélytisme religieux de Redouane Bouzegou
agaçait aussi, notamment ses maraudes caritatives
auprès des SDF de la gare. Un paravent qui lui
aurait permis, selon ses détracteurs, de recruter
« ses » petites mains. Et ce, alors que le
recours à des sans-papiers aux postes de
« choufs », dont des mineurs étrangers isolés,
était en progression. D'après la justice, aucune
enquête n'était toutefois ouverte contre le jeune
homme, et rien ne permet non plus d'étayer des
soupçons de blanchiment via des associations
cultuelles.

Les utopies urbaines demeurent, malgré tout, dans
le quartier. Les divers « conseils citoyens »,
réunions police-population ou « ateliers
empowerment » (capacité à agir de manière
autonome) n'ont jamais fonctionné à la hauteur
des espérances, mais la ville de Toulouse rêve
toujours de conjurer le sort avec davantage de
mixité et la construction, d'ici à 2021, d'une
base nautique sur les rives du lac voisin. En
parallèle, un troisième plan de rénovation
urbaine est à l'¦uvre, grâce aux pelleteuses qui
n'ont de toute façon jamais quitté le secteur en
quinze ans de démolition-relogement.

C'est finalement dans l'enterrement de leurs
enfants perdus que les familles ont surtout
cherché à préserver leur mémoire. Avec des
funérailles dignes des « parrains » qu'elles ont
toujours refusé qu'ils soient. Pour Redouane
Bouzegou, au Maroc, un millier de personnes se
sont réunies, dont tout ce que la ville d'Oujda
compte d'autorités respectées, la presse et la
chaîne de télévision nationale. Une cinquantaine
de ses amis avaient fait le déplacement : à leur
frais ou à bord d'un bus loué pour l'occasion.
Plusieurs sont même venus du Brésil, un pays où,
comme le Maroc, à en croire ses proches, le fils
Bouzegou se rendait régulièrement pour
« s'entraîner » et participer à des compétitions
de ju-jitsu.

Pour Djamel Tahri, l'histoire s'est achevée dans
le carré musulman du cimetière de Cornebarrieu,
en périphérie de Toulouse. Il y avait là les
proches, l'imam, tout un cortège, sauf les
femmes, tradition oblige. La justice avait
accordé une permission à un de ses frères
incarcérés, Mohamed, 33 ans. Mais pas au second,
de peur déjà, qu'il ne prenne une rafale.
Intuition sage : après quelques pelletés de
terre, les tombes ont une nouvelle fois
tressailli. « Femmes, parents, enfants, on va les
exécuter un par un. Passez le message », a éructé
l'aîné des fils Tahri à l'adresse des assassins
présumés. Avant de partir, le petit garçon de
Djamel Tahri a confié à la stèle trois de ses
voitures miniatures en plastique. Puis chacun
s'en est allé, laissant la vindicte faire son
chemin, sous le regard coi des agents du
renseignement territorial.
Les nanas sont de sortie !

Jdc Bambata tikiseedbank !

FxYxS

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