Que risquera-t-on demain pour avoir fumé un joint ?
Posté: 20 Nov 2017, 13:46
Source: http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html
Cannabis : que risquera-t-on demain pour avoir fumé un joint ?
Alors que des amendes pour simple usage d'herbe
ou de résine sont à l'étude, un think tank a
analysé l'impact concret de trois scénarios
LE MONDE | 18.11.2017 à 06h42 * Mis à jour le 18.11.2017 à 18h39 |
Par François Béguin et Julia Pascual
Que risquera-t-on demain pour avoir fumé un joint
ou avoir été interpellé avec quelques grammes de
cannabis dans la poche ? Pendant la campagne
présidentielle, Emmanuel Macron s'était engagé à
réformer la politique pénale pour sanctionner la
consommation de stupéfiants par une simple
amende. Une réforme dont le but est d'alléger le
travail des forces de l'ordre et de désengorger
la justice, face à un contentieux de masse qui,
dans les faits, se solde majoritairement par des
rappels à la loi.
Si beaucoup y avaient vu une promesse de
dépénalisation de l'usage de stupéfiants,
aujourd'hui théoriquement passible d'un an de
prison et de 3 750 euros d'amende, c'est une
réforme plus limitée qui a aujourd'hui les
faveurs du gouvernement. Celui-ci veut proposer
un système d'amende forfaitaire tout en
maintenant le délit pénal d'usage, afin de
préserver les pouvoirs de coercition qui lui sont
associés, comme le placement en garde à vue.
Lire aussi : A Lyon, le cannabis au quotidien
Une mission d'information parlementaire a mené
des auditions cet automne sur la base de ce
scénario et remettra ses conclusions début
décembre. Un projet de loi devrait voir le jour
au premier semestre 2018. Il s'inscrira dans un
chantier plus global de simplification de la
procédure pénale, au travers duquel d'autres
contentieux de masse, comme le vol à l'étalage ou
la vente à la sauvette, pourraient être également
sanctionnés par une amende.
Sous l'égide du Jour d'après, un think tank
bipartisan revendiquant un « soutien
constructif » au chef de l'Etat, plusieurs
spécialistes de la question des drogues veulent
encore croire qu'une réforme plus ambitieuse de
la loi de 1970 sur les stupéfiants est possible.
« La réforme vers laquelle on s'achemine serait
un retour en arrière par rapport à la promesse
d'Emmanuel Macron », estime ainsi l'économiste
Romain Perez.
Plaidant pour la mise en place de contraventions
et la dépénalisation du simple usage, ces
experts, parmi lesquels figurent Danièle
Jourdain-Menninger, l'ancienne présidente de la
Mission interministérielle de lutte contre les
drogues et les conduites addictives, Jean-Michel
Costes, l'ex-président de l'Observatoire français
des drogues et des toxicomanies, ou Thierry
Clair, l'un des secrétaires nationaux du syndicat
UNSA-Police, se sont livrés, dans un document que
s'est procuré Le Monde, à une étude d'impact de
trois différents scénarios.
La « forfaitisation délictuelle »
C'est la réforme défendue par le ministère de
l'intérieur. Gendarmes et policiers pourraient
infliger aux consommateurs de plus de 18 ans une
« amende forfaitaire ». L'étude est partie sur la
base d'une amende de 320 euros. Lorsqu'elles le
souhaiteraient, les forces de l'ordre auraient
toujours la possibilité de recourir à la
procédure pénale actuelle, qui prévoit notamment
le placement en garde à vue d'usagers. Cela leur
permettrait par exemple de faire « tomber les
réseaux de vente » en demandant aux consommateurs
de fournir des informations lors de leur audition.
Une telle réforme « aura des effets incertains,
liés à l'interprétation que feront la police et
la gendarmerie de la loi », juge le think tank.
L'allégement de la procédure permettrait
toutefois de baisser le nombre d'heures
consacrées aux interpellations de près de moitié
(- 53 %). Le revenu des amendes (53 millions
d'euros) serait pratiquement compensé par le coût
de leur recouvrement (50 millions d'euros). Au
final, la mesure générerait des économies
d'environ 226 millions d'euros.
La contraventionnalisation « partielle »
Une contravention de 320 euros sanctionnerait le
seul premier usage de stupéfiant. Mais, en cas de
récidive, la procédure pénale classique serait
automatiquement déclenchée. Les économies
générées seraient du même ordre qu'avec la
« forfaitisation délictuelle », soit 226 millions
d'euros.
La contraventionnalisation « réelle »
Dans ce scénario, les simples consommateurs de
cannabis (en possession de moins de 10 grammes
d'herbe ou de résine) s'exposeraient, y compris
en cas de récidive, à une contravention de
100 euros. La somme serait ramenée à 33 euros en
cas de suivi d'un parcours « informations,
prévention et soins ».
C'est le scénario défendu par Le Jour d'après, le
seul en mesure, selon lui, de mettre fin à la
« complexité » et à l'« illisibilité » de
l'actuelle législation. « L'usager n'est plus
considéré comme un délinquant par principe, et
son infraction ne ferait l'objet d'aucune
inscription au casier judiciaire », précise-t-il.
Lire aussi : Légaliser, dépénaliser ou non le
cannabis : le débat résumé en une conversation SMS
Cette réforme entraînerait une baisse de 76 % du
temps consacré par les forces de l'ordre à
l'interpellation des usagers et libérerait « la
totalité de ressources judiciaires » consacrées à
ce type de procédure. La détention de
stupéfiants, par exemple au-delà d'un seuil de
5 grammes, resterait un délit et permettrait de
conserver le pouvoir de placement en garde à vue.
L'économie générée serait de 380 millions
d'euros, qui pourraient ainsi être alloués à une
politique de prévention plus ambitieuse.
Cannabis : que risquera-t-on demain pour avoir fumé un joint ?
Alors que des amendes pour simple usage d'herbe
ou de résine sont à l'étude, un think tank a
analysé l'impact concret de trois scénarios
LE MONDE | 18.11.2017 à 06h42 * Mis à jour le 18.11.2017 à 18h39 |
Par François Béguin et Julia Pascual
Que risquera-t-on demain pour avoir fumé un joint
ou avoir été interpellé avec quelques grammes de
cannabis dans la poche ? Pendant la campagne
présidentielle, Emmanuel Macron s'était engagé à
réformer la politique pénale pour sanctionner la
consommation de stupéfiants par une simple
amende. Une réforme dont le but est d'alléger le
travail des forces de l'ordre et de désengorger
la justice, face à un contentieux de masse qui,
dans les faits, se solde majoritairement par des
rappels à la loi.
Si beaucoup y avaient vu une promesse de
dépénalisation de l'usage de stupéfiants,
aujourd'hui théoriquement passible d'un an de
prison et de 3 750 euros d'amende, c'est une
réforme plus limitée qui a aujourd'hui les
faveurs du gouvernement. Celui-ci veut proposer
un système d'amende forfaitaire tout en
maintenant le délit pénal d'usage, afin de
préserver les pouvoirs de coercition qui lui sont
associés, comme le placement en garde à vue.
Lire aussi : A Lyon, le cannabis au quotidien
Une mission d'information parlementaire a mené
des auditions cet automne sur la base de ce
scénario et remettra ses conclusions début
décembre. Un projet de loi devrait voir le jour
au premier semestre 2018. Il s'inscrira dans un
chantier plus global de simplification de la
procédure pénale, au travers duquel d'autres
contentieux de masse, comme le vol à l'étalage ou
la vente à la sauvette, pourraient être également
sanctionnés par une amende.
Sous l'égide du Jour d'après, un think tank
bipartisan revendiquant un « soutien
constructif » au chef de l'Etat, plusieurs
spécialistes de la question des drogues veulent
encore croire qu'une réforme plus ambitieuse de
la loi de 1970 sur les stupéfiants est possible.
« La réforme vers laquelle on s'achemine serait
un retour en arrière par rapport à la promesse
d'Emmanuel Macron », estime ainsi l'économiste
Romain Perez.
Plaidant pour la mise en place de contraventions
et la dépénalisation du simple usage, ces
experts, parmi lesquels figurent Danièle
Jourdain-Menninger, l'ancienne présidente de la
Mission interministérielle de lutte contre les
drogues et les conduites addictives, Jean-Michel
Costes, l'ex-président de l'Observatoire français
des drogues et des toxicomanies, ou Thierry
Clair, l'un des secrétaires nationaux du syndicat
UNSA-Police, se sont livrés, dans un document que
s'est procuré Le Monde, à une étude d'impact de
trois différents scénarios.
La « forfaitisation délictuelle »
C'est la réforme défendue par le ministère de
l'intérieur. Gendarmes et policiers pourraient
infliger aux consommateurs de plus de 18 ans une
« amende forfaitaire ». L'étude est partie sur la
base d'une amende de 320 euros. Lorsqu'elles le
souhaiteraient, les forces de l'ordre auraient
toujours la possibilité de recourir à la
procédure pénale actuelle, qui prévoit notamment
le placement en garde à vue d'usagers. Cela leur
permettrait par exemple de faire « tomber les
réseaux de vente » en demandant aux consommateurs
de fournir des informations lors de leur audition.
Une telle réforme « aura des effets incertains,
liés à l'interprétation que feront la police et
la gendarmerie de la loi », juge le think tank.
L'allégement de la procédure permettrait
toutefois de baisser le nombre d'heures
consacrées aux interpellations de près de moitié
(- 53 %). Le revenu des amendes (53 millions
d'euros) serait pratiquement compensé par le coût
de leur recouvrement (50 millions d'euros). Au
final, la mesure générerait des économies
d'environ 226 millions d'euros.
La contraventionnalisation « partielle »
Une contravention de 320 euros sanctionnerait le
seul premier usage de stupéfiant. Mais, en cas de
récidive, la procédure pénale classique serait
automatiquement déclenchée. Les économies
générées seraient du même ordre qu'avec la
« forfaitisation délictuelle », soit 226 millions
d'euros.
La contraventionnalisation « réelle »
Dans ce scénario, les simples consommateurs de
cannabis (en possession de moins de 10 grammes
d'herbe ou de résine) s'exposeraient, y compris
en cas de récidive, à une contravention de
100 euros. La somme serait ramenée à 33 euros en
cas de suivi d'un parcours « informations,
prévention et soins ».
C'est le scénario défendu par Le Jour d'après, le
seul en mesure, selon lui, de mettre fin à la
« complexité » et à l'« illisibilité » de
l'actuelle législation. « L'usager n'est plus
considéré comme un délinquant par principe, et
son infraction ne ferait l'objet d'aucune
inscription au casier judiciaire », précise-t-il.
Lire aussi : Légaliser, dépénaliser ou non le
cannabis : le débat résumé en une conversation SMS
Cette réforme entraînerait une baisse de 76 % du
temps consacré par les forces de l'ordre à
l'interpellation des usagers et libérerait « la
totalité de ressources judiciaires » consacrées à
ce type de procédure. La détention de
stupéfiants, par exemple au-delà d'un seuil de
5 grammes, resterait un délit et permettrait de
conserver le pouvoir de placement en garde à vue.
L'économie générée serait de 380 millions
d'euros, qui pourraient ainsi être alloués à une
politique de prévention plus ambitieuse.