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Source : http://www.liberation.fr/france/2016/04 ... ne_1449270
Par Rachid Laïreche
Sénatrice socialiste des Bouches-du-Rhône, Samia Ghali est maire du 8e secteur de Marseille.
Pourquoi êtes-vous opposée à la légalisation ou même à la dépénalisation du cannabis ?
Il n’y a pas de solution miracle, mais je pense que la pénalisation des clients peut déjà ralentir la consommation. Aujourd’hui, il y a probablement plus d’amendes pour stationnement gênant que pour usage de cannabis. Or, si le client était plus souvent sanctionné, cela mettrait déjà à mal le trafic de drogue.
La sanction des consommateurs peut-elle suffire ?
Elle n’est pas la seule solution. Mais elle contribuerait à la lutte. Aujourd’hui, sur nos écrans de télévision, il y a plus de spots publicitaires contre l’alcool au volant ou contre les excès de l’alimentation trop grasse que contre la drogue. C’est un scandale.
Que préconisez-vous ?
La fin des trafics ne se fera pas du jour au lendemain, mais j’estime que l’éducation en ZEP doit être une priorité. Je pense que les temps d’activités périscolaires (TAP) ne sont pas adaptés à nos quartiers : dans mon secteur, on compte 60 % d’absentéisme à ces animations. Ces enfants préfèrent rester dehors plutôt que d’aller faire des activités peu épanouissantes telles que de la pâte à sel avec des animateurs qui eux-mêmes mériteraient d’être encore encadrés. L’insertion professionnelle est aussi un enjeu crucial dans la réhabilitation de ces quartiers. Je suis pour qu’on puisse engager des apprentis dès l’âge de 14 ans. Dans un univers où les pères ont parfois abandonné le navire, la figure paternelle de substitution qu’endosserait le chef à l’égard du jeune apprenti ne peut qu’être bénéfique pour son avenir.
Que répondez-vous à ceux qui défendent la légalisation du cannabis pour contrer le trafic ?
Ces gens n’ont vraiment pas compris les enjeux. Les trafiquants de drogue se comportent en vrais businessmen. Ils sont d’ores et déjà en train d’anticiper la menace que constitue, pour eux, la légalisation du cannabis. Ils ouvrent de nouveaux marchés. On constate une explosion du trafic de cocaïne à Marseille.
De plus, si on légifère sur la légalisation du cannabis, les pouvoirs publics mettront logiquement en place un niveau de tétrahydrocannabinol (THC) standard. Celui-ci ne sera pas assez puissant pour certains consommateurs, qui iront s’approvisionner dans la contrebande. Il existe déjà plusieurs types de cannabis. Dire que la légalisation signifierait la fin du trafic, c’est l’erreur classique des personnes qui regardent la cité d’un œil extérieur. J’ai récemment signalé au préfet, par un courrier, la recrudescence de bagarres à coups de couteau et de sabre au marché aux puces de Marseille. Il s’agit de trafics de cigarettes de contrebande. Ces trafiquants se battent pour des territoires.
Il y a quelques mois, vous avez demandé le renfort de l’armée, vous étiez sérieuse ?
Bien sûr que j’étais sérieuse : on m’avait refusé des renforts policiers sur mon secteur et j’ai estimé qu’il était possible de faire venir des militaires pour dissuader les clients de se réapprovisionner en drogue dans les cités. On m’a longtemps dit que les règlements de comptes se produisaient entre personnes du milieu crapuleux et qu’il fallait les laisser s’entretuer. Je refuse cette fatalité, d’autant que les victimes de ces fusillades ne sont pas que des trafiquants. Et parler de «règlements de comptes» constitue une faute grave, je condamne ce glissement sémantique et moral véhiculé par ceux qui ne connaissent pas la vie des gens de ces quartiers. Lors de la fusillade de Bassens, au début du mois [qualifiée d’«Everest de la folie meurtrière» par le procureur], un jeune de 21 ans, inconnu des services de police, a été assassiné. Et il faut avoir en tête qu’en plus des blessés physiques, il y a les blessés psychiques. Eux aussi porteront toute leur vie les stigmates de ces assassinats et de cette surenchère de violence.