Marseille : le cannabis, culture de salon

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Marseille : le cannabis, culture de salon

Messagepar jack1 » 08 Juil 2014, 15:05

Source: laprovence.com http://www.laprovence.com/article/actua ... salon.html

12 % de l'herbe consommée en France y serait aussi produite. Reportage à Marseille chez les cultivateurs amateurs

C'est un petit monde, de son propre aveu, plein de "parano" mais de solidarité aussi : "Quand je pars en vacances, explique Sylvain (1), je peux compter sur une ou deux personnes pour prendre soin de mes plantes." Les plantes de Sylvain poussent à l'abri d'une "box", pour l'oeil profane un genre de dressing - mais qui diable aurait besoin d'un système d'aération pour ses... vêtements ?- et, vous l'aurez compris, ne sont pas des géraniums.

À 22 ans, le jeune homme et sa compagne "agent à la Ville de Marseille" sont cannabiculteurs urbains depuis un peu plus d'un an. "Je ne voulais plus fumer la beuh (l'herbe) du quartier", explique-t-il. "Comme tout le monde", ce fumeur de cannabis se fournissait autrefois dans les cités, à la Castellane notamment.

Trop chère, d'une qualité incertaine d'un jour à l'autre, cette drogue-là a perdu ces dernières années des "clients" urbains, plutôt jeunes, parfois très bien insérés socialement. "La prise de conscience" que cette consommation alimente un "marché mafieux, capitaliste, avec tout ce que ça se représente" a fait son petit chemin parmi ces Marseillais. "Ils sont très, très nombreux à planter", confirme-t-on dans cette confrérie de jardiniers clandestins. Des clandestins qui sortent de l'ombre, ces derniers mois. "Des cannabistrots, pas des kalachnikovs" : tel était ainsi le slogan des militants du Circ (Collectif d'information et de recherche cannabique), relayé lors de l'Appel du 18 joint, il y a deux semaines à Marseille, par le "Marseille cannabis municipal club" (un regroupement de producteurs). Téméraires ou inconscients, ils sortent du bois pour fustiger "la répression" française en matière de stupéfiants, qui assimile les cultivateurs comme Sylvain à des "criminels".

Le créneau du cannabis thérapeutique

David, paysagiste de 26 ans, en sait quelque chose : à l'automne, il comparaîtra à Marseille pour détention de stupéfiants. Gros fumeur (6 à 8 joints par jour), il avait fait ses comptes : "Avec ma copine, on fumait pour 600 € par mois. J'ai préféré louer un studio 450 € juste pour faire pousser : nous on habitait ailleurs. On s'y est vite retrouvés financièrement", explique-t-il. "Passionné" de plante (l'envie d'être paysagiste, ça m'est venu grâce au cannabis, en fait", glisse-t-il, malicieux). David en a "marre" d'être contraint à la clandestinité. "Je ne vends pas, fumer me calme, oui j'en ai besoin : mais je ne fais de mal à personne", estime-t-il.

Alors que la "fumette" a depuis longtemps gagné toutes les strates de la société, des garçons comme Sébastien et Anthony se positionnent eux sur un autre créneau : celui du cannabis thérapeutique. À Marseille, cet ingénieur agronome et cet ancien étudiant en école de commerce ont créé "discrètement" voici trois ans une start-up pleine d'ambition, "prête à lever des fonds pour se développer plus largement". Très actifs au sein de l'Union pour l'utilisation des cannabinoïdes en France dans la médecine, ils ont créé un kit d'analyse du cannabis -"un produit aux 400 molécules"- qui se vend "en Europe, aux États-Unis ou au Japon", à de très sérieuses institutions gouvernementales, aux coffee shops, etc. "On a un site qui ne communique qu'en anglais, avoue Anthony, directeur très gendre idéal de cette société. Pas tant par peur de la police, même si nous sommes toujours sur le fil, l'interprétation de la loi, mais plutôt par peur des réseaux. Onn'a pas du tout envie qu'ils nous voient comme venant marcher sur leurs plates-bandes..."

Sébastien, titulaire d'un master en sciences des plantes, a travaillé aux Pays-Bas avec Bedrocam, le seul fournisseur légal de cannabis à usage thérapeutique. Pour lui, le chanvre a "largement fait la preuve de son efficacité, dans la prise en charge de troubles nerveux, de cancers, du sida", appuie-t-il, enthousiaste. Scientifique, il co-organise plusieurs conférences avec l'UFCM-I care à destination notamment des soignants. La prochaine aura lieu le 22 octobre à la faculté de médecine de Strasbourg, en présence de médecins experts israéliens, canadiens et espagnols.

En France, au mois de janvier dernier, la première utilisation médicale du cannabis a été autorisée (lire ci-dessous), un espoir pour Anthony et Sébastien. "Notre pays est très en retard sur le suivi de la prise de cannabis thérapeutique ; les malades sont livrés à eux-mêmes, ils fument sans conseil, ni dosage adapté. Sans compter que certains patients vont devoir se fournir eux-mêmes dans les circuits mafieux." Certes, admet David, "le cannabis est bien une drogue, pas de souci. Mais comme l'alcool, les anxiolytiques... ll faut sortir de l'hypocrisie et avoir un débat sain et mesuré sur la question." Aux États-Unis, où 23 états l'autorisent, le marché du cannabis médical pèse plusieurs milliards de dollars. "Marseille a un rôle à jouer sur ce marché", rêve carrément Antony. Qui le rappelle : la Canebière ne vient-elle pas de l'occitan canebe, qui signifie... cannabis ? "Cette ville était un comptoir du chanvre pour la fabrication de cordages. Preuve que le cannabis, ce n'est pas juste de l'ivresse" glisse, narquois, Sébastien.

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.
Du chanvre contre les effets de la sclérose en plaques

Au début de l'année, la France a donné son feu vert à une première utilisation médicale du cannabis, en autorisant la mise sur le marché d'un spray à base d'extraits de chanvre, le Sativex. La France était l'un des derniers pays d'Europe où il n'était pas possible de le prescrire, en raison d'une législation interdisant l'usage de produits à base de cannabis.

En France, seul un dérivé synthétique du cannabis, le Marinol, pouvait jusqu'ici être prescrit dans le cadre strict d'une autorisation temporaire d'utilisation. Le Sativex, dont le principe actif est le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) a été autorisé par l'Agence nationale du médicament pour une mise sur le marché en 2015. Le traitement devra être proposé par un neurologue ou un médecin rééducateur hospitalier, aux malades souffrant d'une SEP à contractures sévères, résistantes aux autres traitements. L'ordonnance pourra en revanche être renouvelée par un généraliste, avec une durée de validité limitée à 28 jours. Son détournement à des fins récréatives semble limité.
80 000 à 200 000 cultivateurs-consommateurs

Policier marseillais, il est amené à "serrer" des consommateurs et dealers de cannabis. Mais il n'en est pas moins lui-même fumeur de joints "pour la détente", une fois son service terminé. "Je sais que ça parait inconciliable, souligne Jean (1). Mais en même temps le père de famille qui se déstresse en fumant, comme d'autres boivent un verre de rouge, à mes yeux, c'est pas un criminel."

À ceux de la loi, si et très clairement : l'usage illicite de stupéfiants, donc de cannabis, est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Pour détention de cannabis, les peines peuvent aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 7,5 M€ d'amende. La production, "quel que soit le volume" elle, peut être punie de 20 ans de réclusion criminelle, "même si le traitement judiciaire ne sera pas le même pour deux plants ou une ligne de 60 m", observe-t-on du côté de la préfecture de police. Même si le phénomène des fumeurs-producteurs est "difficilement quantifiable", parce qu'il "évolue dans un schéma confidentiel", les cannabiculteurs se font régulièrement prendre. Des saisies ont lieu en ville comme en zone rurale. Le cannabis est la première substance en cause dans les interpellations pour usage de stupéfiants : 122 439 interpellations en 2010 (soit une hausse de 65 % par rapport à l'année 2000 !) Depuis 2004, les saisies de résine de cannabis sont en baisse, à l'inverse de celles d'herbe. Les Français sont parmi les plus gros consommateurs de cannabis d'Europe (13,4 millions de personnes l'ont expérimenté au moins une fois, un million de façons régulières), le plus souvent dans un "cadre festif" (2). L'herbe est de plus en plus disponible (40 % de la consommation de cannabis s'effectue sous cette forme, et 12 % de cette herbe serait produite en France.

Cette culture d'herbe serait majoritairement le fait d'usagers cultivant pour eux-mêmes : leur nombre est estimé à 80 000 en 2010 (un chiffre sous-estimé, selon les consommateurs eux-mêmes, NDLR) ; en 2005, les données tablaient plutôt sur 200 000 producteurs-consommateurs. Le recours à la cannabiculture a des motifs économiques (économies) mais aussi d'échapper aux contacts avec les dealers et les services répressifs. Face à ces évolutions, des groupes criminels structurés se lancent aussi dans la production d'herbe à grande échelle.

(1) Le prénom a été changé. (2) Données statistiques : Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

Delphine Tanguy
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Re: Marseille : le cannabis, culture de salon

Messagepar Aimée 1441 » 18 Juin 2023, 16:17

Merci pour le partage. Étant paysagiste, je suppose que vous cultivez le cannabis de bonne qualité et respectueux des règles de sécurité et la réglementation environnementale. J'ai toujours été attiré par une formation d'architecte des espaces verts pour le fun.
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Re: Marseille : le cannabis, culture de salon

Messagepar pourpeter » 22 Juin 2023, 08:32

Très bon article.
J'ai récemment était contacté pour répondre à une enquête sur les psychotropes (enquête EROPP) censée être anonyme.
Ils m'ont demandé mon avis, mes habitudes sur plusieurs produits et si j'avais déjà cultivé du cannabis...
J'espère que notre gouvernement va ouvrir les yeux sur les habitudes de ces concitoyens pour pouvoir faire évoluer tout ça.
Ce n'est pas normal d'en être toujours là en 2023.
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