04.03.2013 - par Olivier F
Source : http://www.cannabis.info/FR/Bibliothequ ... VobGHH6Jd8
Les French breeders sortent de l'ombre
Après la mode et la musique, c’est maintenant dans le domaine du cannabis que l’on exporte la french touch. Les breeders français commencent maintenant à se faire connaitre en Europe, notamment en Espagne. Rencontre avec ces spécialistes du cannabis qui ont décidé de faire de leur passion un métier.
Des grappes de fleurs fraichement coupées.
Breeder : voilà un métier underground et méconnu mais dans le monde du cannabis, leur rôle est très important. Ce sont eux qui créent aujourd’hui la weed que nous allons fumer demain. Ils sont peu nombreux ici à l’exercer de façon professionnelle. Soft Secrets a rencontré quelques uns de ces breeders français.
Il y-a tout d’abord JB qui représente le team Fucking Crack, une équipe de sept breeders qui travaillent avec les banques de graines espagnoles Elite Seeds, Next Géneration Seeds et Reggae Seeds. Il y-a également le collectif French Touch Seeds, représenté ici par Vk.ibl, Botaquantik et Kasper, qui a créé récemment la première banque de graines française.
Nous avons rendez vous dans le jardin de JB. Nous sommes fin octobre et c’est aujourd’hui qu’il va couper ces derniers plants en extérieur. En arrivant, on remarque tout de suite deux superbes plants de Volcanic Haze cultivés en super cropping. Développée par JB, la Volcanic Haze est un croisement entre la Grape Fruit Haze et la Jagga, une haze suisse précoce.
Depuis 2004, ce breeder professionnel a créé ou développé plus de 40 variétés. Il y-a par exemple la Power Full qui est ce que l’on appelle un 3 way cross. C’est une technique qui consiste à polleniser une série de clones femelles avec deux males différents. Les trois variétés utilisées pour ce cross sont la Grape God (Next Generation Seeds), la Chem Dawg (Guana Clone) et la Cinderella 99. JB a aussi créé, entre autres, l’hybride F2 The Bridge (Grape God x Jagga). Citons également l’European Timewarp IBL, une séléction Inbred line.
Un milieu très fermé
Séance de manucure avec JB.
Beaucoup de gens aimeraient travailler dans le domaine du cannabis mais ne savent pas comment s’y prendre. Pour commencer, comme tout bon professionnel, il faut faire des études. JB a passé tout d’abord un bac Sciences et Technologies Agronomie et Environnement (STAE) suivi d’un BTS Gestion et Maitrise de l’Eau et a ensuite fait plusieurs stages dans des lycées horticoles. « Je voulais vraiment travailler dans le canna mais c’est un milieu très fermé. J’ai donc fait le maximum de coupes et de salons dans toute l’Europe pour me faire des contacts ». JB cultive depuis 17 ans. Il commence en 1995 et devient breeder professionnel en 2004. « Cette année là j’étais à la High Times cannabis cup en Hollande et j’ai fait la connaissance d’un des responsables d’Elite Seeds ». Le premier hybride qu’il a créé est le Blue Dynamite (Blueberry x Dynamite) qui est toujours au catalogue de Next Géneration Seeds Company.
Le breeder nous présente ses graines.
Quelles ont exactement les techniques de breeding employées par JB ? « Pour développer une variété, il faut à peu près deux ans de travail en intérieur ». Pour chaque croisement, le breeder doit cultiver au moins dix plantes. Chaque male pollenise une dizaine de clones femelles «Cela permet de déterminer les gênes récessifs et dominants. C’est un peu fastidieux mais c’est le seul moyen de faire du travail correct ». JB ne conserve pas de pollen. Il préfère que la pollenisation se fasse de manière naturelle ; « Le pollen a tendance à mal se conserver. Pour mes croisements, je préfère que l’on m’envoie un clone de male plutôt que du pollen. J’aime bien aussi cultiver quelques beaux males et je peux ainsi utiliser du pollen frais.».
Une fois le travail effectué, les nouvelles génétique développées par JB sont envoyées aux banques espagnoles sous forme de clones. JB ne travaille jamais sur des variétés féminisées. Il fournit aux banques des boutures destinées à produire des graines régulières. Ces graines seront ensuite féminisées avec du sulfate d’argent. La banque Elite Seeds confie ce travail à un laboratoire spécialisé. Le sulfate d'argent est un composé ionique de l'argent utilisé comme un substitut du nitrate d'argent non tâchant. C’est selon JB la meilleure méthode. « Je n’aime pas du tout la gibérelline » nous explique le spécialiste. La gibérelline est une substance naturelle très concentrée que l’on trouve en très petite quantité dans la plupart des plantes. Elle est cultivée sous forme de champignons dans des laboratoires pour être ensuite vendue notamment sous la forme d’acide gibbérellique (GA3). Certains breeders l’appliquent avec un coton directement sur les fleurs femelles ce qui a pour conséquence de rendre les plantes hermaphrodites. Très délicat à manier, certains cultivateurs utilisent également le produit pour faire gonfler leurs buds de façon démesurée. Présentée parfois comme un produit miracle, la gibérelline suscite depuis longtemps la polémique dans le monde du cannabis.
Un des nombreux prix reçus par JB.
Plutôt old-school, JB préfère cultiver en extérieur. En intérieur il ne fait que du bio en essayant d’utiliser le moins d’énergie possible. Il n’utilise pas certaines techniques modernes comme le CO² ou les auto-florissantes. « Faire du breeding ne demande pas forcément beaucoup d’espace. L’important est de se lancer. Plutôt que de faire toujours de la weed à fumer, il faut aussi cultiver des plantes à graines et ne pas avoir peur de garder quelques males ».
L’un des objectifs de JB est de se consacrer au développement de variétés pour l’extérieur souvent négligées par les breeders. Il a ainsi créé deux variétés, la First Lady et la Black Beauty adaptées à la culture en haute attitude.
Quelles sont concrètement les sources de revenu de cet expert cannabique ? « On ne devient pas millionnaire en faisant du breeding mais on peut réussir à en vivre ». Il y-a plusieurs façons de gagner de l’argent dans ce domaine. JB est tout d’abord rémunéré par les banques de graines qui lui demandent d’améliorer certaines variétés. Ensuite, il y-a de nombreux salons et cannabis cups en Espagne (Spannabis, Grow Med, Expo Grow…) auquel il participe de deux façons. Soit en étant membre du jury, soit en tenant les stands des semenciers sur lesquels il présente notamment les nouvelles variétés. Les banques espagnoles ayant beaucoup de clients français, il est toujours intéressant d’avoir un francophone dans son équipe. En complément, JB vend également directement ses graines sur Seed Bay (l’équivalent d’Ebay pour les graines).
La french touch
La Grape fruit Haze de Next generation seeds.
Dans le sud de la France, le collectif French Touch Seeds vient de lancer officiellement la première banque de graines françaises. Il existait déjà des banques tenues par des français comme Brain Dead Underground Seeds mais le collectif French Touch est bien le premier à se présenter comme une banque 100 % française. Vk.ibl nous raconte la genèse du projet « L'origine de French Touch remonte plusieurs années en arrière à la rencontre de deux breeders passionnés, l'un espagnol, Rau300 et l'autre français, Botaquantik De cette rencontre, est née l'idée qu'il existe des variétés landrace dans les îles françaises ainsi que des variétés cultivées depuis si longtemps en France qu'elles pouvaient être intéressantes et que nous recherchons depuis lors avec de beaux résultats ! ».
Quelques années plus tard, French Touch Seeds prenait forme avec comme base l'association Trioma en Espagne et intégrait deux nouveaux membres. Aujourd'hui, le collectif, via Trioma, amplifie ses collaborations avec l'appui d'un scientifique dans les domaines de la génétique, l'usage thérapeutique et la culture in vitro.
Le salon Expogrow, qui s’est déroulé à Irun en septembre dernier, a été la première exposition officielle de French Touch et une expérience plutôt positive pour l’équipe. « On est très heureux de la multitude d'encouragements et de contacts que nous avons eu là bas et on y retourne l'année prochaine ».
La Douce Nuit de French Touch Seeds.
La présentation des graines est assez originale. Après les avoir commandées chez un distributeur espagnol (French Touch a également son propre site) vous recevrez les graines soigneusement emballées dans un petit sac en toile de jute accompagné d’une notice comparable à celles que l’on trouve dans les boites de médicaments. Le sac est scellé par un cachet en cire de couleur différente en fonction de la variété.
Toutes les graines du catalogue sont féminisées. « Il nous faut penser au plus grand nombre, les féminisées ont connu leur boom rendant l'auto culture plus facile et accessible à tous ». Mais paradoxalement, le collectif prône le retour des graines régulières. « Nous avons l’intention d'offrir la possibilité de découvrir nos graines en régulières pour toute personne intéressée pour un projet personnel ou en quête d'une sélection de régulières. Un des mots clé de French Touch, c’est le partage ».
Le catalogue propose actuellement 6 variétés. Il y-a d’abord le Fil Rouge. A l’origine, il s’agit d’une variété antillaise qui doit son nom à ses pistils rouge sang. Après plusieurs échecs de culture par manque de lumière, les breeders on décidé de la croiser avec une Kush pour obtenir une plante plus facile à cultiver.
L’Irie, une édition limitée de Kasper.
La Sativa des Rois est issue d’une longue sélection d’AK 47. C’est une plante old-school à la saveur de skunk qui possède une forte teneur en THC
La Frencheese est issue d’un croisement entre une Super Skunk et une Master Kush. La cheese est une variété anglaise très connue que French Touch a repris. Ce sont des plantes très odorantes qui doivent être cultivées avec un bon système de filtration.
La Raide Dawg, est un hybride 50 % sativa / 50 % indica avec une floraison de 60 jours. C’est un croisement entre une plante venue d’ Amerique, la Chem Dawg et une afghane, la Deep Chunk.
Notons que c’est pour l’instant la seule variété disponible également en graines régulières.
La Douce Nuit est un croisement entre la Nothern Light et l’Indi Kush avec une floraison rapide (50 / 55 jours).
Pour finir, il y-a la seule plante auto-florissante du catalogue, la Guillotine, issue d’un croisement entre une Ruderalis et une NYC Diesel.
Maison chanvrière
La G13 Haze cultivée par Botaquantik.
Le travail de breeding est réparti entre les membres du collectif. « Tous ont un projet personnel mais chaque membre s'est spécialisé, Rau300 dans la féminisation, Botaquantik dans la conservation, Vk.ibl pour les autos et El Sueco pour la recherche ».
Passionné par toutes sortes de plantes, Botanquantik habite dans la Drôme, dans ce qu’il appelle une maison chanvrière. Il y conserve précieusement sous lampes près de 60 génétiques de type landrace.
« On peut conserver des plantes mères très longtemps.» nous explique t-il. «C’est étonnant mais j’ai déjà vu dans une ferme, une plante âgée de 25 ans ». Ce passionné a des correspondants dans le monde entier avec qui il échange régulièrement des boutures ou des graines.
C’est un véritable trésor botanique dans lequel on trouve par exemple plusieurs variétés de Zamal de l’ile de La Réunion comme la Mangue Carotte, la Mangue Poivrée ou la Qualité Une-Taffe, une herbe cultivée par les tisaneurs et les tisaneuses. Botanquantik possède aussi des génétiques originaires du Pérou (variétés de l’altiplano et de la forêt). Citons également celles de la région de Keralaises en Inde du sud. « Ce sont des génétiques assez rares car la plupart des breeders préfèrent celles de l’Inde du nord » nous précise Botaquantik. Le cultivateur a reçu récemment de la Kiki de Jamaique ainsi que deux souches différentes de la très rare Santa Maria, un weed légendaire, que l’ex rédacteur en chef de Highlife magazine, Bernt Gundersen distribuait à une époque uniquement sous forme de clones.
Proche également du collectif French Touch, le breeder Kasper est lui aussi passionné de cannabis depuis son plus jeune âge et tient actuellement un grow-shop dans le sud de la France. Il vient de sortir sous son nom, une variété de graines régulières, en édition limitée appelé Irie issue d’un croisement entre une Mexican Sativa et une Diesel.
Cette entrevue nous aura permis de rencontrer plusieurs experts cannabinologues. Malgré une législation défavorable, notre pays connait un véritable engouement pour la plante. On la cultive depuis plusieurs millénaires mais elle continuera encore longtemps de nous fasciner.