Campagne antidrogues du ministère : l'arroseur enfumé
Posté: 21 Jan 2013, 04:32
Par Arnaud Aubron | Rue89 | 21/10/2009
source : http://eco.rue89.com/droguesnews/2009/1 ... eur-enfume
Le nouveau spot de prévention a engendré malgré lui le plus vaste débat sur la dépénalisation depuis des années.
Les spécialistes appellent cela « l'effet boomerang ». Ou comment se prendre en pleine tronche et en quatre actes une somme toute anodine campagne antidrogues qui a relancé, via Daniel Vaillant, le débat endormi sur la légalisation de l'usage de cannabis.
1Ardisson provoque un faux départ
Tout commence le 5 octobre, lorsque la ministre de la Santé Roselyne Bachelot lance la campagne de prévention « Drogues : ne fermons pas les yeux ». Des clips télé, des spots radio et un site Web pour « rappeler la dangerosité des drogues ». Mais le spot télé utilise l'image de Thierry Ardisson avec ce commentaire : les drogues, « on en rigole même à la télé ». (Voir la vidéo)
Coup de fil de Rue89 à l'animateur qui ne connaissait pas le clip. « Choqué et abusé », il demande le retrait de son image. Le clip, diffusé le jour même à la télé, est immédiatement remonté. Voilà pour la forme.
2La colère des associations
Sur le fond cette fois, les associations antiprohibitionnistes ou de prévention voient rouge. L'Association française de réduction des risques condamne une campagne allant « à contre-courant » des évolutions internationales, « jetant l'opprobe » sur les consommateurs de drogues et « balayant dix années de maigres progrès ».
Elle déplore enfin que « les professionnels de l'usage de drogues et les organismes qui les représentent n'aient pas été associés en amont de cette campagne ni même informés de son lancement ».
« Après l'action, la régression », déplore de son côté Act-Up :
« Avec leur message sur la peur, les pouvoirs publics ne font que renforcer, voire aggraver, la stigmatisation à l'encontre des usager(e)s et nous renvoient vingt ans en arrière. »
Auto-support des usagers de drogues (Asud) et l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et en addictologie (Anitea) regrettent une campagne qui « décline sous un habillage moderne et plutôt réussi des idées toujours aussi anciennes et confuses sur la dangerosité des drogues ». Enfin le Circ dénonce la « diabolisation du cannabis ».
3Daniel Vaillant sort le PS de la léthargie
Le monde politique, qui évite pourtant soigneusement le sujet depuis quelques années, ne tarde pas à se réveiller. Le Parisien a ainsi l'idée d'aller demander ce qu'il pense de cette campagne à l'ex-ministre de l'Intérieur socialiste Daniel Vaillant. Qui réaffirme des propos déjà tenus en 2003 dans Libération :
« Ne faudrait-il pas prendre le pari de légaliser la consommation personnelle de cannabis à travers un contrôle de la production et de l'importation, comme c'est le cas avec l'alcool ? »
Un net progrès (ou recul, c'est selon) par rapport aux positions du parti. Sur Rue89, Najat Belkacem, responsable des questions de société, lui emboîte le pas :
« Quand un jeune sur deux fume du cannabis, on peut dire que ça ne va pas. Réglementer sa production, sa vente et sa consommation permettrait sans doute de contrôler un peu mieux la situation. »
Assouline, Lebranchu et Sapin se disent plutôt pour. Bianco et Valls sont contre. L'UMP est contraint à s'exprimer, par la voix d'Eric Ciotti, secrétaire national à la sécurité :
» [L'UMP est] fermement opposée à toute tentative de légalisation du cannabis ou des drogues dites douces qui conduisent inexorablement à l'usage de drogues de type cocaïne ou ecstasy. »
A l'Assemblée, nos confrères de SouyouTV sont allés demander aux députés s'ils envisageaient de fumer un pétard si le cannabis était légalisé. Réponse négative, mais aucun ne s'appuie sur l'interdit pour justifier le fait qu'il ne fume actuellement pas. (Voir la vidéo)
4
Un effet plus que douteux sur les jeunes
Bref, alors que la question semblait tranchée depuis la fin du gouvernement Jospin -qui avait opéré de timides avancées en la matière-, le débat repart et se retrouve sur tous les médias, télé comprise. Pour quel effet ?
C'est là qu'intervient le fameux « effet boomerang ». Selon plusieurs études américaines, non seulement les campagnes télé alarmistes du gouvernement fédéral n'incitent pas les jeunes à arrêter de consommer de la marijuana, mais elles peuvent même les y inciter !
Des chercheurs de l'université San Marcos, au Texas, ont ainsi étudié plus de 200 adolescents confrontés à ces spots. Pour eux :
« L'exposition à des publicités anticannabis peut non seulement changer positivement la manière dont les téléspectateurs voient la substance, mais peut aussi accroitre directement le risque d'utilisation de cannabis. »
Les raisons en seraient que l'exagération excessive heurterait le bon sens des jeunes qui connaissent les effets de la substance et provoquerait un sentiment de rejet capable de les pousser à passer à l'acte. Un comportement qui n'a pas été relevé pour les publicités antitabac.
Une étude que n'avaient sûrement pas lu les promoteurs de la campagne française
source : http://eco.rue89.com/droguesnews/2009/1 ... eur-enfume
Le nouveau spot de prévention a engendré malgré lui le plus vaste débat sur la dépénalisation depuis des années.
Les spécialistes appellent cela « l'effet boomerang ». Ou comment se prendre en pleine tronche et en quatre actes une somme toute anodine campagne antidrogues qui a relancé, via Daniel Vaillant, le débat endormi sur la légalisation de l'usage de cannabis.
1Ardisson provoque un faux départ
Tout commence le 5 octobre, lorsque la ministre de la Santé Roselyne Bachelot lance la campagne de prévention « Drogues : ne fermons pas les yeux ». Des clips télé, des spots radio et un site Web pour « rappeler la dangerosité des drogues ». Mais le spot télé utilise l'image de Thierry Ardisson avec ce commentaire : les drogues, « on en rigole même à la télé ». (Voir la vidéo)
Coup de fil de Rue89 à l'animateur qui ne connaissait pas le clip. « Choqué et abusé », il demande le retrait de son image. Le clip, diffusé le jour même à la télé, est immédiatement remonté. Voilà pour la forme.
2La colère des associations
Sur le fond cette fois, les associations antiprohibitionnistes ou de prévention voient rouge. L'Association française de réduction des risques condamne une campagne allant « à contre-courant » des évolutions internationales, « jetant l'opprobe » sur les consommateurs de drogues et « balayant dix années de maigres progrès ».
Elle déplore enfin que « les professionnels de l'usage de drogues et les organismes qui les représentent n'aient pas été associés en amont de cette campagne ni même informés de son lancement ».
« Après l'action, la régression », déplore de son côté Act-Up :
« Avec leur message sur la peur, les pouvoirs publics ne font que renforcer, voire aggraver, la stigmatisation à l'encontre des usager(e)s et nous renvoient vingt ans en arrière. »
Auto-support des usagers de drogues (Asud) et l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et en addictologie (Anitea) regrettent une campagne qui « décline sous un habillage moderne et plutôt réussi des idées toujours aussi anciennes et confuses sur la dangerosité des drogues ». Enfin le Circ dénonce la « diabolisation du cannabis ».
3Daniel Vaillant sort le PS de la léthargie
Le monde politique, qui évite pourtant soigneusement le sujet depuis quelques années, ne tarde pas à se réveiller. Le Parisien a ainsi l'idée d'aller demander ce qu'il pense de cette campagne à l'ex-ministre de l'Intérieur socialiste Daniel Vaillant. Qui réaffirme des propos déjà tenus en 2003 dans Libération :
« Ne faudrait-il pas prendre le pari de légaliser la consommation personnelle de cannabis à travers un contrôle de la production et de l'importation, comme c'est le cas avec l'alcool ? »
Un net progrès (ou recul, c'est selon) par rapport aux positions du parti. Sur Rue89, Najat Belkacem, responsable des questions de société, lui emboîte le pas :
« Quand un jeune sur deux fume du cannabis, on peut dire que ça ne va pas. Réglementer sa production, sa vente et sa consommation permettrait sans doute de contrôler un peu mieux la situation. »
Assouline, Lebranchu et Sapin se disent plutôt pour. Bianco et Valls sont contre. L'UMP est contraint à s'exprimer, par la voix d'Eric Ciotti, secrétaire national à la sécurité :
» [L'UMP est] fermement opposée à toute tentative de légalisation du cannabis ou des drogues dites douces qui conduisent inexorablement à l'usage de drogues de type cocaïne ou ecstasy. »
A l'Assemblée, nos confrères de SouyouTV sont allés demander aux députés s'ils envisageaient de fumer un pétard si le cannabis était légalisé. Réponse négative, mais aucun ne s'appuie sur l'interdit pour justifier le fait qu'il ne fume actuellement pas. (Voir la vidéo)
4
Un effet plus que douteux sur les jeunes
Bref, alors que la question semblait tranchée depuis la fin du gouvernement Jospin -qui avait opéré de timides avancées en la matière-, le débat repart et se retrouve sur tous les médias, télé comprise. Pour quel effet ?
C'est là qu'intervient le fameux « effet boomerang ». Selon plusieurs études américaines, non seulement les campagnes télé alarmistes du gouvernement fédéral n'incitent pas les jeunes à arrêter de consommer de la marijuana, mais elles peuvent même les y inciter !
Des chercheurs de l'université San Marcos, au Texas, ont ainsi étudié plus de 200 adolescents confrontés à ces spots. Pour eux :
« L'exposition à des publicités anticannabis peut non seulement changer positivement la manière dont les téléspectateurs voient la substance, mais peut aussi accroitre directement le risque d'utilisation de cannabis. »
Les raisons en seraient que l'exagération excessive heurterait le bon sens des jeunes qui connaissent les effets de la substance et provoquerait un sentiment de rejet capable de les pousser à passer à l'acte. Un comportement qui n'a pas été relevé pour les publicités antitabac.
Une étude que n'avaient sûrement pas lu les promoteurs de la campagne française