Legalisation-le-debat-impossible
Posté: 21 Jan 2013, 04:29
Source : http://www.fluctuat.net/6779-Legalisati ... impossible
Par pragmatisme économique, plusieurs états américains au bord de la faillite étudient sérieusement la possibilité de légaliser la vente de cannabis et en tirer profit. Et en France ? Rien. Autrefois marronnier du débat progressiste, la question de la légalisation semble totalement anesthésiée. Flu a tenté de comprendre pourquoi nous en sommes toujours là.
Qu'en pensez-vous ?
- Pour ou contre une légalisation du cannabis en France ?
- Quel fumeur de cannabis êtes-vous ?
Souvenez-vous. Nous sommes dans les années 1990. Des artistes reggae comme Sinsemilia et Raggasonic chantent la légalisation. Les partis politiques de gauche font de la dépénalisation un argument de campagne. Radio, presse, télé, tous les médias relayent le débat. Partout, la loi de 1970 est fustigée pour son aspect répressif et son inefficacité. Et puis ? Plus rien.
Etouffée une première fois par la victoire de Chirac en 1995, annihilée par la présence de Le Pen au second tour de 2002, définitivement enterrée par la politique sécuritaire de Sarkozy, la question du cannabis n'a aujourd'hui plus droit de citer en France. Face à l'échec des politiques de répressions et en cette période de crise, les arguments économiques en faveur de la légalisation mériteraient pourtant d'être discutés.
Le malaise de l'opposition
Avec son printemps des libertés au Zénith de Paris (au succès plus que mitigé) et la sortie d’un livre noir intitulé "La France en liberté surveillée", le Parti Socialiste a pris le pli de la dénonciation du régime liberticide de Nicolas Sarkozy. Dans cette ambiance presque soixante-huitarde, ses membres n’ont curieusement pas bougé d’un pouce lorsque le député américain Tom Ammiano a proposé au Parlement de Californie de légaliser le cannabis pour renflouer les caisses exsangues de l’Etat.
"Non mais c'est une blague ?" (un membre de l'équipe de Benoit Hamon)
Flu s’est tourné vers les membres du parti pour connaître leur sentiment vis-à-vis de ce projet osé. "Non mais sérieusement, c’est une blague ?", a réagi l’équipe de Benoît Hamon. Aux oreilles de l’attachée de presse du porte-parole du PS, tout cela sonne comme un canular téléphonique : "Si ce n’est pas une blague, c’est un manque de respect pour les Français qui sont touchés par la crise. On pourrait parler stock-options, bouclier fiscal, mais pas de cannabis…" Pas la peine de lui rappeler que le parti s’était engagé lors de la campagne présidentielle a ouvrir un débat public sur la question. La ligne est déjà coupée.
La porte-parole de Ségolène Royal, Najat Belkacem, a elle promis de nous répondre sur le sujet par un mail… que l’on attend toujours. Même silence gênant du côté de Michel Sapin, le secrétaire du parti aux affaires économiques: "Je le connais, il ne répondra pas", nous a-t-on confié par téléphone.
Que ce soit par manque de "compétence" sur le sujet, ou tout simplement d’imagination, le silence de l’opposition en dit long. Mickaël Marie, secrétaire national adjoint du parti des Verts, résume bien le problème : "On est déjà peu crédibles alors si on relance le sujet de la légalisation..." Dans un communiqué publié en mars 2009 et intitulé "Drogues : Halte à l'hypocrisie !", le mouvement écologiste reprenait pourtant un rapport de la Commission Européenne démontrant que la lutte anti-drogue avait surtout "renforcer la corruption et la grande criminalité".
Le tournant hygiéniste des Verts
Parler de cannabis à l’Assemblée tiendrait donc de l’ineptie. En ces temps de crise, les députés s’attellent à des sujets plus sérieux. Les Verts ont toujours été favorables à la dépénalisation ou la légalisation du cannabis : "La légalisation contrôlée vaut mieux que la prohibition", précise Marie. Mais, pour lui, relancer le débat est peine perdue, même en jouant sur le terrain de la fiscalité : "Il y a déjà des combats fiscaux en cours : le bouclier fiscal, la taxe professionnelle. Ce serait jouer le jeu de Nicolas Sarkozy que de passer d’un sujet à l’autre. Ça laisserait les dossiers précédents en suspend".
Fini le temps où les Verts faisaient appel au CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabique) pour se charger de la "partie cannabis" de leur programme pour la présidentielle. "Ils ont pris le tournant hygiéniste", regrettait il y a quelques mois Jean-Pierre Galland, le directeur du CIRC. "En fait, nous ne comptons plus que la LCR (aujourd’hui NPA, NDLR), parmi nos soutiens affichés : Besancenot a un discours intelligent et sincère sur le cannabis."
La légalisation à l'épreuve de l'économie ?
Que pensent les experts économiques de la réticence des politiques à se pencher sur la question. Pour Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives Economiques, leur mutisme est légitime : "Si vous trouver quelqu’un qui vous livre les chiffres sur l’hypothétique rentabilité pour l’Etat d’une taxe sur le cannabis, c’est un menteur".
La chercheuse Sophie Massin, auteur de "La dépénalisation du cannabis, analyse économique" (éditions l’Harmattan), nuance : "Si on était sûr que le niveau de consommation ne changeait pas, il y aurait clairement un gain pour l’Etat à légaliser parce qu’il n’y aurait plus ni coût de répression, ni d’emprisonnement. Et aussi avec tous les revenus des taxes qui viendraient dans ses caisses."
Aux Pays-Bas, précise Sophie Massin, le niveau de consommation est resté stable avec le régime de légalisation. En France, au contraire, la consommation a explosé sous un régime de prohibition (les Français sont les premiers consommateurs en Europe).
"La moins mauvaise des solutions"
Si les gouvernements se refusent à chiffrer le rapport coûts-bénéfices de la légalisation du cannabis, comme pour n’importe quelle réforme économique, les quelques études existantes montrent en effet que son impact financier serait non-négligeable. Jeffrey Miron, professeur d’économie à Harvard, estimait ainsi dans des travaux publiés en 2005 que la légalisation pourrait rapporter entre 10 et 14 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Le très sérieux hebdomadaire anglais The Economist reconnaissait lui que "la légalisation était la moins mauvaise des solutions" face à l'échec de la prohibition, dans un article paru le 5 mars 2009.
Les Américains sont-ils utopistes ou pragmatiques ?
D’un point de vue strictement économique, la légalisation ne serait donc pas totalement farfelu. A condition de faire passer le pragmatisme devant les considérations idéologiques, comme savent le faire les Américains qui ont relancé le débat de la légalisation à la faveur de la crise.
Les estimations de l'Organisation Nationale pour la Réforme des Lois sur la Marijuana (NORML) ont été prises au sérieux par plusieurs Etats. Le démocrate Tom Ammiano en a conclu que la Californie pourrait tirer un bénéfice de 14 milliards de dollars par an en taxant la production d’herbe locale légalisée. Et encore, selon le directeur de la NORML, Allen St Pierre, le député s’est limité aux hypothèses basses (lui parle de 20 milliards). Pas de quoi convaincre nos responsables français. Pour Mickaël Marie, cette proposition tient du marketing politique : "la Californie connaît un tel déficit qu’ils cherchent de l’argent partout. C’est un coup de pub et il savait que ça ferait du bruit".
Ce que ne peut pas se permettre Obama
L’Etat du Texas, pourtant ultra-conservateur, a aussi fait appel aux estimations de l’organisation. Un changement d'approche qui coïncide avec le glissement de l'opinion. 44% des Américains seraient aujourd'hui favorables à une légalisation du cannabis.
Le cannabis a même été un des sujets les plus populaires lors du grand chat organisé par Barack Obama sur le site internet de la Maison Blanche. Le président a considéré que légaliser l’herbe ne serait pas "une bonne stratégie pour faire croître notre économie". Là encore, aucune étude ne venait étayer ce refus de principe. Se prononcer en faveur de la légalisation était tout simplement impensable en terme d'image pour Obama. D'autant qu'il avait été attaqué sur ce terrain par les médias conservateurs lors de la campagne présidentielle.
Un tabou est-il juridique, culturel… ou intéressé ?
Malgré l'exemple américain, la France ne semble donc pas prête à remettre sur la table le débat du cannabis. Un blocage qui s'explique notamment par la loi, selon Sabine Herold, chef de file d’Alternative Libérale : "C’est un sujet tabou depuis la loi de 1970 qui interdit de présenter sous un jour favorable les drogues. Les tenants de la dépénalisation ou de la légalisation se trouvent très vite sous le coup de la loi s’ils défendent leur thèse". Un débat organisé par le CIRC en présence de député verts et radicaux avait ainsi été annulé par le préfet de police de Paris en 1995.
Plus grave encore, estime Hérold, le débat est idéologiquement trop marqué pour en tirer une analyse économique à froid : "On vit dans une société de la peur où il faut que l’Etat, avec Roselyne Bachelot en père fouettard, vienne nous dire ce qui est bon pour nous et nous interdise tout un tas de choses. Du téléchargement sur Internet à la consommation d’alcool et de tabac, nous ne sommes pas considérés comme des adultes responsables.".
Reconsidérer la question du cannabis ne serait pourtant pas du luxe à l'heure où la Commission Européenne reconnait l’échec des politiques anti-drogue menées depuis 10 ans . Au cours de cette période marquée par la répression, le marché noir a fleuri, tandis que le prix et la qualité du cannabis ont baissé.
"Le cannabis étant interdit, ceux qui veulent s’en procurer nourrissent des filières mafieuses en banlieue qui prospèrent sur la prohibition", regrette Sabine Hérold. "Si demain on pouvait vendre légalement du cannabis dans les pharmacies ou dans les bureaux de tabac, du jour au lendemain, le marché parallèle s’effondrerait."
En France, les intérêts des viticulteurs peuvent passer devant les objectifs de santé publique. Pas ceux des fumeurs de joints. Pour ces derniers, l'espoir d'un débat public sérieux sur les avantages économiques de la légalisation ou de la dépénalisation est parti en fumée.
Emmanuel Haddad (avec Edouard Orozco)
Par pragmatisme économique, plusieurs états américains au bord de la faillite étudient sérieusement la possibilité de légaliser la vente de cannabis et en tirer profit. Et en France ? Rien. Autrefois marronnier du débat progressiste, la question de la légalisation semble totalement anesthésiée. Flu a tenté de comprendre pourquoi nous en sommes toujours là.
Qu'en pensez-vous ?
- Pour ou contre une légalisation du cannabis en France ?
- Quel fumeur de cannabis êtes-vous ?
Souvenez-vous. Nous sommes dans les années 1990. Des artistes reggae comme Sinsemilia et Raggasonic chantent la légalisation. Les partis politiques de gauche font de la dépénalisation un argument de campagne. Radio, presse, télé, tous les médias relayent le débat. Partout, la loi de 1970 est fustigée pour son aspect répressif et son inefficacité. Et puis ? Plus rien.
Etouffée une première fois par la victoire de Chirac en 1995, annihilée par la présence de Le Pen au second tour de 2002, définitivement enterrée par la politique sécuritaire de Sarkozy, la question du cannabis n'a aujourd'hui plus droit de citer en France. Face à l'échec des politiques de répressions et en cette période de crise, les arguments économiques en faveur de la légalisation mériteraient pourtant d'être discutés.
Le malaise de l'opposition
Avec son printemps des libertés au Zénith de Paris (au succès plus que mitigé) et la sortie d’un livre noir intitulé "La France en liberté surveillée", le Parti Socialiste a pris le pli de la dénonciation du régime liberticide de Nicolas Sarkozy. Dans cette ambiance presque soixante-huitarde, ses membres n’ont curieusement pas bougé d’un pouce lorsque le député américain Tom Ammiano a proposé au Parlement de Californie de légaliser le cannabis pour renflouer les caisses exsangues de l’Etat.
"Non mais c'est une blague ?" (un membre de l'équipe de Benoit Hamon)
Flu s’est tourné vers les membres du parti pour connaître leur sentiment vis-à-vis de ce projet osé. "Non mais sérieusement, c’est une blague ?", a réagi l’équipe de Benoît Hamon. Aux oreilles de l’attachée de presse du porte-parole du PS, tout cela sonne comme un canular téléphonique : "Si ce n’est pas une blague, c’est un manque de respect pour les Français qui sont touchés par la crise. On pourrait parler stock-options, bouclier fiscal, mais pas de cannabis…" Pas la peine de lui rappeler que le parti s’était engagé lors de la campagne présidentielle a ouvrir un débat public sur la question. La ligne est déjà coupée.
La porte-parole de Ségolène Royal, Najat Belkacem, a elle promis de nous répondre sur le sujet par un mail… que l’on attend toujours. Même silence gênant du côté de Michel Sapin, le secrétaire du parti aux affaires économiques: "Je le connais, il ne répondra pas", nous a-t-on confié par téléphone.
Que ce soit par manque de "compétence" sur le sujet, ou tout simplement d’imagination, le silence de l’opposition en dit long. Mickaël Marie, secrétaire national adjoint du parti des Verts, résume bien le problème : "On est déjà peu crédibles alors si on relance le sujet de la légalisation..." Dans un communiqué publié en mars 2009 et intitulé "Drogues : Halte à l'hypocrisie !", le mouvement écologiste reprenait pourtant un rapport de la Commission Européenne démontrant que la lutte anti-drogue avait surtout "renforcer la corruption et la grande criminalité".
Le tournant hygiéniste des Verts
Parler de cannabis à l’Assemblée tiendrait donc de l’ineptie. En ces temps de crise, les députés s’attellent à des sujets plus sérieux. Les Verts ont toujours été favorables à la dépénalisation ou la légalisation du cannabis : "La légalisation contrôlée vaut mieux que la prohibition", précise Marie. Mais, pour lui, relancer le débat est peine perdue, même en jouant sur le terrain de la fiscalité : "Il y a déjà des combats fiscaux en cours : le bouclier fiscal, la taxe professionnelle. Ce serait jouer le jeu de Nicolas Sarkozy que de passer d’un sujet à l’autre. Ça laisserait les dossiers précédents en suspend".
Fini le temps où les Verts faisaient appel au CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabique) pour se charger de la "partie cannabis" de leur programme pour la présidentielle. "Ils ont pris le tournant hygiéniste", regrettait il y a quelques mois Jean-Pierre Galland, le directeur du CIRC. "En fait, nous ne comptons plus que la LCR (aujourd’hui NPA, NDLR), parmi nos soutiens affichés : Besancenot a un discours intelligent et sincère sur le cannabis."
La légalisation à l'épreuve de l'économie ?
Que pensent les experts économiques de la réticence des politiques à se pencher sur la question. Pour Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives Economiques, leur mutisme est légitime : "Si vous trouver quelqu’un qui vous livre les chiffres sur l’hypothétique rentabilité pour l’Etat d’une taxe sur le cannabis, c’est un menteur".
La chercheuse Sophie Massin, auteur de "La dépénalisation du cannabis, analyse économique" (éditions l’Harmattan), nuance : "Si on était sûr que le niveau de consommation ne changeait pas, il y aurait clairement un gain pour l’Etat à légaliser parce qu’il n’y aurait plus ni coût de répression, ni d’emprisonnement. Et aussi avec tous les revenus des taxes qui viendraient dans ses caisses."
Aux Pays-Bas, précise Sophie Massin, le niveau de consommation est resté stable avec le régime de légalisation. En France, au contraire, la consommation a explosé sous un régime de prohibition (les Français sont les premiers consommateurs en Europe).
"La moins mauvaise des solutions"
Si les gouvernements se refusent à chiffrer le rapport coûts-bénéfices de la légalisation du cannabis, comme pour n’importe quelle réforme économique, les quelques études existantes montrent en effet que son impact financier serait non-négligeable. Jeffrey Miron, professeur d’économie à Harvard, estimait ainsi dans des travaux publiés en 2005 que la légalisation pourrait rapporter entre 10 et 14 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Le très sérieux hebdomadaire anglais The Economist reconnaissait lui que "la légalisation était la moins mauvaise des solutions" face à l'échec de la prohibition, dans un article paru le 5 mars 2009.
Les Américains sont-ils utopistes ou pragmatiques ?
D’un point de vue strictement économique, la légalisation ne serait donc pas totalement farfelu. A condition de faire passer le pragmatisme devant les considérations idéologiques, comme savent le faire les Américains qui ont relancé le débat de la légalisation à la faveur de la crise.
Les estimations de l'Organisation Nationale pour la Réforme des Lois sur la Marijuana (NORML) ont été prises au sérieux par plusieurs Etats. Le démocrate Tom Ammiano en a conclu que la Californie pourrait tirer un bénéfice de 14 milliards de dollars par an en taxant la production d’herbe locale légalisée. Et encore, selon le directeur de la NORML, Allen St Pierre, le député s’est limité aux hypothèses basses (lui parle de 20 milliards). Pas de quoi convaincre nos responsables français. Pour Mickaël Marie, cette proposition tient du marketing politique : "la Californie connaît un tel déficit qu’ils cherchent de l’argent partout. C’est un coup de pub et il savait que ça ferait du bruit".
Ce que ne peut pas se permettre Obama
L’Etat du Texas, pourtant ultra-conservateur, a aussi fait appel aux estimations de l’organisation. Un changement d'approche qui coïncide avec le glissement de l'opinion. 44% des Américains seraient aujourd'hui favorables à une légalisation du cannabis.
Le cannabis a même été un des sujets les plus populaires lors du grand chat organisé par Barack Obama sur le site internet de la Maison Blanche. Le président a considéré que légaliser l’herbe ne serait pas "une bonne stratégie pour faire croître notre économie". Là encore, aucune étude ne venait étayer ce refus de principe. Se prononcer en faveur de la légalisation était tout simplement impensable en terme d'image pour Obama. D'autant qu'il avait été attaqué sur ce terrain par les médias conservateurs lors de la campagne présidentielle.
Un tabou est-il juridique, culturel… ou intéressé ?
Malgré l'exemple américain, la France ne semble donc pas prête à remettre sur la table le débat du cannabis. Un blocage qui s'explique notamment par la loi, selon Sabine Herold, chef de file d’Alternative Libérale : "C’est un sujet tabou depuis la loi de 1970 qui interdit de présenter sous un jour favorable les drogues. Les tenants de la dépénalisation ou de la légalisation se trouvent très vite sous le coup de la loi s’ils défendent leur thèse". Un débat organisé par le CIRC en présence de député verts et radicaux avait ainsi été annulé par le préfet de police de Paris en 1995.
Plus grave encore, estime Hérold, le débat est idéologiquement trop marqué pour en tirer une analyse économique à froid : "On vit dans une société de la peur où il faut que l’Etat, avec Roselyne Bachelot en père fouettard, vienne nous dire ce qui est bon pour nous et nous interdise tout un tas de choses. Du téléchargement sur Internet à la consommation d’alcool et de tabac, nous ne sommes pas considérés comme des adultes responsables.".
Reconsidérer la question du cannabis ne serait pourtant pas du luxe à l'heure où la Commission Européenne reconnait l’échec des politiques anti-drogue menées depuis 10 ans . Au cours de cette période marquée par la répression, le marché noir a fleuri, tandis que le prix et la qualité du cannabis ont baissé.
"Le cannabis étant interdit, ceux qui veulent s’en procurer nourrissent des filières mafieuses en banlieue qui prospèrent sur la prohibition", regrette Sabine Hérold. "Si demain on pouvait vendre légalement du cannabis dans les pharmacies ou dans les bureaux de tabac, du jour au lendemain, le marché parallèle s’effondrerait."
En France, les intérêts des viticulteurs peuvent passer devant les objectifs de santé publique. Pas ceux des fumeurs de joints. Pour ces derniers, l'espoir d'un débat public sérieux sur les avantages économiques de la légalisation ou de la dépénalisation est parti en fumée.
Emmanuel Haddad (avec Edouard Orozco)