Cannabis: la prohibition, terreau fertile de l'autoproductio
Posté: 21 Jan 2013, 04:22
Les organisations gouvernementales l'appellent "auto-culture", les associations emploient le mot "autoproduction" en un seul mot ou avec un tiret, généralement suivi de: "pour son usage personnel" ou "à des fins domestiques", expressions un tantinet redondantes.
De quoi s'agit-il? De désigner ceux qui, dans leurs jardins, sur leurs balcons ou dans un placard, cultivent du cannabis. Les plus distingués suspendront leurs plantes têtes en bas dans un endroit sombre et ventilé. Quand les fleurs seront sèches, ils les mettront de côté et les raseront coupant toutes les feuilles qui dépassent. Des feuilles qu'ils récupéreront avant de les passer au Pollinator ou à l'IceOlator, des machines à fabriquer la résine de cannabis.
Cultiver du chanvre pour s'aérer la tête -pas pour fabriquer de la corde- ne date pas d'hier. D'avant-hier quand les routards rapportaient dans leurs bagages des graines afghanes ou indiennes qu'ils semaient dans les vallons à l'abri des regards indiscrets. Une activité marginale jusqu'à la diffusion en 1982, juste après une allocution de François Mitterrand, d'un reportage "Hasch à la ferme". Deux cultivateurs masqués nous invitaient à visiter leur plantation et nous expliquaient que leurs herbes folles n'étaient pas aussi diaboliques que le prétendait le professeur Gabriel Nahas, surnommé par ses détracteurs le docteur Folamour du cannabis. Quelques mois plus tard, nos deux compères se dévoileront créant le collectif "Fumée douce".
En ce temps-là, cultiver du cannabis était une activité de plein air pratiquée au sud de la Loire, dans des régions riches en néo-ruraux (le Lubéron, l'Ardèche, l'Aveyron, les Cévennes…). Courrait même la rumeur qu'en Ariège, on remplaçait les gendarmes tous les trois ans de crainte qu'ils goûtent au fruit défendu et apprécient ses effets.
Quels que soient les gouvernements, la politique privilégie la répression au détriment de la prévention
Les amateurs de cannabis se multiplient. Les partisans de la prohibition regrettent sa banalisation et les partisans de la tolérance vantent son intégration. Quels que soient les gouvernements, la politique privilégie la répression au détriment de la prévention. Les amateurs de petite fumée, las d'être montré du doigt et d'être utilisés à des fins électorales, las d'être considérés comme des délinquants et de risquer la prison à tous les coins de rue, se rebellent et fondent une association en 1991.
Le Collectif d'information et de recherche cannabique (Circ) -c'est son nom- débroussaille le terrain des certitudes idéologiques car à l'époque, la théorie de l'escalade était encore à la mode. Il faudra attendre 1993 et la première Journée internationale d'information sur le cannabis organisée par ladite association en collaboration avec les éditions du Lézard pour apprendre que quelques néons suffisaient pour faire pousser du cannabis maison.
Les années passent et la répression perdure. Les cultivateurs en herbe ne ramènent plus leurs graines du Cachemire, mais d'Amsterdam. Élu président de la République en 1995, Jacques Chirac non seulement relance les essais nucléaires, mais vitupère la Hollande et ses "coffee shops" dès que l'occasion se présente.
La Hollande reste la destination préférée des amateurs de cannabis. On visite le musée du Hasch et sa boutique attenante où l'on vend des graines, mais aussi des ouvrages dont le célèbre "Marijuana Growers Guide" d'Ed Rosenthal et de Mel Franck. Quelques audacieux potassent leur anglais et se lancent dans l'aventure, partageant le fruit de leurs expériences et de leurs récoltes lors des réunions hebdomadaires du Circ.
Les cannabiculteurs seraient 200 000, 11,5% de l'herbe fumée serait française et son taux de THC avoisinerait les 8%
De fil en aiguille et de graines en boutures, les cultivateurs en placard se multiplient dans les années qui précèdent le XXIe siècle. Ils sont soutenus par le Circ qui en fait un axe de sa politique incitant clairement les cannabinophiles à devenir cannabiculteurs. Si l'autoproduction rencontre un tel succès, c'est à cause de la prohibition… La prohibition qui met en danger la santé du consommateur en proposant sur le marché des produits adultérés à des prix exorbitants.
Dans les années 2000, on ne compte plus les boutiques proposant tout le matériel nécessaire pour cultiver des orchidées chez soi. Dans le même temps, alors que la loi punit aussi bien la présentation sous un jour favorable que l'incitation à l'usage des stupéfiants, des éditeurs téméraires publient des manuels de jardinage sur l'art de cultiver du cannabis en vente dans toutes les bonnes librairies.
"Contre la guerre à la drogue, cultivons notre jardin!" est un des slogans favoris du Circ qui, joignant le geste à la parole, organise en mars 2002, dans le cadre de la campagne présidentielle de Noël Mamère, l'opération "Sortez-les du placard", où sera offert à toute personne majeure un petit gramme d'herbe made in France, baptisée pour l'occasion "La Cuvée du Président".
En 2007, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) saute dans le train en marche et confie à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) le soin "d'évaluer la part de la production domestique de cannabis en France". D'après cette enquête récemment publiée, les cannabiculteurs seraient 200 000, la production s'élèverait à 32 tonnes, 11,5% de l'herbe fumée serait française et son taux de THC avoisinerait les 8%.
Le Circ, encore lui, a profité de cette enquête pour adresser à Etienne Apaire, le nouveau président de la Mildt, un courrier l'incitant à faire preuve de tolérance envers les jardiniers du dimanche. Ce sont des gens comme vous et moi qui ne présentent aucun danger pour la société et ne méritent pas qu'on les traque comme de vulgaires producteurs de drogue. Leurs revendications? Qu'on cesse de les prendre pour des imbéciles, que le gouvernement cesse de les infantilser et que la raison l'emporte enfin sur l'absurdité.
► Comme chaque année, le Circ organise ce mercredi à Paris l'Appel du 18 joint. Toutes les informations sur le site http://www.18joint.org
souce :http://www.rue89.com/2008/06/17/cannabis-la-prohibition-terreau-fertile-de-lautoproduction
De quoi s'agit-il? De désigner ceux qui, dans leurs jardins, sur leurs balcons ou dans un placard, cultivent du cannabis. Les plus distingués suspendront leurs plantes têtes en bas dans un endroit sombre et ventilé. Quand les fleurs seront sèches, ils les mettront de côté et les raseront coupant toutes les feuilles qui dépassent. Des feuilles qu'ils récupéreront avant de les passer au Pollinator ou à l'IceOlator, des machines à fabriquer la résine de cannabis.
Cultiver du chanvre pour s'aérer la tête -pas pour fabriquer de la corde- ne date pas d'hier. D'avant-hier quand les routards rapportaient dans leurs bagages des graines afghanes ou indiennes qu'ils semaient dans les vallons à l'abri des regards indiscrets. Une activité marginale jusqu'à la diffusion en 1982, juste après une allocution de François Mitterrand, d'un reportage "Hasch à la ferme". Deux cultivateurs masqués nous invitaient à visiter leur plantation et nous expliquaient que leurs herbes folles n'étaient pas aussi diaboliques que le prétendait le professeur Gabriel Nahas, surnommé par ses détracteurs le docteur Folamour du cannabis. Quelques mois plus tard, nos deux compères se dévoileront créant le collectif "Fumée douce".
En ce temps-là, cultiver du cannabis était une activité de plein air pratiquée au sud de la Loire, dans des régions riches en néo-ruraux (le Lubéron, l'Ardèche, l'Aveyron, les Cévennes…). Courrait même la rumeur qu'en Ariège, on remplaçait les gendarmes tous les trois ans de crainte qu'ils goûtent au fruit défendu et apprécient ses effets.
Quels que soient les gouvernements, la politique privilégie la répression au détriment de la prévention
Les amateurs de cannabis se multiplient. Les partisans de la prohibition regrettent sa banalisation et les partisans de la tolérance vantent son intégration. Quels que soient les gouvernements, la politique privilégie la répression au détriment de la prévention. Les amateurs de petite fumée, las d'être montré du doigt et d'être utilisés à des fins électorales, las d'être considérés comme des délinquants et de risquer la prison à tous les coins de rue, se rebellent et fondent une association en 1991.
Le Collectif d'information et de recherche cannabique (Circ) -c'est son nom- débroussaille le terrain des certitudes idéologiques car à l'époque, la théorie de l'escalade était encore à la mode. Il faudra attendre 1993 et la première Journée internationale d'information sur le cannabis organisée par ladite association en collaboration avec les éditions du Lézard pour apprendre que quelques néons suffisaient pour faire pousser du cannabis maison.
Les années passent et la répression perdure. Les cultivateurs en herbe ne ramènent plus leurs graines du Cachemire, mais d'Amsterdam. Élu président de la République en 1995, Jacques Chirac non seulement relance les essais nucléaires, mais vitupère la Hollande et ses "coffee shops" dès que l'occasion se présente.
La Hollande reste la destination préférée des amateurs de cannabis. On visite le musée du Hasch et sa boutique attenante où l'on vend des graines, mais aussi des ouvrages dont le célèbre "Marijuana Growers Guide" d'Ed Rosenthal et de Mel Franck. Quelques audacieux potassent leur anglais et se lancent dans l'aventure, partageant le fruit de leurs expériences et de leurs récoltes lors des réunions hebdomadaires du Circ.
Les cannabiculteurs seraient 200 000, 11,5% de l'herbe fumée serait française et son taux de THC avoisinerait les 8%
De fil en aiguille et de graines en boutures, les cultivateurs en placard se multiplient dans les années qui précèdent le XXIe siècle. Ils sont soutenus par le Circ qui en fait un axe de sa politique incitant clairement les cannabinophiles à devenir cannabiculteurs. Si l'autoproduction rencontre un tel succès, c'est à cause de la prohibition… La prohibition qui met en danger la santé du consommateur en proposant sur le marché des produits adultérés à des prix exorbitants.
Dans les années 2000, on ne compte plus les boutiques proposant tout le matériel nécessaire pour cultiver des orchidées chez soi. Dans le même temps, alors que la loi punit aussi bien la présentation sous un jour favorable que l'incitation à l'usage des stupéfiants, des éditeurs téméraires publient des manuels de jardinage sur l'art de cultiver du cannabis en vente dans toutes les bonnes librairies.
"Contre la guerre à la drogue, cultivons notre jardin!" est un des slogans favoris du Circ qui, joignant le geste à la parole, organise en mars 2002, dans le cadre de la campagne présidentielle de Noël Mamère, l'opération "Sortez-les du placard", où sera offert à toute personne majeure un petit gramme d'herbe made in France, baptisée pour l'occasion "La Cuvée du Président".
En 2007, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) saute dans le train en marche et confie à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) le soin "d'évaluer la part de la production domestique de cannabis en France". D'après cette enquête récemment publiée, les cannabiculteurs seraient 200 000, la production s'élèverait à 32 tonnes, 11,5% de l'herbe fumée serait française et son taux de THC avoisinerait les 8%.
Le Circ, encore lui, a profité de cette enquête pour adresser à Etienne Apaire, le nouveau président de la Mildt, un courrier l'incitant à faire preuve de tolérance envers les jardiniers du dimanche. Ce sont des gens comme vous et moi qui ne présentent aucun danger pour la société et ne méritent pas qu'on les traque comme de vulgaires producteurs de drogue. Leurs revendications? Qu'on cesse de les prendre pour des imbéciles, que le gouvernement cesse de les infantilser et que la raison l'emporte enfin sur l'absurdité.
► Comme chaque année, le Circ organise ce mercredi à Paris l'Appel du 18 joint. Toutes les informations sur le site http://www.18joint.org
souce :http://www.rue89.com/2008/06/17/cannabis-la-prohibition-terreau-fertile-de-lautoproduction