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Faut-il un permis à joints ?

MessagePosté: 21 Jan 2013, 04:17
par daniel
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Faut-il un permis à joints ?

Cannabis. Psys et consommateurs doutent de l’efficacité de la mesure.
MARIE-JOËLLE GROS
QUOTIDIEN : mardi 23 octobre 2007
Julien, 16 ans, pantalon baggy et sweat-shirt XL, s’enfonce dans un fauteuil. Ses parents, un couple séparé, lui font face. Tous les trois sont réunis à la demande du psychiatre Olivier Phan. Le conflit dans ce couple est tel que Julien «se blinde au cannabis», explique le thérapeute. Le silence est pesant. La rencontre, pourtant, doit permettre de débloquer la situation. Une heure plus tard, tout n’est pas réglé, loin de là, mais «une étape est franchie», commente le psychiatre, qui précise : «Quatre mois ont été nécessaires pour arriver à organiser ce rendez-vous.» Quatre mois, c’est long comparé aux deux jours de «stage cannabis» annoncé comme la nouvelle réponse des pouvoirs publics aux fumeurs de joints (1).
Il suffit de se rendre dans les locaux d’Emergence (Paris XIIIe), une consultation anonyme et gratuite pour les consommateurs de cannabis (lire ci-dessous), pour mesurer le décalage entre un problème de santé publique et le dispositif proposé par la loi. Même si professionnels et fumeurs ne veulent rien rejeter en bloc. «Le modèle d’origine, c’est le stage offert aux automobilistes qui ont perdu des points sur leur permis, commente Olivier Phan. Si l’idée de ces stages consiste à faire comprendre qu’il est dangereux de fumer des joints au volant, alors oui, deux jours suffisent. Mais s’il est question de soin, ça ne peut pas convenir.»
Flagrant délit. L’annonce de cette nouvelle mesure a fait beaucoup de bruit. Son contenu, lui, reste flou. L’objectif aussi. S’agit-il de désengorger les tribunaux, puisque la France reste en effet l’un des rares pays d’Europe à pénaliser la simple consommation ? Pour l’heure, Etienne Apaire, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur et nouveau président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), ne dit pas grand-chose de ces stages. On sait juste qu’ils commenceront en 2008. Et que l’usager pris en flagrant délit devra payer son stage – autour de 450 euros.
Mais qui sont en fait les fumeurs concernés ? Dans les locaux d’Emergence, qui traite chaque année 600 cas, plusieurs publics se côtoient. Des adolescents envoyés par leurs parents désarmés. D’autres, aiguillés par la justice. Parfois aussi des adultes que leur addiction fait souffrir. La même réponse est-elle applicable à tous ? Pour Céline Jouanne, psychologue, «l’erreur serait de confondre les genres. On ne s’adresse pas de la même manière à un adulte ou à un adolescent pris dans une problématique familiale».
«Bad trip». Mathias, par exemple, donne du fil à retordre. Il a 15 ans et fume des joints, toujours avec ses copains. Sa mère semble paniquée. C’est elle qui a demandé sa prise en charge. L’adolescent est une tombe. Introverti peut-être, mais surtout décidé à ne rien livrer. Les psys vont tenter de le faire sortir de cette forme d’inertie qui n’offre aucune prise. Il faudra du temps.
Eymeric semble plus loquace. Avec ses dreadlocks relevées en chignon et son sweat-shirt «rastafari», il cultive son look. Il a pourtant décidé d’arrêter de fumer après un «bad trip» qui l’a effrayé. Il a 15 ans, a commencé à fumer à 13. Il lui est arrivé de fumer jusqu’à quinze joints par jour. L’arrêt lui offre un mieux-être : «Avant, je me sentais tout le temps fatigué.» Mais il s’inquiète de l’avenir : comment résister en soirée, quand les joints tourneront à nouveau autour de lui ? «Des jeunes qui ne fument pas, je n’en connais pas», confie-t-il. Quand on le sonde sur les «stages cannabis», il hausse les épaules : «Ça peut arriver que des jeunes ne sachent pas que le cannabis est une drogue, alors il faut les informer. Mais c’est rare.»
«Colmater». Ils le savent puisqu’ils se cachent des adultes. L’interdit et le secret font partie du jeu. C’est d’ailleurs ce qui torture ce couple de parents : ne plus pouvoir faire confiance à Gilles, leur fils. Face à la psychologue, la mère retrace le parcours de son fils. Dès que son mari ouvre la bouche, elle le coupe. L’exposé qu’ils font de leur famille soulève infiniment de questions, qu’ils refusent d’entendre : «Le problème, ce n’est pas nous, c’est lui.» Gilles a refusé de venir, laissant ses parents affronter seuls psychiatres et psychologues. «Une drogue, quelle qu’elle soit, vient toujours colmater un problème réel, explique le psychiatre. On ne peut pas se contenter de retirer la béquille.» Pour lui, il est important de reconnaître le bénéfice d’une consommation. Avant de pouvoir mesurer la perte de liberté qu’elle engendre. «Mais tout cela ne se fait pas en deux jours.» Ici, les soins durent entre six mois et un an.
(1) Ces «stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants» font partie du dispositif de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance.


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