Moins nocif que l'alcool !

[daniel]

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Courrier international - n° 868 - 21 juin 2007

En couverture / Cannabis : L'enquête
Moins nocif que l'alcool !

Le psychopharmacologue David Nutt est le coauteur
d'un récent rapport remettant en question la
classification des drogues en vigueur au
Royaume-Uni. Il relativise les dangers invoqués
par The Independent.

En Grande-Bretagne, le cannabis fait l'objet d'un
débat enflammé. Le quotidien The Independent, qui
avait plaidé en 1997 pour la dépénalisation du
cannabis, a changé son fusil d'épaule en
dénonçant la dangerosité de la nouvelle drogue en
circulation, qui serait beaucoup plus puissante
qu'auparavant et entraînerait chez les
adolescents de sérieux troubles de la
personnalité. Moi et mes collègues avons mené une
étude afin d'établir une classification
susceptible d'être utilisée par les autorités
britanniques et internationales pour évaluer les
risques associés à l'abus de drogues.
Dans notre étude, publiée dans la revue
scientifique The Lancet, nous avons analysé la
dangerosité de vingt substances, en fonction de
trois critères : la nocivité sur l'organisme de
la personne qui en abuse, la tendance du produit
à induire une dépendance et les effets de l'usage
sur la société. Sur la base de ces critères, nous
avons demandé à deux groupes d'experts
(psychiatres spécialistes des addictions et
représentants de la police scientifique)
d'attribuer à chacune de ces vingt substances une
note allant de 1 à 3. Il en est ressorti un
classement de la dangerosité des drogues qui ne
coïncide pas avec le système actuellement en
vigueur en Grande-Bretagne. L'héroïne et la
cocaïne arrivent respectivement première et
deuxième sur la liste, tandis que le cannabis
occupe seulement la onzième place, après l'alcool
(cinquième) et le tabac (neuvième), dont l'usage
est légal, mais avant l'ecstasy, qui n'occupe que
le dix-huitième rang, bien qu'elle soit
actuellement classée dans les drogues les plus
dangereuses.
Le point le plus intéressant dans notre étude,
c'est que l'alcool présente une dangerosité
sociale beaucoup plus élevée que le cannabis, et
qu'il est corrélativement très coûteux pour la
santé publique : il est la cause de plus de la
moitié des urgences médicales, et n'est devancé,
en termes d'impact sur la société, que par
l'héroïne. Quant au tabac, il est la cause,
directe ou indirecte, de 40 % de l'ensemble des
hospitalisations, et il est la substance qui
induit le plus de dépendance après l'héroïne et
la cocaïne.
Le cannabis se trouve dans le milieu de la liste
parce que les experts ont montré qu'il pouvait
avoir des effets sur la santé (même si l'on ne
meurt pas d'une overdose de marijuana), qu'il
produisait un certain degré de dépendance et
avait un certain impact sur la société : il
suffit de penser au trafic illégal et à la
microcriminalité de rue qu'il induit, ou aux
coûts pour la santé, puisque fumer provoque des
pathologies sérieuses du système respiratoire.
The Independent s'inquiète surtout de la skunk,
une variété de cannabis de plus en plus répandue,
qui peut être deux ou trois fois plus puissante
(mais pas vingt-cinq fois, comme l'a soutenu le
quotidien) que le Cannabis sativa. En effet, la
skunk est cultivée de façon à avoir une teneur
plus élevée en THC, c'est-à-dire en
delta-9-tétrahydrocannabinol, le principe actif
de la plante. Il n'existe toutefois à ce jour
aucune preuve scientifique que la skunk ait
davantage d'effets intoxicants, ou qu'elle
entraîne plus facilement une dépendance. On ne
peut pas affirmer non plus qu'elle favorise le
passage à des drogues plus dures : beaucoup de
jeunes passent directement à l'héroïne sans avoir
jamais fumé de cannabis. En revanche, le tabac
pourrait jouer un rôle important puisque presque
tous les toxicomanes fumaient des cigarettes
quand ils étaient plus jeunes.
En ce qui concerne le lien qui existerait chez
les jeunes entre cannabis et schizophrénie, nous
avons analysé dans notre étude des facteurs
jouant sur le long terme et nous pouvons en
conclure que le cannabis contribue à l'apparition
de cette pathologie dans 7 % des cas. En réalité,
le cannabis pourrait aggraver, plutôt que
provoquer, ce trouble mental, car fumer a
tendance à amplifier les hallucinations. Tout
dépend cependant des quantités consommées.
Enfin, il ne faut pas oublier que le cannabis a
été un médicament pendant des centaines d'années
(la reine Victoria elle-même l'utilisait pour
atténuer les douleurs de l'enfantement), avant de
devenir illégal. Au Canada, toutefois, le
cannabis est utilisé à des fins thérapeutiques
dans les hôpitaux, car il prévient les nausées et
les vomissements chez les patients atteints d'un
cancer, a un effet bénéfique contre la migraine
et facilite l'endormissement. Cela dit, nous
cherchons à faire en sorte que les jeunes
n'entrent pas en contact avec le cannabis parce
qu'il est possible, en effet, que les cerveaux
les plus jeunes soient plus vulnérables à cette
substance, même si, pour le moment, nous ne
disposons pas de preuves scientifiques concrètes
permettant de le démontrer.

Giorgia Scaturro
Newton




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publication électronique : 1768-3076

[Charon]

The Independent s'inquiète surtout de la skunk,
une variété de cannabis de plus en plus répandue,
qui peut être deux ou trois fois plus puissante
(mais pas vingt-cinq fois, comme l'a soutenu le
quotidien) que le Cannabis sativa. En effet, la
skunk est cultivée de façon à avoir une teneur
plus élevée en THC,