par Anonymous » 22 Juil 2003, 15:18
Ce que je voulais dire, c'est que tous les cinq ans, depuis 1965, on peut dire que la consommation a "explosé". Tout dépend du point de référence.
En 1968-1969, à Perpignan, les fumeurs n'étaient qu'une toute petite minorité, un cercle d'intellectuels littéraires marqués par les événements de 1968, la Beat Generation américaine, Beaudelaire, Artaud... J'y suis retourné 3-4 ans après, et là j'ai eu le sentiment que la consommation avait explosé, la première fois, y compris dans les villages. On trouvait à fumer à tous les coins de rues (et du bon!), ça fumait ouvertement sur les places publiques du centre-ville, et même dans certains cafés. Je me souviens de fêtes aussi dans certains bourgs, avec d'anciens copains de lycée, réunissant trente, quarante jeunes du même village, avec quantité de shit venu d'Espagne, et des acides à gogo, et de la sangria. En trois-quatre ans, dans cette province lointaine, le nombre d'adeptes avait été multiplié au moins pas cent, si ce n'est par mille ou davantage encore.
En 1970 à Nogent-sur-Marne, je peux dire que déjà près de 10% des élèves de première et terminale étaient consommateurs. Et 20% des étudiants -les cités U empestaient le shit dans les couloirs, les pelouses des cités et autres restau-U étaient occupées par des cercles où tournait le shilum familial, une foule allait acheter au grand jour son shit dans les cafétérias des restau-U, et pas une fête ne se passait sans joints qui tournent. Au Golf Drouot, ancienne boîte rock, une arrière-salle était occupée par les détaillants, avec leurs variétés de shit sur la table et leur balance, un vrai marché du dimanche matin (mais le samedi soir). On pouvait goûter et sentir de table en table avant de faire son choix. Bref, une consommation qui avait déjà "explosé".
A cette époque, à Paris, les quais de la Seine, Saint-Michel - Saint-Germain étaient remplis de "hippies", le Vert-Gallant était un immense fumoir à ciel ouvert, un "Stalingrad" du shit. Difficile d'y trouver une place pour s'y asseoir! Pour les villes dans lesquelles je suis passé durant cette décennie 70, Nantes, Toulouse, Montpellier, Quimper, la Vendée, la Lozère... partout ça fumait déjà massivement, dans les milieux contestataires, anarcho-gauchistes, pré-écolo, musical, étudiant. Voyez tous ces politiques qui ont avoué y avoir goûté à cette époque! Marque que la consommation avait déjà "explosé" et touchait déjà la future élite de la nation. Rappelez-vous l'appel du 18 Joint de 1976, il révélait lui aussi une consommation de masse, qui avait "explosé" avec la génération (post-)soixante-huitarde.
La Fête de l'Huma était aussi une immense galerie-cannabistrot à ciel ouvert devant la grande scène, on y trouvait de tout, on pouvait goûter à tout, aller de cercle en cercle... C'est par kilos qu'on évaluait ce qui était fumé à chaque grand concert rock, Gong, Magma, Led Zep', Whoo, Soft Machine, Ange, etc. A toulouse, j'ai connu un vrai cannabistrot en 1972, club privé où il n'y avait que des fumeurs de shit et où on achetait au patron, un baba fils de riches qui réinvestissait tout en concerts à perte. Montmarte avait le sien aussi, une épicerie-buvette où on achetait au grand jour, où on consommait aussi sur place, les détaillants refilant un pourcentage à la vieille qui tenait cette buvette sur la butte. [Les deux ont été fermés, et leurs proprios ont fait chacun dans les deux ans de taule.]
Depuis, la progression s'est un peu ralentie, en pourcentage de progression, mais le chiffre de base à multiplier étant bien plus fort qu'au début, les "quantités supplémentaires brutes" sont évidemment bien plus importantes, touchant toujours plus de milieux, s'ancrant aussi dans les endroits les plus réculés, là où un individu constituait l'exception à mauvaise réputation, alors qu'ailleurs un certain étiage apparaît. Et dans cinq, dix ans, on entendra sans doute encore que la consommation a "explosé" au cours des cinq ou dix dernières années, en données brutes, une nouvelle génération d'additionnant aux précédentes.
Il y a bien sûr, aussi, des phénomènes nouveaux, comme le fait que ça touche des très jeunes maintenant, qui sont aussi touchés beaucoup plus tôt qu'avant par bien d'autres éléments ne relevant normalement que des adultes, et donc pas seulement du cannabis: la délinquance violente, la pornographie, un désespoir face à l'avenir et à une réalité écrasante, la "criminalisation" sociale et médiatique, etc. Il faut une certaine circonspection pour nanalyser tout ça, tant c'est complexe.