Ni banaliser ni diaboliser

[daniel]

Pubdate: 26/10/06
Source: Le Nouvel Observateur
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Trois questions à Didier Jayle, président de la Mildt*
Ni banaliser ni diaboliser

Le Nouvel Observateur. - Depuis l'an dernier vous
avez lancé une campagne de sensibilisation sur le
cannabis (1), la première de cette ampleur en
Europe. Pourquoi?
Didier Jayle. - Parce que, en France, le cannabis
est de loin le produit illicite le plus consommé
chez les jeunes. Nous avons voulu mettre en garde
contre les effets de la consommation avec un
souci constant : ni banalisation ni
diabolisation. Le cannabis n'est peut-être pas le
«fléau qui pourrit notre jeunesse», mais ce n'est
certainement pas, comme le pensaient encore
beaucoup, un produit anodin.

N. O. - Votre campagne a porté ses fruits?
D. Jayle. - Les dernières études sur la
consommation de 2005 (avant la campagne donc)
montrent déjà une stabilisation. Comme si, après
la très forte augmentation des années 1990, on
atteignait un palier. Sans doute parce que les
différents intervenants - médecins, professeurs,
parents - ont pris conscience de la situation. De
notre côté, outre la campagne de sensibilisation,
nous avons mis en place 280 « consultations
cannabis ». Près de 4 000 personnes (jeunes et
parents) y passent tous les mois. Cela correspond
à un vrai besoin.

N. O. - L'enquête nationale Escapad (2) montre
aussi une augmentation des ivresses dues à
l'alcool et à une légère poussée de la cocaïne.
D. Jayle. - De manière globale, la consommation
d'alcool a baissé chez les jeunes et elle reste
très inférieure à la plupart des pays européens,
contrairement à celle du cannabis pour laquelle
la France arrive en tête (avec la Grande-Bretagne
et l'Espagne). Mais il est vrai que le phénomène
du binge drinking (consommation ponctuelle et
intensive - au moins 5 verres - d'alcool) à la
manière des pays nordiques ou anglo-saxons se
développe. Quant à la cocaïne, sa consommation
reste relativement faible : 1,6% des jeunes de
moins de 17 ans disaient l'avoir expérimentée en
2003. En 2005, ils étaient 2,5%. Pour le cannabis
, je vous rappelle qu'on est à près de 50%. Cela
dit, les saisies de cocaïne ont considérablement
augmenté en 2005. Selon les services de police,
les trafiquants de cannabis se reconvertissent de
plus en plus dans les drogues dites « dures ».
Ces drogues touchent encore peu les ados. Mais,
depuis quelque temps, on les voit arriver chez
les étudiants ou les jeunes travailleurs. Un
phénomène en progression, évidemment à surveiller.

(*) Mission interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie.

(1) Rediffusée sur les radios jeunes en novembre prochain.

(2) Enquête réalisée entre mars et juin 2005,
lors de la Journée d'Appel de Préparation à la
Défense.