Drogues et ébats sexuels au programme de la TV publique néerlandaise
LE MONDE | 24.09.05 | 13h57 • Mis à jour le 24.09.05 | 13h57 BRUXELLES de notre correspondant
BNN, la chaîne pour jeunes du service public néerlandais, a décidé de repousser un peu plus encore les limites de la télé-réalité. Avec son émission "Spuiten & Slikken" (littéralement : se piquer et avaler), elle se consacrera, dès le 10 octobre, à l'explication des effets concrets des drogues et des diverses formes de comportements sexuels.
Deux assistants de la jeune présentatrice Sophie Hilbrand se partageront les rôles. Filemon Wesselink, 26 ans, testera les champignons hallucinogènes, l'ecstasy, la cocaïne, le LSD, l'héroïne ou la kétamine, une substance actuellement très en vogue aux Pays-Bas. Le jeune homme sera sous surveillance médicale pour les expériences les plus risquées. Prudent, il a aussi demandé à ce qu'on réalise certaines expériences au domicile de sa maman, le lieu où, paraît-il, il se sent le plus à l'aise.
Si son comparse sera filmé, Ties van Westing, 25 ans, travaillera, lui, à huis clos. Il se livrera, à l'abri de la caméra, à tous les types d'ébats recensés, avec des personnes des deux sexes. Il viendra, ensuite, livrer, sur le plateau, son avis sur ce qu'il aura trouvé drôle ou peu agréable, voire dangereux. Les promoteurs de l'émission conseilleront, soulignent-ils, l'usage du préservatif aux téléspectateurs.
Ils expliquent aussi qu'ils ne comptent nullement favoriser l'usage des stupéfiants. Ils ont, en revanche, bien dû admettre qu'ils devraient entrer dans l'illégalité pour se procurer certaines drogues, qui ne circulent pas librement, même aux Pays-Bas. La chaîne est cependant assurée qu'elle n'encourra pas les foudres de la justice : Hein-Piet Donner, le ministre chrétien-démocrate de la justice, a fait savoir que, sans être très partisan d'une émission comme "Spuiten & Slikken", il estimait que la consommation de stupéfiants était un problème de santé publique, pas un acte criminel. La détention de drogues dures en petite quantité n'est, dans les faits, pas punie aux Pays-Bas s'il est démontré qu'elles sont destinées à la consommation personnelle.
Guère convaincus de la valeur éducative de l'autre versant du programme, les responsables politiques n'ont, jusqu'ici, pas non plus élevé de protestations contre les futurs récits des ébats sexuels d'un présentateur du service public. BNN a, il est vrai, déjà diffusé sans encombre un autre programme poétiquement intitulé "Neuken doe je zo" (C'est comme cela que tu baises).
Dans le journal flamand De Morgen, Sjoerd van den Broek, le producteur de l'émission, a fermement nié vouloir se livrer à un autre type de reality-show. Il affirme vouloir simplement parler du monde où se débattent les jeunes. Un monde dans lequel la drogue et le sexe jouent, dit-il, un rôle prépondérant. Le producteur insiste sur le côté "informatif" de la nouvelle émission.
Certains critiques néerlandais se demandent toutefois si le service public, engagé dans une course de vitesse avec les chaînes privées, notamment celles du magnat John de Mol, n'est pas en train de déraper.
Jean-Pierre Stroobants