Médecin des universités
Dr Lelu : «Attention aussi au cannabis»
Le docteur Bernard Lelu est médecin-directeur des universités de l'Académie de Créteil, chargé de mission auprès du directeur de l'enseignement supérieur.
Propos recueillis par M. C.
[24 novembre 2004]
LE FIGARO. – Ne faut-il pas s'inquiéter du fait qu'un grand nombre d'étudiants deviennent «accros» au tabac dans l'enseignement supérieur et, surtout, ne souhaitent pas s'arrêter ?
Bernard LELU. – Les expérimentations du tabac se font très tôt, dès le collège. Ceux qui se mettent à fumer à l'université ont, pour la plupart, déjà goûté au tabac. Il est en tout cas exact qu'une bonne moitié d'entre eux, ensuite, refusent de s'arrêter. A 18 ou 20 ans, on a encore l'éternité devant soi et l'on reste insensible aux menaces d'un cancer qui interviendrait à 60 ans.
Les jeunes n'entendent donc pas les discours préventifs ?
Ils pensent tout connaître lorsqu'ils entrent dans le supérieur. C'est une manière de se positionner comme jeune adulte. Ils ont beaucoup de difficultés à admettre un discours construit sur des interdits.
Comment expliquer que les filières littéraires soient les plus touchées ?
Les interdits sont plus stricts dans les filières scientifiques en raison des manipulations. Par ailleurs, le tabac continue d'être associé à la notion de liberté que porte la littérature. C'est un aspect sociologique important.
Les universités ont-elles pris conscience de la nécessité d'agir ?
Le virage a véritablement été pris il y a quatre ou cinq ans. L'évolution est certaine, même si elle ne se fait pas pour tous les établissements au même rythme. Il y a des campagnes de prévention, la signalétique a été considérablement renforcée, les consultations de sevrage tabagique ont été multipliées et, surtout, on tente de toucher les jeunes en mesurant le tabagisme passif. C'est concret et influence plus les fumeurs que des menaces sur leur propre santé. La hausse du prix du tabac est également tombée à point nommé.
La question du tabac n'a-t-elle pas tendance à occulter le problème du cannabis ?
La consommation de cannabis a beaucoup évolué en France. L'entrée à l'université n'est en rien un facteur déclenchant mais on y fume du cannabis autant qu'ailleurs, autrement dit de plus en plus. Il est vrai que la prévention contre le tabac a parfois un peu tendance à occulter ce problème encore tabou.