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Tancés par leurs aînés, les Clandestini corsi se rangent
Le groupuscule, auteur d'attentats racistes, réaffirme la trêve de ses actions.
Par Marc PIVOIS
mardi 09 novembre 2004 (Liberation - 06:00)
Dans le plus pur style cagoules, treillis et armes fièrement arborées, quatre à cinq membres du groupe Clandestini corsi (CC) ont organisé dans la nuit de dimanche à lundi une conférence de presse clandestine dans le maquis de Haute-Corse. Deux journalistes locaux (RCFM et Corse-Matin) et un photographe avaient été conviés à minuit à un rendez-vous près de Bastia.
Trafic de drogue. Après vingt minutes d'un trajet en camionnette, yeux bandés, ils se sont retrouvés dans une bâtisse abandonnée. Là, un homme à la voix jeune, sans déformateur vocal, a lu un communiqué censé mettre fin «à toutes les rumeurs à leur encontre»: deux pages manuscrites, une «suite sans fil conducteur de considérations dénotant un niveau politique assez peu élevé», selon un participant. Les «clandestins corses» (traduction de Clandestini corsi) ont affirmé leur «indépendance» par rapport aux mouvements nationalistes, tout en exhibant pistolets automatiques, carabine à lunette, fusil à pompe et pistolet-mitrailleur. «Ni nationalistes ni racistes», ils n'auraient pour seul objectif que «de ralentir le trafic de drogue» en Corse.
La mascarade ne doit pourtant pas faire oublier quelques faits. Ce mouvement clandestin qui affiche à son actif une petite dizaine d'attentats ciblant tous la communauté maghrébine, s'est fait connaître le 22 mars en revendiquant un attentat commis rue Droite dans le Vieux-Bastia, où résident de nombreuses familles originaires du Maghreb. Quelques jours plus tôt, deux adolescents «corso-corses» traversant le quartier avaient été pris à partie et frappés par un groupe de jeunes d'origine maghrébine. Les représailles n'avaient guère tardé : une véritable ratonnade, exécutée le 19 mars, jour de la Saint-Joseph, par une centaine de collégiens menés par des lycéens bastiais et même quelques étudiants venus de Corte. Des groupes pénétrèrent jusqu'à l'intérieur d'un collège pour aller frapper des élèves d'origine marocaine. Des dizaines de policiers furent déployés pour ramener le calme.
Dès la nuit suivante, une bombe explose dans le quartier - un extincteur bourré d'un mélange chlorate/sucre déposé à proximité de bouteilles de gaz. Quelques attentats plus tard (une pizzeria tenue par une famille marocaine, une pâtisserie orientale et une succursale de la Wafa Bank), les Clandestini corsi diffusent un communiqué affirmant, fautes d'orthographe comprises : «Ces actions sont dans un but précis : stopper l'immigration qui ronge l'île depuis trop d'années déjà. Ces gens la ne veulent pas s'integrer a nos principe de vie et ce bloque totalement a notre culture. Il est indadmissible que cette racaille s'enrichissent sur notre terre.»
Arrestations. Au cours du printemps et de l'été, CC finit par énerver. D'abord le ministre de l'Intérieur. A deux reprises, la direction centrale de la police remonte vigoureusement les bretelles des enquêteurs insulaires : «On veut des arrestations !» Les policiers ciblent rapidement quelques individus. Mais voici que le juge antiterroriste chargé de l'enquête, Gilbert Thiel, freine : charges insuffisantes. Inutile de leur faire de la pub en les arrêtant pour être contraint de les relâcher peu après.
Au même moment, le FLNC commence lui aussi à prendre ombrage. Car la vague raciste en Corse finit par mettre le mouvement nationaliste en porte-à-faux. Selon nos informations, un émissaire du FLNC-Union des combattants a contacté les «gamins» (les membres de CC seraient une douzaine de lycéens et étudiants du nord de l'île) et leur a proposé trois choix : se dissoudre dans la nature, se ranger sous la bannière FLNC ou... risquer la liquidation physique. Dès le 8 septembre, ils annonçaient «une trêve» de leurs actions. Une décision que les «clandestins corses» ont réaffirmée lors de leur «conférence de presse».
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