lundi 27 septembre 2004 (Reuters - 11:39)
PARIS - La police et les procureurs disposeront à partir du 1er octobre en France de nouveaux pouvoirs dévolus par la loi "Perben II", dans un climat de fronde de magistrats et d'avocats qui jugent ce texte liberticide.
Ce texte, qui vise à améliorer la lutte contre le "crime organisé", est l'une des plus importantes réformes judiciaires de l'après-guerre puisqu'il modifie plus de 400 articles du Code de procédure pénale.
Il permet aux policiers de perquisitionner la nuit et étend la durée maximale de la garde à vue de deux à quatre jours dans de nombreuses affaires.
La police pourra infiltrer légalement les réseaux criminels et placer des caméras-espions dans les domiciles et véhicules privés.
Le texte introduit des procédures nouvelles inspirées du droit anglo-saxon, comme l'utilisation des "repentis" ou le "plaider coupable", qui permet au procureur de proposer une peine transactionnelle à un délinquant avouant les faits.
Le grand gagnant de la loi est le procureur, magistrat lié en France au pouvoir politique, car nommé en conseil des ministres.
Il aura un pouvoir d'enquête propre étendu aux perquisitions et écoutes téléphoniques, pouvoirs réservés jusqu'ici aux juges d'instruction, indépendants. Le procureur devient aussi juge avec le "plaider coupable".
Par une disposition de la loi déjà entrée en vigueur, leur ministre de tutelle, le ministre de la Justice, est devenu un acteur des enquêtes. Il peut en effet demander par écrit de "faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction de réquisitions écrites qu'il juge opportunes", dit la loi.
Un groupe d'avocats opposé au texte appelle à une "réunion de mobilisation" mercredi à Paris contre le "plaider coupable".
Les syndicats de magistrats annoncent la création d'"observatoires de la loi Perben II" partout en France en vue d'une "initiative collective" prévue dès novembre.
MOBILISATION DES OPPOSANTS
Ils considèrent que la loi porte atteinte aux libertés fondamentales, l'utilisation des nouvelles procédures étant le plus souvent réservée aux délits graves commis en "bande organisée", une notion qu'ils jugent floue.
"Le texte se base sur l'idée qu'il n'est plus possible de juger de la même façon un voleur de mobylettes et le chef d'un réseau mafieux", réplique-t-on au ministère.
La loi permettra, selon le gouvernement, d'accélérer le traitement des affaires de délinquance ordinaire et de mobiliser tous les moyens de la justice et de la police pour démanteler les réseaux mafieux et terroristes.
La place Vendôme annonce l'ouverture de huit "pôles" régionaux consacrés à la lutte contre la grande criminalité, à Paris, Lille, Rennes, Nancy, Lyon, Marseille, Bordeaux et Fort-de-France (Martinique).
Des problèmes budgétaires et administratifs pourraient toutefois retarder l'entrée en vigueur d'importantes dispositions du texte.
Les "pôles" et les services de police censés gérer la protection et le changement d'identité des "repentis" et des policiers infiltrés dans les réseaux ne sont pas prêts et n'ont pas de dotations budgétaires spécifiques.
"On fera ce qu'on aura les moyens de faire et la montée en charge sera très progressive", reconnaît-on au cabinet de Dominique Perben.
Tous les décrets d'application de ces mesures ne sont pas encore publiés.
Surtout, Bercy a fixé de nouvelles règles beaucoup plus contraignantes pour les "frais de justice" - expertises, écoutes téléphoniques, surveillances - qui progressent actuellement de 20% par an.
Quant au fichier des délinquants sexuels voulu par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'Intérieur et introduit dans ce projet de loi, le logiciel informatique censé le gérer n'est pas encore au point.