Ce texte n'est pas encore "validé", peut subir des modifications. C'est le projet de CP du CIRC Paris sur le plan de la MILDT, il doit subir quelques coupes ou tournures plus brèves car il est trop long pour un "communiqué de presse". Mais, entre amis, on peut déjà le diffuser
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Le plan de Rantanplan
Ça y est, c’est fait, Didier Jayle, petit patron de la MILDT, a rendu public son plan de lutte contre les drogues, surtout contre les fumeurs de joints en fait. Le Collectif d’information et de recherche cannabique (CIRC) trouve ce plan particulièrement stupide tant il est pétri d’idéologie à la petite semaine et façonné à coups d’approximations. Car le problème évoqué n’est pas le cannabis et ses adeptes proprement dits – on en sait toujours pas ce qu’on leur reproche exactement… – , mais bien la seule application d’une loi « obsolète » et « inapplicable », pour reprendre les qualificatifs usités depuis un an même par les tenants d’une répression totale, de Nicolas Sarkozy à Jean-Pierre Raffarin, de Didier Jayle à Philippe Douste-Blazy.
Une vraie politique de « raffarin », qui en ancien français désignait l’artisan qui tentait de remettre en état des objets hors d’usage, voilà bien le plan le quinquennal de la MILDT. Dans cette affaire, Didier Jayle n’est pas sans rappeler le cabot Rantanplan, qui suit son maître docilement en ne touchant à rien de la loi actuelle, sans protester quelle que soit l’humiliation des désaveux, agissant selon la seule volonté du Premier ministre, de son propre aveu. Un expert venu du CRIF ? Non, un petit soldat de la droite chargé d’organiser quelques basses œuvres de la politique sécuritaire. Après cette pantalonnade, à lui et ses services de tenter d’avancer de « bonnes raisons » pour justifier les décisions du vrai patron de la MILDT. Bref, Didier Jayle et la MILDT ne sont plus que des prête-noms au service de leurs ministres de tutelle, chargés d’expliquer les choix les plus aberrants.
Parmi ces « raisons », le CIRC a d’abord relevé l’idée qu’une baisse des sanctions prévues par la loi serait « interprété[e] comme le signal d’une faible dangerosité des stupéfiants ». Prévoir un an de prison serait-il la seule preuve qu’il y aurait de cette dangerosité ? Qui ferait que, si on y touche, le message en serait changé ? Ainsi les sanctions prévues seraient la seule justification de celles-ci ? Et est-ce bien un « signal » sur la « dangerosité des stupéfiants » en ne touchant à rien ? C’est plutôt le signal d’un refus d’aborder la question de face, la marque d’une crainte d’expliquer clairement ce choix en recourant à des arguties fantaisistes, en plus d’attribuer à la loi des fonctions qu’elle n’a jamais eues.
La vraie raison est ailleurs et a fini par être connue : « Le passage du délit à la contravention (aurait empêché) toute mesure de rétention des personnes interpellées. » C’est-à-dire que les services de police souhaitaient encore pouvoir mettre une garde à vue de quatre jours (dont soixante-douze heures sans avocat) aux petits fumeurs de joints interpellés, disposer de ce droit régalien à leur guise, pour occuper autour de 30% de leur activité, faire des crânes, comme on dit, pour s’assurer les primes au mérite ou des promotions internes, car c’est bien le cannabis qui permet de faire facilement du « chiffre ». C’est donc bien exclusivement des basses considérations policières qui animent aujourd’hui les choix de la MILDT, même si elle se cache hypocritement derrière des considérations de santé publique, qu’on cherche en vain.
Mais il y a mieux encore : mettre sur pied par des circulaires ministérielles des « sanctions qui ont du sens pour de jeunes adultes ». Quel « sens » peut bien avoir une sanction pour usage de cannabis ? Simplement celui d’une injustice flagrante, quand une consommation d’un produit bien moins toxique que nombre d’autres substances légales reste passible de sanctions d’ordre pénal, une volonté affirmée de perpétuer ce deux poids deux mesures entre cannabis et alcool, un écart tous les jours plus mal accepté, par les jeunes, les jeunes adultes. Et même par les adultes moins jeunes, peut-on rajouter, dont on ne parle pas ici car, bien entendu (et cette omission en est une preuve), cette répression envisagée est d’abord et toujours destinée à frapper « les jeunes », à les mater comme des ennemis intérieurs – assimilés dans les textes à des terroristes ! – s’ils préfèrent le pétard au pinard ou au Ricard de leurs parents ou du législateur otage des lobbies viticoles – et du Premier ministre aussi, qui soutient les vins de Bordeaux, par exemple. Pense-t-on ainsi sauver la viticulture française ?
Enfin, la tartufferie atteint sans comble quand, parmi les raisons invoquées, il est dit que « les amendes risquent de pénaliser les plus défavorisés ». Oublie-t-on, occulte-t-on volontairement que c’est déjà le cas ? Que de lourdes amendes sont prononcées pour simple usage ? Que les quelques milliers de condamnés annuels appartiennent surtout aux « plus défavorisés » ? Non ! ce n’est certainement pas leur préoccupation, sinon même les amendes ne seraient pas envisagées pour usage de cannabis, de peur de « pénaliser les plus défavorisés ». Et prévoir la prison encore, du moins laisser cette liberté à quelques juges zélés et indépendants, risque-t-il moins de« pénaliser les plus défavorisés » ? Chacun pourra apprécier la vacuité et l’hypocrisie du propos, qui résume bien l’esprit général du plan.
Le CIRC a cherché désespérément une réflexion intelligente, à défaut d’une proposition acceptable. Las ! toujours la même rengaine si loin de la réalité, une politique en la matière dictée par des considérations fantasmagoriques et démagogiques, si loin de ce que réclament les spécialistes de l’addictologie. Politique dont les seuls effets à prévoir sont toujours plus de tracas pour tous les citoyens – car chaque citoyen, surtout s’il est jeune , peut être soupçonné d’usage – et seuls quelques secteurs, comme les boîtes de communication ou les laboratoires fabriquant les tests de dépistage, profiteront de ces centaines de millions d’euros dilapidés, et à la clé encore près de 100.000 personnes qui encombreront inutilement les services judiciaires. Car, avec une telle indigence dans la réflexion, l’objectif annoncé de faire reculer la consommation de cannabis, comme autre justification, n’a aucune chance d’être atteint. « Casser l’expansion du cannabis», cela ne fera que « casser » les usagers, qui sont vos voisins, vos collègues et parfois aussi vos proches.