Libération : Les effets de manches de la droite sur la drogue
Les effets de manches de la droite sur la drogue
Peu d'innovations dans le nouveau plan de lutte de la Mildt.
Par Matthieu ECOIFFIER
lundi 08 mars 2004
N 'était le contexte passionnel sur le vin, le tout nouveau plan de la Mildt
n'apporte aucun changement majeur. Très attendu par les professionnels qui
ont dénoncé «l'absence de politique [gouvernementale] en matière
d'addiction» (Libération du 15 décembre), il s'inscrit dans la continuité.
«Tout ça pour ça !» commente un expert proche du dossier qui juge ce travail
«plein de bonnes intentions mais sans véritables moyens, ni ossature
politique. Ne rien faire depuis deux ans pour accoucher de cela est
scandaleux. Cela prouve que, sur les drogues, la marge de manoeuvre est
étroite et s'inscrit désormais dans un cadre européen».
Chasse au chanvre. Incantatoire ? Il faut «casser l'expansion du cannabis»,
est-il ainsi martelé. Traduction dans les «objectifs prioritaires à cinq
ans» : «Baisse de l'usage régulier du cannabis parmi les adolescents : -25
%.» Comment ? Outre la nomination dans chaque collège et lycée d'un
«coordinateur» pour piloter la prévention, des «consultations spécifiques»
pour les jeunes et leurs parents seront créées, ainsi qu'une ligne Cannabis
Info Service. Surtout, la réforme prochaine de la loi de 1970 menacera les
adeptes du joint non plus de prison mais de contraventions autrement plus
efficaces. Mais, si «le principe des objectifs chiffrés pour évaluer la
prévention est une bonne chose, [...] pour les drogues, renforcer leur
caractère illicite va conduire à des usages clandestins. Et à une
sous-déclaration dans les enquêtes auprès des jeunes. Le gouvernement
obtiendra un effondrement de la consommation du cannabis qui n'aura rien à
voir avec la réalité», avance Philippe Batel, alcoologue à l'hôpital
Beaujon.
Centre d'accueil. L'autre faiblesse du dispositif réside dans l'abandon des
Centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa),
qui ne sont pas mentionnés. Pas question de recevoir ensemble un alcoolique
et un toxicomane, a indiqué Jean-François Mattei. Le rapport Parquet-Reynaud
(1998) avait pourtant alerté sur la nécessité d'avoir une structure
d'accueil pour 100 000 habitants et au moins une par département. Or il en
manque la moitié. Le plan prône le renforcement de ces structures sans
aborder leur financement. «Rapprocher les centres alcool et ceux pour les
toxicomanes existants aurait permis d'être efficace rapidement», déplore le
docteur Batel.
En revanche, deux mesures anecdotiques sont présentées comme «innovantes».
D'une part, la prescription, dans deux centres, d'héroïne médicalisée pour
les toxicomanes imperméables aux produits de substitution classiques.
D'autre part, l'annonce du retour des «communautés thérapeutiques». «Ce
modèle discrédité dans le passé pour ses dérives autoritaires peut être
bénéfique», assure la Mildt. Ces groupes d'entraide d'ex-usagers, sans suivi
médical, sont peu chers. L'obsession de l'abstinence qui y prévaut devrait
plaire aux sénateurs UMP qui ont proposé des centres fermés pour les
toxicomanes plusieurs fois condamnés.
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