Rencontre avec Mr Nice: Hash comme Howard
Par Arnaud Aubron
source : http://blogs.lesinrocks.com/droguesnews ... me-howard/
Ses cheveux, toujours aussi longs, ont blanchi, son ventre a un peu enflé et sa toux est devenue plus grasse à force de pétards et de cigarettes roulés de main de maître. Le discours, lui, n’a pas pas changé, pas plus que ce rire franc et cet accent gallois qui s’échappent du fond de la salle huit ans après notre première rencontre, dans ce même Musée du fumeur, antre de Michka, son éditrice française (1). A eux deux, Howard et Michka ont écrit parmi les plus belles pages du petit peuple de l’herbe. A elle la théorie, à lui les travaux pratiques. Il en a payé le prix : près de dix ans de prison.
C’est que cet avenant sexagénaire en promo pour un biopic sorti en France ce mercredi, fut le Pablo Escobar du hasch des années 70. Un scénario en chichon armé dont la version papier, traduite en sept langues, s’est vendue à un million d’exemplaires. L’histoire d’un gamin de la vallée minière du Glamorganshire, au Pays de Galles, appelé à rejoindre l’élite du royaume à Oxford. Il y apprend la physique, la philosophie des sciences… et la vie de beatnik. Nous sommes dans les années 60, la guerre à la drogue n’a pas encore été déclarée, le hasch est l’apanage d’une élite éclairée et tout, pour son commerce, reste à inventer.
Comme dans tout ce qu’il entreprend, le jeune prof de physique y mettra une grande application. Transformant en dix ans un petit business entre amis en multinationale. Difficile pourtant de voir l’ennemi public numéro un derrière la tête de gondole idéale du flower power. C’est qu’à cette époque, tout se passait « sans violence » et « en payant le hasch à crédit », tient-il à préciser. Il fait tout de même des affaires avec l’IRA tout en entretenant des contacts avec les services secrets de sa majesté, ce qui lui vaudra de sortir blanchi d’un premier procès rocambolesque qui le fait connaître du grand public.
Il y prend goût, flambe, rencontre les Beatles ou les Stones tout en important en Angleterre et aux Etats-Unis des tonnes d’herbe et de hasch en provenance du Pakistan, du Maroc, de Colombie ou encore de Thaïlande. Jamais à court d’idées, il ira jusqu’à les planquer dans les enceintes de groupes de rock en tournée. Mais «quand on exerce la profession de dealer, vouloir être connu est un problème. Le meilleur trafiquant est un inconnu », me confiait-il il y a huit ans. Fin logique du deuxième acte, le 25 juillet 1988, l’ennemi public numéro un, trahi par les siens, est arrêté par les stups américains à Majorque.
Après cinq années passées à pratiquer le yoga dans le pénitencier fédéral de Terre Haute, dans l’Indiana, il apprend à se servir d’une machine à écrire pour rédiger ses mémoires et bâtir sa propre légende. Changement de business, mais géré avec la même efficacité. On le voit inculquer une leçon de savoir-vivre cannabique dans le film Human Traffic, jouer dans un clip des Happy Mondays, déclamer de la poésie en première partie de Supergrass ou raconter sa vie dans un one-man show à l’affiche depuis plus de dix ans… Pas un peu fatigué de ressasser toujours la même histoire? Il détourne la question: « C’est vrai que ça tourne toujours autour de moi et du hasch, mais le show a évolué… »
« Le succès m’est monté à la tête et j’ai toujours vécu comme cela », confie le personnage d’Howard en ouverture de « Mr Nice ». Un film adapté sans grande originalité de son autobiographie mais qu’il a trouvé « wonderful »
Même pas une petite critique? « L’absence de mes exploits (sic) asiatiques peut-être. Mais entre le film et le livre, on ne devrait pas comparer, ce sont deux choses différentes. Si demain on fait un cassoulet Howard Marks, ça sera très différent du film et du livre. » Vu comme ça… Et Bernard Rose, le réalisateur? « Très sympa ». Rhys Ifans, qui l’incarne à l’écran aux côtés de Chloé Sevigny? Tout autant « wonderful ». Il faut dire que cet autre Gallois est un ami. « Rhys m’a écrit quand j’étais en prison, puis nous sommes devenus amis quand il chantait pour les Super Furry Animals. Avant qu’il ne devienne acteur, on avait parlé de faire un film sur ma vie. » On comprend très vite qu’avec Howard, everything is « wonderful ». Chez un autre ça pourrait devenir agaçant, mais il a l’art et la manière. Ce n’est pas par hasard si, parmi toutes ses identités d’emprunt, Mister Nice a choisi ce surnom.
Un indécrottable optimiste, donc. Surtout à propos de la légalisation, pour laquelle il s’est symboliquement présenté aux législatives en 1997. « On ne va pas tout d’un coup être autorisé à fumer des joints dans la rue, malheureusement la légalisation sera un long processus. Mais la direction que l’on prend actuellement est la bonne », m’assure-t-il, regrettant juste de ne pas pouvoir y assister aux premières loges, en Californie, où il est toujours interdit de séjour.
Sinon, d’autres projets? « Un roman qui sort en Angleterre et qui s’appelle Sympathy for the devil ». Pour les Stones? « Non parce que ça parle de satanisme. » Ça parle aussi du Pays de Galles et de drogues. Mais promis, cette fois, ça ne parle pas de lui.
Arnaud Aubron
(1) « Mr Nice » est réédité ce mois-ci en version augmentée chez Mama Editions.
Photo: Renaud Monfourny