Source: https://www.lefigaro.fr/actualite-franc ... r-20200812
« Circuits courts » , distribution facile : la production française en
plein essor
Cornevin Christophe
ccornevin@lefigaro.fr
SOUCIEUX de tout savoir du produit qu'il consomme et de ne plus
contribuer à enrichir les narco-caïds, le fumeur de joints est de plus
en plus séduit par les circuits courts. De facto, il se replie sur la
production domestique. Comme le relate l'Observatoire français des
drogues et des toxicomanies (OFDT), reprenant le Baromètre santé 2017 de
Santé publique France, environ 7 % des usagers de cannabis auraient eu
recours à l'autoculture. Soit entre 150 000 et 200 000 personnes,
essentiellement des hommes de 35 à 44 ans.
Le nombre estimé de ces cultivateurs clandestins pourrait même être
aujourd'hui bien supérieur. Dopé par la multiplication des sites de
commerces en ligne de graines et autres boutures, en lien avec des
boutiques installées aux Pays-Bas, il profite aussi de la vogue des «
growshops » , ces magasins d'horticultures « indoor » qui proposent la
parfaite panoplie du petit jardinier en appartement. Le tout en évitant
bien sûr d'employer le vocable « cannabis » pour ne pas éveiller
l'attention des forces de l'ordre, dont l'odorat est aiguisé. Alertés
par de forts effluves de cannabis alors qu'ils patrouillaient dans le
centre-ville de Jarnac, les gendarmes ont ainsi décidé de prendre une
échelle pour voir de l'autre côté du mur. Là, dans une serre bien
aménagée, 139 pieds de marijuana poussaient à différents stades de
maturité. Le « cannabiculteur » , âgé de 28 ans, surpris avec trois
armes, a tenté d'expliquer qu'il s'agissait là de sa consommation
personnelle.
À Trans-en-Provence, ce sont 264 pieds hauts de 1 m à 1,50 m qui ont été
découverts juste avant une prometteuse récolte. Des bocaux remplis de «
têtes » , c'est-à-dire les fleurs recelant une concentration des
substances psychoactives, et tout un matériel, dont des lampes et des
extracteurs d'air, témoignaient d'une activité soutenue. Derrière le
côté artisanal de la démarche, les policiers observent l'essor en
métropole de « cannabis factories » , c'est-à-dire, comme l'a décrit
l'ODFT, de « véritables plantations comportant des centaines, voire des
milliers de pieds » .
Du matériel vite amorti
À Roubaix, le 6 novembre dernier, la police judiciaire de Lille avait
ainsi réalisé la saisie de 8 000 plants de cannabis dans un entrepôt de
2 000 mètres carrés en plein centre-ville. Irrigué, chauffé et ventilé,
ce champ clandestin est le plus grand jamais mis au jour sur le
territoire national. « La période du confinement a permis de constater
que, face aux difficultés d'acheminement du cannabis de l'étranger par
voie terrestre, nombre de trafiquants se réorientaient vers la culture
indoor sur le territoire national, observe le contrôleur général Samuel
Vuelta-Simon, chef adjoint de l'Office anti-stupéfiants (Ofast). À
l'instar des commerces légaux, les organisations criminelles cherchent à
produire au plus près des zones de consommation pour diminuer les
risques et les coûts liés à la logistique du transport : on constate que
ces cultures, qui étaient traditionnellement implantées dans le secteur
rural, sont de plus en plus présentes en zone urbaine. »
Fin connaisseur des trafics rattaché à la Direction centrale de la
police judiciaire (DCPJ), ce magistrat l'assure : « Les gains obtenus
sont rapides et très élevés. Si l'on considère qu'un cycle de production
dure environ onze semaines et qu'une installation bien conçue peut
produire cinq récoltes par an, le matériel nécessaire est très vite
amorti. »
Désormais, l'Ofast estime que « la récolte d'un millier de plants
représente une contre-valeur d'environ 150 000 euros et la production
d'un an avoisine les 740 000 euros » . Surfant sur cette consommation
très en vogue, certains trafiquants n'hésitent plus à abuser leur
clientèle en proposant à la vente de vulgaires plantes séchées
ressemblant à des plants de cannabis et aspergées de principe actif de
synthèse (THC). C. C.