Cannabis : « Les bourges font tourner le business »

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Cannabis : « Les bourges font tourner le business »

Messagepar jack1 » 02 Déc 2018, 19:51

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SOCIÉTÉ
Cannabis : « Les bourges font tourner le business »
Près des beaux quartiers, les cités des Hauts-de-Seine, comme Petit Colombes, sont une terre fertile pour le trafic de stupéfiants.
Par Louise Couvelaire Publié hier à 06h13, mis à jour hier à 12h28



La petite vingtaine, tout en cheveux, les mains dans les poches d’un jean qui lui colle aux jambes, des écouteurs vissés aux oreilles, il a été repéré à la sortie de la station de tramway Victor-Basch, au cœur du quartier populaire du Petit Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Pas besoin d’être un pro du business pour comprendre que le garçon a ses habitudes dans le coin.

« On les voit venir à vingt bornes les p’tits gars comme lui, y a qu’à voir leurs fringues, commente un habitant. Ici, c’est un quartier cosmopolite et pas riche, ils n’ont aucune raison de venir ici à part acheter de la drogue. » Stanislas (le prénom a été modifié) arrive tout droit de Puteaux et sait manifestement où il va. « Hop hop hop, regardez-le, et voilà… direct vers les Côtes-d’Auty, l’un des plus gros points de vente du coin », se marrent deux copains du quartier, 20 ans, assis sur un banc aux abords de l’arrêt du tramway, en suivant du regard Stanislas.

Le département des Hauts-de-Seine figure historiquement parmi les territoires les plus touchés par la consommation et le trafic de stupéfiants. Sa position géographique en fait une terre fertile pour le deal : il longe les quartiers les plus riches de la capitale et abrite plusieurs villes parmi les plus nanties d’Ile-de-France, comme Neuilly-sur-Seine, Boulogne-Billancourt, Levallois-Perret ou encore Issy-les-Moulineaux. Là où se logent les meilleurs clients, comme Stanislas.

« Des pauvres des quartiers, il y en a qui achètent, bien sûr, mais le gros du chiffre d’affaires ne vient pas d’eux, tout le monde le sait, commentent les deux copains du Petit Colombes qui jurent – un sourire en coin – ne pas vendre. Les gens passent leur temps à montrer les jeunes de banlieue du doigt, mais ils oublient de rappeler que ce sont les bourges qui font tourner le business ! » Publiée en février 2017, l’enquête sur les « Usages de drogues des adolescents à Paris et en Seine-Saint-Denis », menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), avait révélé que les jeunes de l’Ouest francilien, Parisiens inclus, étaient bien plus nombreux à consommer des substances psychoactives que ceux résidant en Seine-Saint-Denis et dans le reste de la région.

« Coin glauque »

Le marché du cannabis, évalué à plus d’un milliard d’euros par l’Insee, se divise en deux segments. Aux plus jeunes et aux plus démunis, l’achat au pied des cités. « On voit beaucoup de mineurs et de plus en plus de filles », observe l’ancien colonel de gendarmerie Alain Faugeras, chargé de la police municipale de Colombes, qui compte 65 agents armés. Parfois, aussi, ils aperçoivent des salariés de la Défense qui s’arrêtent faire leur shopping en rentrant chez eux. La livraison à domicile, en plein essor, s’adresse davantage aux plus âgés et aux plus riches.

Cela fait longtemps que Simon et Francesca (les prénoms ont été changés) ne « s’emmerdent plus » à faire la queue dans les cités. Dans l’Ouest parisien, il y a un âge où l’on ne se déplace plus. Pendant des années, lorsqu’ils étaient étudiants, ils se rendaient porte de Vanves, « dans un coin glauque » du 14e arrondissement de Paris, à la lisière des Hauts-de-Seine, où les attendait Omar, que les clients avaient rebaptisé « crabe ». Du passé tout ça. Leur came, ils la commandent désormais depuis leur canapé et se la font livrer au prix fort sur le pas de leur porte : jusqu’à 800 euros la commande.

Simon et Francesca ont 45 ans, trois enfants, un grand appartement haussmannien dans le 16e arrondissement de la capitale, deux gros salaires et trois dealeurs. Au fil des ans, ils ont tissé une vraie « relation client » avec les deux premiers, qui leur livrent du « shit » et de la « beuh » (résine et herbe de cannabis). Pour le troisième, qui les fournit en cocaïne, c’est une autre histoire, ils composent le numéro d’une « centrale d’appels » qui ne leur envoie jamais deux fois le même livreur. « Il est important de diversifier ses sources d’approvisionnement. Si l’un d’eux tombe… », explique Simon, qui fait défiler les « promos » de la semaine sur son téléphone : « Une bouteille de champagne achetée, une offerte », « La nouvelle collection d’hiver est arrivée : deux robes pour le prix d’une. »

Dans ces messages, les vendeurs ne font jamais explicitement mention de produits stupéfiants. « Les clients trentenaires ou quadras que l’on voit dans la rue sont ceux qui ont peur de donner leur numéro de téléphone aux dealeurs », précise Jean-François Galland, chef de la sûreté départementale des Hauts-de-Seine et ancien commissaire de police de Colombes.
Stanislas doit attendre encore quelques années avant de pouvoir prétendre à un tel confort de consommation. Il claque une partie de son argent de poche en joints, soit quelques dizaines d’euros par mois. Or, la plupart des dealeurs ne se déplacent pas pour une commande à 20 euros.

Cité à taille humaine

Avec l’arrivée du tramway à Colombes, en 2012, qui relie le pont de Bezons (Val-d’Oise) à la porte de Versailles (Hauts-de-Seine) en passant par la Défense, le deal a explosé dans les cités du nord du 92 et du sud du 95 : chaque jour, il déverse son flot de jeunes consommateurs issus des beaux quartiers de l’Ouest parisien qui viennent faire leurs emplettes illicites. Stanislas passe en quinze minutes à peine de sa banlieue cossue à son point de vente favori. « En plus, les cités du 92 sont à taille humaine, souligne le jeune homme. Elles ne font pas peur. »

Dans les rues du Petit Colombes, Stanislas détonne. Il le sait et il s’en fiche. C’est même tout le contraire, parfois, ça l’arrange. A chaque nouvel échange de tirs entre trafiquants rivaux, les points de vente se déplacent de quelques dizaines de mètres pour plusieurs semaines. C’était le cas fin avril, lorsque trois jeunes âgés de 12 à 17 ans ont été blessés par balles au niveau du 222, boulevard Charles-de-Gaulle. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant qu’un rabatteur repère Stanislas et l’oriente vers le nouveau lieu de vente.

Lire aussi Il n’y a jamais eu autant de consommateurs réguliers de cannabis en France

Depuis quelques années, les règlements de comptes à l’arme à feu entre réseaux concurrents se succèdent au Petit Colombes : les Côtes-d’Auty affrontent régulièrement le « 555 », aussi appelé la « cité Total ». Ici, comme ailleurs dans le 92, les « plans stup » se succèdent. « Nous mettons régulièrement en place des plans d’action spécifiques, c’est-à-dire qu’on met le paquet sur un secteur : ce sont des opérations coordonnées avec le commissariat, la sûreté départementale, les douanes, les bailleurs, le groupement d’intervention régional, le GIR [groupe d’intervention régional], le tout en accord avec le parquet et avec un renforcement de la réponse pénale, explique Jean-François Galland. C’est le cas en ce moment sur certains points de vente, tous les services collaborent et échangent des informations. »

Ces opérations permettent de gêner le trafic et obligent les dealeurs à se déplacer. « Non seulement cela désorganise les réseaux, mais cela peut aussi s’avérer dissuasif en insécurisant les jeunes consommateurs », estime Emmanuelle Lepissier, vice-procureure de la République au tribunal de Nanterre. Histoire de leur flanquer un peu la trouille et les décourager. Mais gare à la colère des parents « bourgeois » : « Dans les familles bien installées dans la vie, il y a clairement une forme de permissivité vis-à-vis de la consommation de cannabis, note Jean-François Galland. Il est arrivé que certains écrivent pour s’indigner de l’arrestation de leur enfant ! Dans les familles issues de milieux populaires, c’est souvent le contraire : il y a une tolérance zéro. »

Dans le cadre du projet de loi sur la réforme de la procédure pénale, le gouvernement souhaite que l’usage du cannabis puisse être sanctionné d’une « amende forfaitaire délictuelle » d’un montant de 200 euros, censée refroidir les consommateurs. « Ce qui est dégueulasse, c’est que ce sont les pauvres qui vont trinquer à cause de ces contraventions, pestent les deux copains du Petit Colombes. Ils vont avoir des emmerdes parce qu’ils ne pourront pas les payer, tandis que pour les riches, ce ne sera qu’une petite formalité. »

Selon Simon et Francesca, ils n’ont pas tort. « J’en ai rien à foutre des contraventions, dit-elle. Je paierai et puis voilà. » Même Stanislas a déjà tout prévu : « Faudra simplement que je l’intègre dans mon budget beuh. » A condition, toutefois, de ne pas se faire « choper » trop souvent.
Louise Couvelaire
Les nanas sont de sortie !

Jdc Bambata tikiseedbank !

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