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G8
A quoi ça sert tout ça?
Cette année, les pays riches accentuent leur aide aux plus pauvres.
Par FILIPPIS Vittorio DE et Christian LOSSON
samedi 02 juillet 2005 (Liberation - 06:00)
«A quoi ça sert, tout ça ?» Bonne question, que ne manquent pas de poser cyniques, pessimistes et autres experts déçus du développement, mais pas seulement. «Ça ne changera pas la face du monde. Mais ça sert à faire pression sur les pays riches pour qu'ils tiennent leurs promesses», répondent les activistes, qui, de coalitions d'ONG (comme «2005, plus d'excuses» en France) aux concerts de solidarité, ne se sont jamais autant mobilisés. Certes, mais pas seulement. Un seul slogan de générosité ne suffit pas à fédérer la moitié du globe devant sa télé. Quelques leçons du passé auraient-elles été retenues ? «En 1985, pour Live Aid, on faisait du charitable, de l'humanitaire, confie Geldof. Aujourd'hui, on fait de la politique. Nuance. On tente de remonter à la source des maux.»
Contre-expertise. «A quoi ça sert ?» A faire sortir du cercle confiné des experts les questions de solidarité Nord-Sud. Car la mondialisation n'est pas qu'affaire de délocalisation en Amérique latine ou de concurrence sauvage avec l'Asie. «Elle est aussi affaire d'un monde dont on a enfin conscience qu'il est laissé pour compte, oublié par la globalisation, souffle encore Geldof. L'Afrique.» De fait, le continent représente une écrasante majorité des 57 pays aujourd'hui plus pauvres qu'ils ne l'étaient il y a vingt ans. Et le fossé entre riches et pauvres, que ce soit entre pays ou à l'intérieur des pays, même riches, ne cesse de se creuser. Ces questions-là ont commencé à avoir une lisibilité médiatique à Seattle, en 1999, lors du sommet de l'OMC. Depuis, les ONG ont planché comme jamais. Echangé avec des réseaux des pays du Sud. Acquis une contre-expertise pour débattre d'égal à égal avec des «experts» des gouvernements et des institutions internationales.
«Ces mobilisations, ça nous ouvre des espaces», dit ainsi Nicolas Guihard, de la GCAP, la plus grande coalition d'ONG jamais montée pour lutter contre la pauvreté (Libération de vendredi). «A l'ONU, la semaine dernière, plus de 50 délégués d'ONG ont pris la parole lors d'un sommet préparatoire à l'Assemblée générale qui sera consacrée en septembre aux Objectifs du millénaire [diminuer la pauvreté dans le monde de moitié d'ici à 2015]. Du jamais vu.» Mais pas seulement. La mobilisation des réseaux de solidarité a ouvert des portes... celles du 10 Downing Street à Londres, de l'Elysée, à Paris. «On ne nous prend plus pour des guignols, résume un militant d'Oxfam. On nous écoute.» Et on commence presque à entendre.
«A quoi ça sert ?» A engranger quelques petites avancées. Le 24 mai, l'Union européenne s'est engagée à porter son aide au développement à 0,56 % du PIB en moyenne en 2010, puis 0,7 % en 2015. Promesse déjà formulée il y a trente-cinq ans. Mais, là, un calendrier est sur les rails. Autre avancée, l'annulation de la dette des pays en développement. Après des années d'avancées-escargots, le G8 a fini par lâcher un peu de lest. Ainsi, 18 pays très pauvres vont voir leur ardoise rayée. Rien à voir avec «l'accord historique». Un premier pas. Mais si injecter du cash n'inversera pas la tendance, arrêter d'en pomper peut déjà aider : si les pays riches ont lâché près de 450 milliards de dollars depuis quarante ans, ils en ont récupéré beaucoup plus, notamment via les intérêts de la dette...
«A quoi ça sert ?» A reconsidérer les utopies d'hier. Comme l'idée d'un impôt mondial (sur les billets d'avion par exemple) pour booster l'aide, tabou hier, pourtant appuyé par 110 pays aujourd'hui. Ou une facilité internationale de paiement, défendue à Londres. Total recherché : 50 milliards de dollars de plus par an. Cela sert aussi à reconsidérer le cercle classique de l'assistanat du donneur/receveur. C'est tout l'objet de la campagne «fair trade», pour un commerce plus juste. Son mérite : démontrer que si les règles commerciales changent, si les pays riches jouent le jeu au lieu de se protéger après avoir poussé les pays pauvres à s'ouvrir, de nouvelles régulations sont possibles.
Surenchère. «A quoi ça sert ?» A être une sorte de ponctuation d'une année 2005 où l'on n'a jamais autant parlé de développement. Et où, du rapport Sachs à celui sur la Commission pour l'Afrique lancée par Blair, des idées dépoussiérantes émergent. Résultat : on assiste, à quatre jours du début du G8, à une quasi-surenchère pour savoir qui, des chefs d'Etat du club des pays riches, lâchera le plus de lest. Il n'y a qu'à voir, par exemple, comment George Bush, dans les cordes avec 0,16 % de PIB versé au Sud, décide avant-hier de doubler son aide à l'Afrique en 2010. Les négociations sur le climat l'illustrent tout autant, où Tony Blair ne veut pas un compromis au rabais. Vendredi, il a menacé Bush de faire une déclaration commune sans les Etats-Unis si Washington campait sur son refus de reconnaître l'impact humain dans l'effet de serre. Une première si la menace va à son terme
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