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Les associations homo votent oui à la Constitution de l'UE
Argument décisif: l'intégration de la Charte des droits fondamentaux, qui
combat «les discriminations fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle».
Par Thomas LEBEGUE
lundi 28 mars 2005 (Liberation - 06:00)
a Constitution européenne est-elle gay friendly ? A en croire les
responsables des principales associations de défense des homosexuels, la
réponse est oui. Sans ambiguïté. Selon une analyse du traité réalisée et
diffusée par l'Ilga (International Lesbian and Gay Association), qui s'était
beaucoup battue pour faire démissionner le commissaire italien Rocco
Buttiglione après ses déclarations homophobes, le texte qui sera soumis à
référendum le 29 mai en France comporte plusieurs avancées non négligeables
pour les gays et les lesbiennes.
Les articles I-2 et I-3 classent parmi les valeurs de l'Union le «respect
des droits des personnes appartenant à des minorités», et, parmi ses
objectifs, «le combat contre les discriminations». Dans la charte des droits
fondamentaux est de surcroît «interdite toute discrimination fondée
notamment sur le sexe, la race (...) ou l'orientation sexuelle» (article
II-81). Enfin, dans la partie consacrée aux compétences de l'UE, il est
précisé qu'«une loi européenne peut établir les mesures nécessaires pour
combattre toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle» (article
III-124). Mais, souligne l'Ilga, «toute nouvelle loi en ce sens devra
malheureusement recueillir l'unanimité des Etats membres». Ce qui limite
beaucoup la portée de ce nouveau pouvoir législatif.
L'effet Boutin. Pour les gays, c'est surtout l'esprit de la Constitution qui
prévaut. Cet esprit qui défrise Christine Boutin, leur ennemie de toujours,
perpétuellement prompte à débusquer la moindre concession à la communauté
homosexuelle. La députée (UMP) des Yvelines, membre du Conseil pontifical de
la famille, a en effet annoncé que son groupuscule catholique (le Forum des
républicains sociaux) appellerait à voter non au traité. Avec cet argument :
il favoriserait indirectement le mariage entre personnes du même sexe et
l'adoption d'enfants par les homosexuels. «Le genre de déclaration qui nous
donne très envie de voter oui», glisse Alain Piriou, porte-parole de
l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et transsexuel).
Le premier à réagir fut Jean-Luc Romero , conseiller régional UMP et
président d'Aujourd'hui autrement. Dès qu'il a pris connaissance de la
position de Boutin, il a lancé un «appel» à tous les homosexuels pour qu'ils
votent oui au référendum du 29 mai. «L'Europe a toujours été porteuse
d'avancées et d'égalité pour les minorités, notamment pour les gays et les
lesbiennes, souligne-t-il. Et puis je trouve ça un peu fort que Boutin
refasse son fonds de commerce sur les homos.» Pour défendre son credo
européen, il affirme que la Haute Autorité de lutte contre les
discriminations, récemment créée par Jacques Chirac, est une émanation
directe des textes de l'Union.
Ce genre d'appel électoral reste une exception dans la communauté gay.
Jusque-là, ce sont plutôt les hommes politiques ouvertement homophobes qui
faisaient l'objet d'appel au boycottage. Mais l'initiative de Romero a fait
bouger les choses. Notamment à la LGBT. «C'est une question qui me travaille
depuis un petit moment. Ce serait bien que l'Inter-LGBT puisse donner un
avis sur ce traité», dit Alain Piriou, qui, à titre personnel, se déclare
très favorable à la Constitution. Il y a six mois, alors que le débat
européen faisait rage au PS, l'éditorialiste du magazine Têtu, Thomas
Doustaly, avait déjà pris position en faveur du texte : «Je suis très énervé
par le système référendaire, qui oblige à donner une réponse simpliste à des
enjeux compliqués. Mais je suis quand même obligé de constater la
corrélation systématique entre l'amélioration des droits des minorités et la
Construction européenne, notamment dans les pays du sud de l'Union.» Lui qui
se situe «à la gauche du PS» a dû faire un choix difficile : «L'orientation
libérale du traité m'emmerde, mais pas au point de voter non.» Selon
l'éditorialiste de Têtu, le système référendaire oblige les homos de gauche
à «se saucissonner, à être plus pédé que travailleur».
«Argument décisif». Au sein du groupe Homosexualités et socialisme, qui
regroupe des gays, militants au PS, le débat a été tranché lors du
référendum interne du parti en décembre. Résultat : 71 % de oui à la
Constitution, soit 12 points de mieux que le score national des socialistes.
«Tous les courants du PS sont représentés chez nous, précise Alexandre
Carelle, président d'Homosexualités et socialisme. Mais pour les gays,
l'intégration de la Charte des droits fondamentaux à la Constitution
européenne est un argument décisif.» Si, le 29 mai, le traité est adopté de
justesse, les partisans du oui sauront à qui dire merci.
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