Y aurait t'il de l'alcool sur les faits ?
Tué par des gendarmes, enterré par la justice
L'enquête sur la mort de Mourad, en 2003 dans le Gard, ne tient pas compte du mensonge du chef de patrouille.
Par Pierre DAUM
jeudi 24 février 2005 (Liberation - 06:00)
Montpellier correspondance
ans la nuit du 2 mars 2003, Mourad, 17 ans, mourait sous les balles de gendarmes de la brigade de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), alors qu'il s'enfuyait à bord d'une voiture sur une route de campagne (Libération des 4, 5, 7 et 17 mars 2003). Depuis, l'enquête piétine. Pire, elle s'emmêle les pieds, empêtrée dans une étonnante histoire de dépositions mensongères et de photos secrètes.
Lors de la reconstitution, peu de temps après les faits, le chef de patrouille avait affirmé être sorti de sa voiture son arme à la main, puis avoir ordonné à ses deux subordonnés de tirer. Alors que Mourad, sans arme, ne cherchait qu'à échapper aux gendarmes, ceux-ci déchargeront sur sa voiture pas moins de 17 balles. Une d'entre elles lui traversera le crâne et le tuera. A l'automne 2004, coup de théâtre : lors d'une nouvelle déposition devant le juge d'instruction, le chef de patrouille avoue avoir complètement menti jusqu'ici : «Je n'ai [pas] sorti mon arme [...] et à aucun moment je n'ai donné l'ordre de tirer.» Il affirme même, plus loin : «C'est sur ordre que j'estime avoir décidé de dire aux membres de la patrouille de déclarer dans leurs auditions que j'avais donné l'ordre de tirer.» Le juge décide alors d'entendre les deux subordonnés, qui confirment les propos de leur supérieur : «Le chef X. est venu discuter avec moi et m'expliquer qu'il fallait que les choses soient carrées, donc qu'il n'y ait pas de divergences entre nous. Il présentait cela comme indispensable à la défense de ce qu'il appelait l'esprit gendarmesque.» Prévenu du revirement des déclarations des gendarmes, l'avocat de la mère de Mourad, François Roux, demande au juge d'organiser une nouvelle reconstitution. Et incidemment, de mettre le chef de patrouille en examen pour subornation de témoin. Refus catégorique du juge. Qui considère que «ce mensonge avéré et reconnu n'a été d'aucune influence sur le déroulement des faits». «C'est bien évidemment le contraire ! dénonce François Roux. Car si le chef de patrouille n'a pas sorti son arme et n'a pas donné l'ordre de tirer, c'est bien qu'il considérait qu'il n'y avait aucun danger. Or les textes qui encadrent l'utilisation des armes à feu chez les forces de l'ordre sont très précis. Il doit s'agir d'une situation d'absolue nécessité, ce qui n'était visiblement pas le cas.»
La famille de Mourad, autour de laquelle s'était fortement mobilisé le quartier de Valdegour, à Nîmes, a du mal à comprendre un tel blocage judiciaire. «Nous, on veut simplement savoir ce qui s'est réellement passé cette nuit-là, affirme Rabia Benaziz, la mère de la victime. Or là, j'ai l'impression qu'ils nous cachent quelque chose.» Une impression renforcée par un mystérieux album de photographies, sur lesquelles on verrait les gendarmes incriminés participant à une fête de la caserne, le soir même de la mort du jeune homme. Un album placé sous scellés, dont l'avocat réclame en vain une copie depuis des mois.
Le conseil municipal de Saint-Hippolyte a voté une motion de soutien aux gendarmes. Et les policiers municipaux avaient distribué aux habitants une pétition : «Suite aux événements [...] la population veut témoigner toute sa sympathie dans les moments difficiles que vous traversez.»
© libération | designed by neo05
licence | données personnelles | charte d'édition
Syndication RSS 2.0