Petit panorama des philosophes et de la "drogue"
Posté: 21 Jan 2013, 03:53
Extraits choisis du livre Les philosophes : vie intime (PUF) et plus particulièrement du chapitre « drogue et alcool, ou pas ? » :
Le sophiste Hippias a une telle mémoire qu’on le soupçonne de prendre une drogue, mais laquelle ? Encore une calomnie contre la sophistique !
Héraclite, le premier rationaliste tranche : « Quand un homme est ivre, titubant, il est conduit par un jeune enfant. Il ne sait pas où il va, il a l’âme humide. »
Un philosophe est sec et froid. Hobbes évite « le vin et les femmes ». Un philosophe est sobre et ascétique. En fait non : Hobbes fume quand même « ses dix à douze pipes de tabac » par jour. Spinoza fume parfois « une pipe de tabac », mais pour se distraire, pas pour obtenir une stimulation artificielle. Malebranche ne peut méditer qu’à condition de prendre son café et de mâcher du tabac. Kant se contrôle, du moins partiellement. S’il ne tire qu’une pipe de tabac par jour, il prise beaucoup et, jeune, on l’a surpris ivre plus d’une fois. Marx fume à l’excès cigarettes et cigares de La Havane ; Un rapport de police, signé par Wilhelm Strieber, futur chef des services secrets de Bismarck, en 1850, dit ceci de Marx : « Souvent il est ivre, souvent il flâne toute la journée. Mais, quand il a un travail à faire, il y passe le jour et la nuit. »
[…]
« Sartre, débutant dans le métier de philosophe, s’intéresse à ce qui distingue perception et image, image et concept. Il veut mesurer la « fonction irréalisante » de l’image, sa puissance à poser son objet comme absent. Il n’est ni favorable à la conception chosiste de l’image ni satisfait de l’approche purement théorique de la phénoménologie. Il faut une expérience, une expérience autre. En février 1935, il se fait faire par le Dr Lagache, à l’hôpital Saint-Anne, une injection de mescaline, un hallucinogène qui donne des nausées autant que des hallucinations visuelles. S’ensuit une dépression, pour six mois, accompagnée d’hallucinations, où il se voit poursuivi par des crabes, des pieuvres et des langoustes. On ne s’improvise par Henri Michaux. Plus tard, Sartre devient dépendant de quantité de produits toxiques : cigarettes, pipes, alcool, bière, excitants, somnifères. Sartre est un alcoolique, on ne peut le nier. Et grand consommateur de drogues médicamenteuses. Il a écrit Critique de la raison dialectique « sous corydrane » et orthédrine. Il avoue : « Je prenais non pas une pastille de corydrane mais dix à chaque jour. (…) Un tube d’orthédrine me faisait une journée. (…). Ecrire, en philosophie, consistait en somme à analyser mes idées, et un tube de corydrane c’était : telles idées seront analysées dans les deux jours qui viennent. » Ces amphétamines sont un excitant du système nerveux central. Les stupéfiants ne créent pas du Sartre, ils accélèrent du Sartre. (souligné par le gris)
Seul Walter Benjamin avoue goûter au haschich, dès 1927, avec un autre philosophe, Ernst Bloch. Il meurt en se suicidant à coups de cachets de morphine, donc d’opium. Très bêtement. Benjamin fuit de France en Amérique via l’Espagne, pour éviter l’internement administratif promis, depuis 1939, aux « ressortissants du Reich » qui ne plaisent pas à Pétain. Au poste frontière de Port-Bou, le 26 septembre 1940, les douaniers espagnols lui font croire qu’ils vont lui refuser l’entrée. Ils veulent seulement lui soutirer de l’argent. Il les croit, il se tue. Oui, mort bête de celui qui croit à un mensonge, mort bête de celui qui préfère la morphine à la discussion.
Conclusion du chapitre : Un philosophe résolu veut droguer les autre à sa doctrine, surtout pas se droguer lui-même.
Le sophiste Hippias a une telle mémoire qu’on le soupçonne de prendre une drogue, mais laquelle ? Encore une calomnie contre la sophistique !
Héraclite, le premier rationaliste tranche : « Quand un homme est ivre, titubant, il est conduit par un jeune enfant. Il ne sait pas où il va, il a l’âme humide. »
Un philosophe est sec et froid. Hobbes évite « le vin et les femmes ». Un philosophe est sobre et ascétique. En fait non : Hobbes fume quand même « ses dix à douze pipes de tabac » par jour. Spinoza fume parfois « une pipe de tabac », mais pour se distraire, pas pour obtenir une stimulation artificielle. Malebranche ne peut méditer qu’à condition de prendre son café et de mâcher du tabac. Kant se contrôle, du moins partiellement. S’il ne tire qu’une pipe de tabac par jour, il prise beaucoup et, jeune, on l’a surpris ivre plus d’une fois. Marx fume à l’excès cigarettes et cigares de La Havane ; Un rapport de police, signé par Wilhelm Strieber, futur chef des services secrets de Bismarck, en 1850, dit ceci de Marx : « Souvent il est ivre, souvent il flâne toute la journée. Mais, quand il a un travail à faire, il y passe le jour et la nuit. »
[…]
« Sartre, débutant dans le métier de philosophe, s’intéresse à ce qui distingue perception et image, image et concept. Il veut mesurer la « fonction irréalisante » de l’image, sa puissance à poser son objet comme absent. Il n’est ni favorable à la conception chosiste de l’image ni satisfait de l’approche purement théorique de la phénoménologie. Il faut une expérience, une expérience autre. En février 1935, il se fait faire par le Dr Lagache, à l’hôpital Saint-Anne, une injection de mescaline, un hallucinogène qui donne des nausées autant que des hallucinations visuelles. S’ensuit une dépression, pour six mois, accompagnée d’hallucinations, où il se voit poursuivi par des crabes, des pieuvres et des langoustes. On ne s’improvise par Henri Michaux. Plus tard, Sartre devient dépendant de quantité de produits toxiques : cigarettes, pipes, alcool, bière, excitants, somnifères. Sartre est un alcoolique, on ne peut le nier. Et grand consommateur de drogues médicamenteuses. Il a écrit Critique de la raison dialectique « sous corydrane » et orthédrine. Il avoue : « Je prenais non pas une pastille de corydrane mais dix à chaque jour. (…) Un tube d’orthédrine me faisait une journée. (…). Ecrire, en philosophie, consistait en somme à analyser mes idées, et un tube de corydrane c’était : telles idées seront analysées dans les deux jours qui viennent. » Ces amphétamines sont un excitant du système nerveux central. Les stupéfiants ne créent pas du Sartre, ils accélèrent du Sartre. (souligné par le gris)
Seul Walter Benjamin avoue goûter au haschich, dès 1927, avec un autre philosophe, Ernst Bloch. Il meurt en se suicidant à coups de cachets de morphine, donc d’opium. Très bêtement. Benjamin fuit de France en Amérique via l’Espagne, pour éviter l’internement administratif promis, depuis 1939, aux « ressortissants du Reich » qui ne plaisent pas à Pétain. Au poste frontière de Port-Bou, le 26 septembre 1940, les douaniers espagnols lui font croire qu’ils vont lui refuser l’entrée. Ils veulent seulement lui soutirer de l’argent. Il les croit, il se tue. Oui, mort bête de celui qui croit à un mensonge, mort bête de celui qui préfère la morphine à la discussion.
Conclusion du chapitre : Un philosophe résolu veut droguer les autre à sa doctrine, surtout pas se droguer lui-même.