Moi qui poste rarement sur cet excellent site LMV par manque de temps, il serait sans doute indiqué que je poste quelque chose sur ma nouvelle saison de culture en extérieur
(toujours fidèle aux graines de Dutch Passion depuis 7 ans, avec des Voodoo comme depuis plusieurs années, et des Durban Poison pour la première fois)
ou que je demande des conseils à Bart ou à Durban sur cette nouvelle variété pour moi...
...mais voilà,
le grand débat du moment, qui a le mérite de faire discuter sur tous les forums de France et de me faire sortir d'un relatif silence, c'est celui sur le
Traité constitutionnel européen !
Comme un certain nombre de
"mains vertes" ici, j'ai passé le demi-siècle, j'ai grandi dans les années 50-60-70 et depuis que je suis conscient du truc, j'ai toujours été branché et en faveur de la construction européenne. Je me retrouve donc bien en accord avec les propos tenus ici par
Daniel,
Joey Sax,
El Niño,
Che Bleu et
Zazou60.
Il me semble que chaque génération prend conscience très jeune de ce vers quoi il faudrait aller pour améliorer le monde dans lequel on arrive, ou en tout cas en a une intuition. Nous, entre l'aspiration libertaire, la contre-culture, le
"make love not war" un peu simplet mais fort et sincère, la volonté de mettre sur le tapis ce qui jusque là se cachait, etc., on a eu l'occasion de faire des proclamations assez affirmées, et dans mon esprit, le soutien à la construction européenne participait du même projet, en était un volet plus politique tout en étant idéaliste.
Bien sûr, ça n'allait pas assez vite. D'ailleurs rien, dans l'évolution appelée de mes/nos voeux n'allait assez vite. Alors, d'une certaine manière, j'ai
"devancé l'appel" en me plongeant dans la Science-Fiction de 8 à 48 ans, qui permettait de faire un
"fast forward" imaginaire, et dans la fumette, qui permettait entre autres d'entretenir la puissance de tous ces rêves.
-= Une évolution lente mais constructive =-Sur le plan concret, cette construction européenne était bien lente dans son intégration politique, mais je voyais qu'un petit pas s'effectuait tous les 5-8 ans. Je me disais,
"Avant que je clamse, j'espère que je verrai l'Europe fédérale aboutie (et l'homme sur Mars !)". Cette construction ne prenait d'ailleurs pas toujours le chemin que j'aurais souhaité. À la fin des années 80, par exemple, il était question de choisir entre
"l'approfondissement" (
plus d'intégration politique) et
"l'élargissement" (
l'intégration des pays de l'Est en cours de libération). J'étais à fond pour l'approfondissement, bien sûr ; mais l'Allemagne voulait absolument ancrer ces pays à l'Ouest pour ne pas risquer une nouvelle coupure du continent, et l'Allemagne est notre partenaire no.1, donc il était "politique" d'accéder à son impérieux souhait, ça ne m'a pas plu, mais je l'ai admis.
Bref,
je vais bien entendu voter OUI à ce traité constitutionnel qui a le mérite de
faire la synthèse des traités passés et d'y ajouter, enfin,
une architecture politico-institutionnel qui marque une belle étape. Lâcher des éléments de souveraineté, pour 15 ou 25 pays, se mettre d'accord sur ces éléments, sur la manière de fonctionner à tant de pays, c'est
une démarche ardue, qui ne s'est quasiment jamais faite. Chaque conquête dans ce sens a réclamé et réclamera des mois, des années de discussion et des trésors de diplomatie. C'est frustrant que ça aille si lentement, mais à mon sens, les politiques qui en sont responsables représentent bien leurs populations ;
les peuples sont encore bien réticents à lâcher leurs acquis nationaux, leur souveraineté et leurs débats politiques nationaux auxquels ils sont habitués, pour des compromis qui déboucheront obligatoirement sur quelque chose de plus mosaïque.
-= Une réticence des peuples et de leurs représentants à lâcher des acquis nationaux =-Sans parler des "Non" souverainistes, les "Non" de gauche sont un excellent exemple de cette réticence très forte. La plupart sont réellement pro-européens mais veulent à toute force que les avancées européennes ressemblent le plus possible aux points de vue et aux manières de fonctionner français. Leur rejet très fort et affirmé du TCE me chagrine et je regrette qu'il y ait des chances sérieuses que la France vote contre lui. Cela dit, je trouve le grand débat que suscite ce référendum partout et la façon dont ça amène tout le monde à lire le texte (
quand même largement "lisible") et à réfléchir à ces questions positif pour l'avancement de la démocratie et de l'analyse politique.
Cela dit, les "Non" de gauche ont tort à mon sens, d'imputer la période très difficile que nous connaissons en ce moment sur le plan du travail aux fondations de l'Union européenne.
Dans notre monde, il n'y a pas réellement d'alternative à l'économie de marché ; des pays ont tentés au XXe siècle d'expérimenter une autre forme d'économie, organisée de façon centralisée et dirigiste, mais il s'avère que ça ne marche pas. De plus, c'est nécessairement à partir du travail et du marché que l'on peut dégager les moyens de faire fonctionner une société solidaire qui ne soit pas que marchande. Enfin, une large liberté dans les échanges économiques est la condition indispensable pour favoriser
un rattrapage progressif de niveau de vie dans les pays en développement. L'appel d'air, pour eux, c'est le pouvoir d'achat plus élevé des pays occidentaux.
-= Mondialisation et dure concurrence pour le travail =-La mondialisation, je crois que c'est seulement marginalement des millions d'actionnaires et de retraités américains qui cherchent à faire fructifier le plus leur argent. Je crois que c'est majoritairement des milliards d'habitants de PVD qui veulent connaître un meilleur niveau de vie et qui sont prêts à travailler très dur s'il y a cette perspective au bout.
Dans mon boulot de
traducteur indépendant, on s'est pris la mondialisation
en plein dans la gueule il y a 2-3 ans. Sans intermédiaires, sans méchants actionnaires ultra-libéraux, non, d'individu privilégié (
moi et mes homologues occidentaux) à individu moins privilégié mais déterminé (
dans les PVD). Comme nous sommes dans les
services immatériels,
il n'y a même pas besoin de directive Bolkestein pour que ces services que nous offrons soient très largement libérés, mondialisés, internetisés. Sur une
"place de marché" de traduction sur Internet, il y a 2 ans, je lisais une contribution de forum où
un confrère londonien se disait scandalisé que les prix pratiqués sur le site soient de 2 à 3 fois inférieurs aux prix anglais, il disait combien ça devenait impossible de vivre avec le coût de la vie élevé en Angleterre à ces tarifs ;
une consoeur roumaine lui répondait que ces prix mondialisés, s'ils étaient divisés par deux pour lui, étaient multipliés par 2 ou 3 pour elle, que
cette mondialisation était une bénédiction pour les Roumains et les autres.
Bon, nous, on a relativement de la chance, la traduction n'est pas un service entièrement banalisable comme bien d'autres. Il vaut mieux être dans le pays de la langue vers laquelle on traduit, il vaut mieux être natif de cette langue, il vaut mieux en avoir fait depuis des années, etc. Donc le choc s'est un peu amorti, les prix ont corrigé leur baisse et on peut continuer à travailler. Mais attention,
il faut serrer les dents et plonger dans la société du risque,
prendre toute sa part des nouvelles instabilités (
plutôt que de demander à en être protégé, ce qui est de moins en moins possible).
Ma précarité à moi, c'est carrément autre chose que celle dont peuvent se plaindre les salariés ! Depuis des années, en gros, j'ai un horizon d'une semaine de boulot. Quand j'ai 2 semaines de boulot dans mon planning, c'est carrément le grand confort. Toutes les semaines, il faut aller rechercher du boulot, rien n'est garanti. Le prix non plus, ça pourra dépendre d'une négociation à chaque fois.
Et ma flexibilité à moi, pareil, c'est carrément au-delà de ce dont en entend parler. Il y fusion quasi totale de mes vies privées et professionnelles, et d'ailleurs, ça ne me déplaît pas. S'il y a du boulot à faire le soir ou le week-end et si on a besoin de bosser, on prend, bien sûr. S'il y a 2 semaines de boulot à faire en une seule, on se met ventre à terre pour emmagasiner ça !
-= Un Oui ou un Non qui ne changeront pas grand chose aux duretés de la mondialisation =-Tout ça pour dire que vu de chez moi, tous ces aspects tout de même durs à vivre de concurrence mondiale en cours de généralisation ne sont pas imputables au premier chef à la partie III du TCE et que non seulement ils subsisteront, mais ils s'amplifieront de toute façon, qu'on réponde "OUI" ou "NON" au référendum sur le TCE.
C'est donc
faire un mauvais procès à ce Traité que de lui faire ces critiques, c'est rester dans le doux rêve, généreux mais totalement irréaliste, de croire qu'on pourra aisément préserver notre qualité de vie de citoyens européens en faisant de généreuses proclamations sur les façons de le rendre plus "social", et c'est rendre un bien mauvais service à nos pays et à nous-mêmes que de rejeter un traité qui constitue un progrès politique ardument négocié.
-= Votez "Oui", le cannabis est dans le Traité ! =-C'est pourquoi j'invite tous les cannabiculteurs à voter "OUI" le 29 mai.
En plus, si vous lisez bien le traité, vous y retrouverez notre plante favorite, à l'Annexe I -- qui énumère les produits concernés par la Politique agricole commune --, chapitre 57 (le dernier !). Pour un peu, je réclamerai des subventions, ha ha !
Lionel